mercredi 29 janvier 2020

Vidéoformation n°94: Qu'est-ce que l'épreuve des anges ?

Entretien avec le TRP Serge-Thomas Bonino,
Dominicain, Secrétaire Général de la Commission Théologique Internationale, Président de l’Université Pontificale Saint Thomas d’Aquin.

Une vidéoformation proposée par Notre Dame de chrétienté avec sa "fiche résumé" accompagnée d’une bibliographie pour aller plus loin.

  Fiche résumé:

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La PMA et l’effacement du père

http://www.fssp.ch/fr/photos/Fribourg2014/IMG_7877.JPG

 

La PMA et l’effacement du père

I. Le processus d’élargissement de la PMA et ses racines

A. LA PMA : DESCRIPTION ET PROBLÈMES ÉTHIQUES

En 1978, Louise Brown, le premier « bébé éprouvette », était conçue. C’était l’invention de la Fécondation in Vitro (FIV), nouvelle technique de ce qu’on appelle la Procréation Médicalement Assistée (PMA, parfois aussi dénommée AMP = Assistance Médicale à la Procréation), qui était limitée jusque-là à l’insémination artificielle (injection de sperme dans le corps de la femme).

La FIV se déroule en quatre étapes.

1. Stimulation hormonale : on procède d’abord à une stimulation hormonale pour activer la production des gamètes de la femme (ovules).

2. Recueil des gamètes : on prélève des ovules de la femme et le sperme du conjoint ou bien celui d’un donneur.

3. Fécondation : Deux méthodes sont privilégiées :

a. Technique conventionnelle : on effectue une série de fécondations artificielles en éprouvette en mettant en contact le sperme et les ovules (c’est la FIV au sens strict).

b. Technique avec injection intra-cytoplasmique (ICSI) : on force la pénétration de spermatozoïdes dans des ovules avec une micropipette.

Dans les deux cas, un certain nombre d’embryons sont ainsi conçus. Tous sont congelés.

4. Transfert des embryons dans l’utérus : à la suite d’une sélection, certains embryons sont destinés à être implantés dans l’utérus de la femme. On procède à la décongélation et à l’implantation. Souvent, on implante plusieurs embryons, car il n’est pas certain que l’embryon réussisse sa nidification. Enfin, si plusieurs embryons nidifient et se développent, on procédera fréquemment à une « réduction embryonnaire », c’est-à-dire à un avortement sélectif, pour ne conserver que le ou les embryons désiré(s).

 

Le premier « bébé éprouvette » français a été conçu en 1982 [1]. On estime que, fin 2019, le nombre d’enfants ainsi conçus par PMA en France atteindra 400 000 (le nombre de naissances par FIV chaque année est estimé à 12 000). Il faut savoir que la technique est loin de réussir à tout coup [2]. Le taux de réussite moyen par rapport au nombre d’embryons implantés est estimé à 17 %. De plus, comme on vient de le dire, le nombre d’embryons conçus est très supérieur à celui des embryons implantés. En moyenne, on aboutit, pour l’année 2015, en France, à 18 embryons conçus pour un seul implanté [3]. Les autres sont congelés en attendant d’être implantés à nouveau chez la femme, ou bien donnés à un autre couple, ou bien à la recherche, ou enfin détruits. Comme disait Jean-Louis Touraine, le député LREM qui propose d’étendre la PMA aux femmes seules et aux lesbiennes vivant à deux, à propos de cette élimination massive d’embryons humains : « Éthiquement, ça trouble un peu [4] ».

Effectivement, c’est un peu « troublant » ! Il y a de nombreuses raisons qui rendent la PMA inacceptable sur le plan éthique :

1. La première et la principale : elle fait de l’embryon humain un objet fabriqué par la technique humaine. Or une personne ne se fabrique pas, elle s’engendre. Elle ne peut pas être « livrée » comme une chose dont on passerait commande, mais seulement accueillie comme un don gratuit qui dépasse absolument celui qui le reçoit, et cela dans un contexte de relations humaines intimes et profondes, au sein du couple. Seule cette manière de procréer convient à une personne humaine. En effet, toute personne humaine est, par nature et indépendamment du regard que l’on porte sur elle, douée de  raison et, par suite, du libre usage d’elle-même et de certains biens extérieurs. C’est ce qui fonde sa dignité inaliénable : elle est un sujet autonome de pensée et d’action libre. Cette autonomie est certes relative et non absolue, puisque la personne humaine est en relation constante, d’abord avec son Créateur, de qui elle dépend en tout et absolument, ensuite avec d’autres personnes humaines, dotées de la même dignité qu’elle, et dont elle dépend aussi sous certains rapports. Mais c’est une autonomie réelle, en ce sens que toute personne humaine est une source singulière de pensée et d’amour, irréductible à tout autre, et capable de marquer le monde d’une empreinte qui lui est propre. Une personne humaine n’est donc jamais interchangeable avec une autre, elle est unique et possède, à ce titre, une valeur inestimable, en quelque sorte infinie. Chaque personne humaine possède d’ailleurs, pour ainsi dire, la signature biologique de son caractère unique : c’est l’unicité absolue de son patrimoine génétique et la manière également unique dont celui-ci sera mis en œuvre au cours de sa vie.  

Cette dignité intrinsèque à la personne humaine, sa valeur unique et irremplaçable, a une conséquence éthique capitale : on doit toujours la traiter comme un sujet de droits, jamais comme l’objet d’un droit. Je peux agir sur une personne, mais pas prendre pouvoir sur elle comme je le ferais d’un quelconque objet. Et, bien sûr, cette exigence s’impose dès la conception, puisque le statut de personne lui appartient dès le début de son existence : la première cellule de l’embryon (le zygote) possède déjà tout son patrimoine chromosomique singulier, même s’il n’est pas tout de suite pleinement actif. Il n’a pas encore l’exercice de la raison et de la liberté, mais il en a déjà la capacité radicale (un peu comme un homme endormi a encore la capacité radicale de raisonner, même s’il ne peut s’en servir) [5].

Par conséquent, le simple fait de « fabriquer » un embryon in vitro constitue un déni objectif de sa dignité de personne humaine. Inévitablement, l’embryon ainsi manipulé est ravalé au rang des choses, des réalités totalement maîtrisables par nous, parce que faites par nous. Il ne s’agit nullement de méconnaître l’amour très sincère que ses futurs parents peuvent lui porter ni le dévouement de médecins et d’infirmières qui ne demandent qu’à soulager une souffrance parfois épouvantable chez certains couples atteints d’infertilité. Mais il faut bien comprendre que ni la bonne intention ni l’heureux résultat ne suffisent à garantir la bonté éthique d’un acte, c’est-à-dire sa pleine adéquation au bien intégral de la personne. Il faut voir s’il n’y a pas, dans l’acte même, une réalité objectivement contraire à ce bien. Car, dans ce cas, en posant l’acte, j’ai l’intention objective de procurer un mal. En l’occurrence, ce mal consiste à « réifier » la personne, à la réduire au rang d’un objet fabriqué. C’est comme si, en pratiquant une FIV, avec toutes les manipulations embryonnaires qu’elle exige, j’envoyais ce message implicite : une personne humaine peut, dans certaines circonstances, être produite à l’instar d’un simple objet, comme un ordinateur. Mais alors, j’ouvre la boite de Pandore, car plus rien ne m’empêchera d’aller aussi loin que je le jugerai bon : un objet fabriqué n’a pas de droits, il est à ma disposition et je peux aller jusqu’à le détruire, s’il me semble que mon bien personnel l’exige. C’est d’ailleurs ce qui se produit, en fait, dans la FIV, pour nombre d’embryons humains : on reconnaît à certains le droit de vivre, à d’autres non. Qu’on veuille bien y réfléchir et l’on s’apercevra que c’est déjà une transgression éthique vertigineuse, sans parler de toutes celles qui pourront s’ensuivre.

C’est un aspect du problème qui échappe au Dr Testart, l’un des promoteurs du « bébé éprouvette ». Dans une interview publiée dans Valeurs Actuelles, Charlotte d’Ornellas lui demandait s’il lui arrivait de penser que c’est lui qui a fait le premier pas de la marche à l’eugénisme en réalisant en France la première FIV. Il répond : non, car la FIV, contrairement au transhumanisme, ne propose pas d’améliorer l’espèce, voire de dépasser la condition humaine. Elle ne guérit même pas, mais elle offre une solution alternative à un couple qui ne peut pas concevoir normalement. Cependant, il ajoute : « Je sais aussi que s’il n’y avait pas eu la FIV, il n’y aurait pas eu la suite [6]… » N’y a-t-il pas là une incohérence ? En fait, à partir du moment où la technique humaine se donne le droit de se substituer au processus naturel de la génération humaine, alors on sort de la génération humaine proprement dite, pour entrer dans la fabrication. La conception d’une personne n’est plus foncièrement différente de la fabrication d’un ordinateur. Donc, il n’y a plus de différence essentielle entre la personne, sur laquelle je n’ai pas tout pouvoir, et l’objet fabriqué, sur lequel j’ai tout pouvoir.

À cette objection éthique fondamentale, on peut en ajouter d’autres, qui ne sont que la conséquence du déni de dignité personnelle pour l’embryon impliqué par la PMA :      

 

2. La FIV soumet la personne de l’enfant à la dictature du désir des adultes. Le mot « dictature » pourrait sembler excessif et blessant pour ceux qui ont recours à cette technique. Encore une fois, nous ne jugeons pas l’intention subjective des demandeurs, mais nous nous interrogeons sur la signification objective de la FIV, le regard qu’elle induit par elle-même sur l’enfant. À cet égard, il y a bien une différence profonde entre poser un acte conjugal avec l’espoir qu’une conception s’en suivra et demander à la technique de fabriquer des embryons puis de les sélectionner. Dans le premier cas, le désir d’enfant – en lui-même très légitime – reste entièrement subordonné à un processus naturel qu’on ne prétend nullement maîtriser. L’enfant est espéré, attendu comme un don imprévisible et non programmable, nullement comme un dû. Dans le second cas, il devient l’objet d’une prestation de service ; on le programme et on le sélectionne sur certains critères dans lesquels entre une bonne part de subjectivité. Dès lors, l’enfant est subordonné à la satisfaction d’un désir, il devient, en quelque façon, un dû. Comment ne pas voir qu’il y a là un très dangereux narcissisme ? Ce narcissisme peut aller jusqu’à l’absurde, comme dans le cas de ces deux lesbiennes sourdes de la banlieue de Washington qui ont obtenu, par insémination, une enfant comme elles le voulaient : sourd [7].

 

3. La FIV réduit les gamètes au rôle de matière première manipulable et ouvre ainsi la voie à la marchandisation des éléments du corps humain (toujours officiellement interdite en France, mais déjà pratiquée dans d’autres pays). 

 

4. La FIV institue, sans le dire, une pratique eugéniste, puisqu’il faut bien, dans la sélection des embryons, se servir de critères pour discerner lequel est « meilleur » qu’un autre. Or, comme l’explique le Dr Testart, le but de la médecine est d’avoir des individus sains. Mais, avec les progrès de la médecine, la barre du « normal » en matière de santé s’élève toujours plus haut. Qu’est-ce qu’un « enfant sain » ? Très vite, on passe de « l’enfant sain » à « l’enfant plus performant » à tout point de vue, et on se prend à rêver de l’enfant « parfait ». Après le « bébé à tout prix », on en vient à vouloir le « meilleur bébé ». De l’eugénisme négatif (« bébé sans défaut »), on bascule sans s’en apercevoir dans l’eugénisme positif (« le bébé le meilleur »), comme l’explique bien Blanche Streb [8].

 

5. Enfin, la FIV peut être source de blessures psychologiques pour l’enfant qui apprend qu’il a été conçu de cette façon. Certains psychothérapeutes commencent déjà à tirer la sonnette d’alarme. Il semble que les enfants nés de PMA soient susceptibles, plus que d’autres, de développer certaines pathologies psychiques, comme par exemple un sentiment de toute-puissance (« Je suis le plus fort, tout m’est possible, puisque j’ai passé la sélection de la FIV »), le refus de respecter l’autre (« J’ai le droit de manipuler, puisque je suis moi-même né d’une manipulation »), ou bien un sentiment de culpabilité morbide (« Pourquoi suis-je en vie alors que tant d’autres ont été éliminés au cours du processus ? ») [9].

 

 

B. LA PMA ÉLARGIE : POURQUOI ON VEUT ALLER TOUJOURS PLUS LOIN

En 1994, la loi bioéthique valide et encadre le recours à la PMA (tout en interdisant la GPA). On précise que les deux membres du couple doivent être vivants et en âge de procréer. Le but de cette autorisation est double :

  • remédier à l’infertilité médicalement diagnostiquée d’un couple ;

  • ou bien éviter la transmission à l’enfant d’une maladie particulièrement grave, même si le couple demandeur est fertile.

On constate donc que, déjà, l’usage de la PMA va s’élargissant. Avant cet encadrement légal, les scientifiques promoteurs de la PMA ne parlaient que de venir en aide aux couples infertiles. Mais déjà, avec l’intervention du législateur, la PMA devient accessible à des couples fertiles.

Un pas de plus est franchi en 2014 : un arrêt de la Cour de cassation reconnaît l’adoption d’enfants par « l’épouse » d’une femme qui a conçu illégalement à l’étranger par PMA. C’est un premier pas vers la « PMA pour tous ». Evidemment, le vote de la loi Taubira en 2013 n’est pas pour rien dans cette évolution.

En 2017, Macron annonce l’ouverture des états généraux de la bioéthique et d’une concertation nationale sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Les états généraux ont eu lieu en 2018 et se sont révélés très largement défavorables à cette ouverture. Cependant, il est probable qu’elle aura lieu bientôt, puisqu’un projet de loi dans ce sens a déjà été présenté.

On constate donc qu’il existe une logique apparemment irrésistible du « toujours plus » en matière de bioéthique. Ce qui est possible sous certaines conditions doit l’être un peu plus tard (le moins tard possible) sans conditions. Ce qui est ouvert à certains doit l’être à tous. Pourquoi ? Quelles sont les racines de cette sorte d’emballement ?

1. La fascination pour la technique et le pouvoir qu’elle donne jouent un grand rôle. Les scientifiques, les gouvernants et le simple quidam sont pris d’une ivresse de toute-puissance. Le Dr Testart lui-même estime que de plus en plus de gens mettent dans la science tous les espoirs, toutes les attentes qui étaient, jusqu’alors, pris en charge par la religion. On n’attend plus seulement de la médecine qu’elle améliore ou prolonge la vie physique, il faut qu’elle élimine totalement la souffrance et la mort. Donc aucune limite à la recherche n’est tolérable.

2. L’aspect économique est aussi très important : le « marché de la vie », par exemple à travers le commerce des gamètes, est de plus en plus rentable.

3. Il y a, plus profondément, l’idée sous-jacente que la vie s’identifie au mouvement. Celui qui ne change plus meurt. Toute nouveauté est bonne en elle-même. Demain amènera forcément mieux qu’aujourd’hui. Cette idéologie, qui imprègne profondément les mentalités contemporaines, a été très bien analysée dans un bel essai de F.-X. Bellamy [10].

4. Il existe une cause encore plus profonde : la dissociation complète de la nature et de la liberté, comprise elle-même dans un sens totalement individualiste. Dans une vision réaliste, la nature est la base d’opérations indispensable à un exercice de la liberté sain et constructeur de la personne. Je suis libre, donc je peux faire certains choix personnels, mais sur la base du consentement à ce que je suis par nature : être humain, homme ou femme, de tel pays, à telle époque, etc. Ma nature met des limites à mon pouvoir, elle m’oblige à discerner entre des désirs réalisables et des désirs irréalisables, des désirs constructeurs ou des désirs destructeurs de mon bien personnel et du bien commun. Les deux ne sont pas séparables, puisque l’homme est un « animal social ».

Mais, depuis la fin du Moyen Âge, s’est mise en place une dissociation progressive entre la nature et la liberté : d’abord avec le nominalisme, qui coupe l’intelligence du réel : l’accès à la nature des choses devient problématique. L’intelligence n’a plus vraiment accès au vrai (sauf par la foi, dans la mesure où la révélation divine offre une garantie absolue de véracité) et la volonté n’a plus d’orientation naturellement fixée vers le bien. Puis vient la Réforme protestante, qui ferme l’homme à la grâce et proclame la primauté du jugement individuel sur toute autorité en matière religieuse. La liberté individuelle se met ainsi au-dessus de la révélation elle-même. Ensuite, avec les « Lumières », la raison achève de divorcer d’avec la foi, tandis que la liberté devient une sorte d’autonomie absolue. Les lois civiles (il n’existe plus de loi naturelle) et même la liberté d’autrui ne sont plus que des contraintes imposées à ma liberté : « Ma liberté commence là où s’arrête celle d’autrui ». Ces contraintes sociales ne sont qu’un mal nécessaire, il faut les réduire le plus possible pour faire plus de place à la liberté.

Il y a pourtant un domaine où la nature semblait garder l’intégralité de ses prérogatives : celui de la transmission de la vie. Jusqu’à une époque récente, il était admis qu’en ce domaine la liberté humaine reste très limitée. Je peux choisir d’avoir ou de ne pas avoir de relations sexuelles, mais je ne peux pas choisir mon propre sexe. Je peux souhaiter avoir des enfants, mais, s’il y a un obstacle biologique insurmontable, je n’ai plus qu’à faire mon deuil de ce désir irréalisable. Je peux souhaiter, si un enfant s’annonce, que ce soit un garçon ou une fille, qu’il ait telle couleur d’yeux ou de cheveux, mais ce n’est pas moi qui en déciderai. Tout cela, c’est l’affaire de la nature ou de la providence.

Seulement voilà : si la « nature » n’est rien d’autre qu’une contrainte, une limite à ma liberté ; si mon désir ne veut pas connaître d’autre loi que la sienne ; si toute frustration est, par définition, intolérable, pourquoi tolérer cette limite-là ? La science me donne le pouvoir, par la contraception et l’avortement, de ne pas avoir d’enfant, si je n’en veux pas : je le prends. Elle me donne, par la PMA, le pouvoir d’avoir des enfants quand je veux (en théorie), sans considération de sexe ou d’âge : je le prends. Elle commence à me donner même le pouvoir d’avoir le genre d’enfant que je veux, grâce à la sélection des embryons : je le prends.

En somme, du moment que la nature ne joue plus son rôle fondamental d’orientation et de régulation des désirs individuels, il est logique que la liberté individuelle revendique un pouvoir sans limites : mon désir est ma loi. Nous entrons dans l’ère du « désir roi ». C’est une sorte de délire narcissique collectif. Mais il y a forcément des victimes de ce désir prétendument tout-puissant. D’abord les enfants, bien sûr, et, plus généralement, les petits, les faibles, les dépendants, comme Vincent Lambert. Mais aussi les parents, et singulièrement le père.

 

II. L’effacement du père et le sens symbolique de cet effacement

A. L’EFFACEMENT PROGRESSIF DU PÈRE DANS LES DÉRIVES BIOÉTHIQUES

Il est frappant de constater qu’avec l’évolution des lois bioéthiques, de plus en plus libertaires, le père est le grand perdant. Déjà avec la contraception chimique : concevoir ou ne pas concevoir devient avant tout l’affaire de la femme, puisque c’est elle qui a le pouvoir (un pouvoir d’ailleurs bien fragile, qui la soumet à mille contraintes) sur les processus hormonaux dont dépend sa fécondité. Le corps de la femme, en se fermant à la vie, commence déjà à se fermer à l’homme, qui n’est plus un père potentiel.

Ensuite, plus gravement, avec la PMA pour couples au sens propre : le père n’est plus qu’un donneur de sperme, comme la mère n’est plus qu’une donneuse d’ovocytes. La fécondation n’est plus une rencontre de personne à personne, par le contact des corps, elle est une fabrication à l’aide d’éléments biologiques tirés des corps (qui se voient ainsi réduits au rang de pièces détachées d’une machine). Et, bien sûr, une fécondation par le sperme d’un tiers devient possible. Dès lors, le lien biologique avec le père est déjà brisé, même si ce père existe et peut être éventuellement recherché. L’enfant aura au moins un père d’intention, mais qui n’est pas son géniteur. Le lien charnel est tenu pour insignifiant. Mais, s’il a si peu d’importance, pourquoi de plus en plus de gens nés d’un don anonyme de sperme souhaitent-ils tellement retrouver leur géniteur ?

Avec la « PMA pour toutes », c’est-à-dire pour « couples [11] » de femmes ou pour femmes seules, c’est la paternité d’intention qui devient impossible. Elle est, dès le départ, refusée à l’enfant. Il aura sans doute un géniteur, mais pas de père, il ne saura pas, concrètement, ce qu’est un père.

Bien sûr, les conséquences psychiques pour l’enfant sont dramatiques. Tous les pédopsychiatres les reconnaissent. Le Dr Lévy-Soussan expliquait, en octobre 2018, à l’occasion des auditions menées par l’Assemblée Nationale pour la révision des lois bioéthiques, que, pour se construire, tout enfant a besoin d’une « scène originaire », c’est-à-dire une image mentale de sa propre origine. Dans le cas d’une parenté naturelle, la filiation biologique et la filiation symbolique concordent. L’enfant est donc dans les meilleures conditions pour constituer sa « scène originaire ». Dans le cas d’une adoption ou d’une PMA dans un couple normal, il aura plus de peine, car il devra réassocier ce qui a été dissocié. Dans le cas, enfin, d’une PMA sans père, l’enfant est privé de toute possibilité de se représenter son origine à partir d’un homme et d’une femme [12].

 

B. L’EFFACEMENT DU PÈRE OU LE REFUS DE L’ALTÉRITÉ

Maintenant, demandons-nous : pourquoi est-il si grave, pour l’enfant, de ne pas pouvoir dire qui est son père ? Pourquoi le lien de filiation avec la mère, qui est pourtant si fort, ne lui suffit-il pas ? La réponse est la suivante : seul le père peut donner pleinement à l’enfant le sens de l’altérité. Contrairement à la mère, le père est, par son corps, radicalement distinct de l’enfant dès le départ. Il n’est pas dans une relation fusionnelle avec lui. Il est donc beaucoup mieux placé que la mère pour faire comprendre à l’enfant, lui faire même « sentir », éprouver dans son corps, dans sa sensibilité, que, dans le monde, il n’y a pas que le sacro-saint « moi » avec ses besoins, ses désirs, ses phantasmes. Il y a, distinct du « moi », impossible à réduire au « moi », l’immense domaine de l’autre, c’est-à-dire ce réel que je n’ai pas fait et que je ne peux pas plier à tous mes caprices. « Prenez vos désirs pour des réalités », disait le slogan de mai 68. Le père est justement celui qui apprend à l’enfant à ne pas faire cette sottise, à accepter que tous ses désirs ne soient pas réalisables.

Faisons un dernier pas : quelle est l’altérité fondamentale et fondatrice de toutes les autres que le père doit aider l’enfant à découvrir ? Elle est double :

a) C’est d’abord ce qu’on pourrait appeler une altérité immanente à l’enfant lui-même, à savoir la nature humaine. Car, s’il est vrai que je suis une personne, douée de liberté, je ne peux exercer cette liberté que sur la base des facultés que m’offre la nature humaine, et en tenant compte des orientations qu’elle m’indique. Or cette nature, je ne l’ai ni choisie, ni produite, je l’ai reçue d’un autre, avec tous ses caractères communs et individuels. Par rapport à ma volonté libre, la nature est la première altérité, la première réalité non maîtrisable à laquelle je dois consentir pour construire ma personne. Mais, si je veux, au contraire, n’être qu’un sujet de désirs tout-puissants et de droits sans limites, alors il faut absolument que je « tue » le père, ce gêneur dont la seule existence me rappelle que j’ai une origine extérieure à moi et que j’en ai reçu une nature qui limite ma liberté tout en la fondant.

b) C’est ensuite l’Autre par excellence, la toute première des réalités autres et extérieures, à savoir le Créateur, l’origine première de ma nature comme de ma personne. Le père est, pour l’enfant, la première image de Dieu en tant qu’il est le Tout Autre. Ce n’est pas un hasard si, dans la Bible, Dieu est parfois appelé « père », mais jamais « mère ». On dira parfois qu’il est « comme une mère » pour ceux qu’il aime, qu’il a des manières d’agir analogues à celles d’une mère, qu’il est « pris aux entrailles » par la pitié, qu’il console, qu’il réconforte [13]. Mais jamais il n’est dit être mère, alors qu’il est dit être père pour Israël (cf. Ex 4, 22-23 ; Dt 33, 6 ; Os 11, 1), pour Jésus-Christ et pour tous ceux qui croient en lui (cf. Jn 20, 17 : « Je monte vers mon Père et votre Père »). Pourquoi ? Parce qu’il est capital de faire comprendre aux hommes que Dieu est l’Autre par excellence, le Transcendant, l’Être avec lequel aucun rapport fusionnel n’est concevable, même s’il nous appelle à participer à sa nature et à sa vie divine.

 

En somme, la grande question que posent la PMA et toutes les dérives en matière de bioéthique est celle-ci : qui est, en définitive, le maître de la vie, la source du réel ? Dieu ou nous ? Robert G. Eward, inventeur de la FIV, dans un discours prononcé le 24 juillet 2003, pour le 25e anniversaire de Louise Brown, le premier « bébé éprouvette », a ces paroles révélatrices : « La FIV a été une réalisation extraordinaire, mais elle ne touchait pas seulement à l’infertilité […]. Je voulais trouver qui avait le dernier mot : était-ce Dieu ou bien les chercheurs dans leur laboratoire [14] ? » M. Eward aurait dû savoir – mais il ne voulait pas le savoir – qu’un être humain, issu d’un homme et d’une femme, qui a reçu d’eux sa nature, ne peut pas avoir le « dernier mot » s’il entreprend une lutte absurde pour s’émanciper de cela-même qui le constitue dans son humanité. Dans ce domaine, toute « victoire » n’est qu’une défaite de plus, et la victoire totale signifierait la destruction totale.

Face à ces épouvantables phantasmes de toute-puissance, ce délire narcissique collectif, les pères ont un rôle capital. Ils sont en première ligne pour défendre les droits de Dieu, de la nature, de l’autre, face aux agressions du « désir-roi ». Ils ont cette mission irremplaçable : apprendre à l’enfant qu’il doit ajuster ses désirs au réel, et non pas l’inverse. Que sa liberté lui est donnée pour se construite et non pour se détruire. Que le plus bel usage de sa liberté ne consiste pas à choisir ce qui est moins grand que lui et qu’il tient en son pouvoir, mais à consentir à ce qui n’est pas en son pouvoir, parce que c’est plus grand que lui. Et qu’en fin de compte, le plus beau de tous les consentements, le seul qui puisse le rendre pleinement vivant et pleinement heureux, c’est le consentement à l’amour que Dieu lui porte et qu’il lui demande, au projet sur lui de Celui qui est à la fois le plus lointain et le plus proche, son Père éternel. 

 

A.-M. Crignon

 

Présentation auteur :

Le père Albert-Marie Crignon, religieux de la Fraternité Saint Vincent Ferrier, est docteur en théologie biblique. Il a publié, en juin dernier, une thèse centrée sur le thème de la filiation dans le livre de la Genèse : Qui es-tu mon fils ? La vie prophétique de Jacob et Rachel, Gn 25-35, Paris, Cerf, Lectio Divina 274, juin 2019.

 

 

 

 

[1] Le 24 février 1982 dans une clinique de Clamart.

[2] Cf. Blanche Streb, Bébés sur mesure. Le monde des meilleurs, Artège, 2018, p. 165 : « Citons par exemple le fait que beaucoup d’embryons ne survivent pas aux parcours de FIV ou ne s’implantent pas une fois transférés dans l’utérus, que près de la moitié des embryons ne résistent pas à la décongélation, que lors de grossesses multiples induites par stimulation ovarienne ou par implantation de plusieurs embryons, des interruptions sélectives de grossesse (appelées aussi réductions embryonnaires) sont pratiquées. Il y a beaucoup de déchets d’embryons, y compris d’embryons sains ». La FIV soumet les embryons à beaucoup de violences et impose à la mère (comme à son conjoint) ce qui est souvent ressenti comme un « parcours du combattant » pour aboutir, hélas, à un échec dans trois quart des cas.

[3] Pour ces chiffres, cf. Blanche Streb, op. cit, p. 18. Nous recommandons vivement la lecture de ce livre très éclairant, tant sur les aspects techniques de la manipulation embryonnaire que sur les graves problèmes éthiques qu’elle soulève.

[4] Cf. « PMA : ce que le débat ne nous dit pas », Charlotte d’Ornellas, Valeurs Actuelles, 14 février 2019, p. 26.

[5] Ce statut de personne n’est pas reconnu à l’embryon par le droit français. Juridiquement, on n’est une personne qu’à partir de la naissance. Si la personnalité juridique est reconnue à l’embryon, ce sera comme par un effet rétroactif une fois cette personnalité acquise par la naissance. Cet étrange décalage aboutit à ce paradoxe : « Une femme enceinte, se déplaçant en Europe, au gré des frontières traversées, porte en elle, tantôt un être humain sujet de droits, tantôt une chose indéfinie » (Blanche Streb, op. cit, pp. 229-230). Pourtant, comme le remarque encore Blanche Streb, nul ne conteste que l’embryon fasse partie, dès sa conception, de l’espèce humaine. Il est donc, au minimum, un être humain. Dès lors « faut-il vraiment persister à vouloir faire une distinction entre l’être humain et la personne humaine ? […] A-t-on déjà vu un embryon humain devenir autre chose qu’une personne humaine ? » (Blanche Streb, op. cit, p. 230).

[6] Cf. « L’eugénisme s’affirme comme projet de société », interview du Dr Testart par C. d’Ornellas, Valeurs Actuelles, 14 février 2019, p. 24.

[7] Cf. Pascal Riche, « Un couple de sourdes fait naître un enfant sourd », Libération, 10 avril 2002.

[8] Blanche Streb, op. cit., pp. 34-35.

[9] Cf. Blanche Streb, op. cit., pp. 163-168.

[10] François-Xavier Bellamy, Demeure. Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, Grasset, 2018.

[11] En bon français, deux femmes ou deux hommes forment une « paire » ou un « duo », pas un « couple », qui suppose deux éléments hétérogènes. Il y a là un brouillage du langage qui n’est pas neutre.

[12] Cf. https:// www.lesalonbeige.fr/recherchons -desesperement-pedopsychiatre-favorable-a-la-pma-sans-pere/

[13] Voir par exemples ces paroles du livre d’Isaïe, qui ont vivement frappé sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et l’ont aidée à découvrir sa voie d’enfance spirituelle : « Vous serez portés sur les bras et caressés sur les genoux. Comme un fils que sa mère console, moi aussi je vous consolerai » (Is 66, 12-13).

[14] Robert G. Eward, discours du 24 juillet 2003, cité in B. Streb, Bébés sur mesure, pp. 19-20.

samedi 25 janvier 2020

Entretien de Jean de Tauriers, président de Notre-Dame de Chrétienté, au journal Présent

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Jean de Tauriers, président de Notre-Dame de Chrétienté, a publié sur le site du pèle- rinage le 10 décembre dernier des chiffres parlants, dont celui-ci : 37 % des catholiques états-uniens allant à la messe au moins une fois par semaine ne croient pas en la Présence réelle. Il revient sur le sujet pour nos lecteurs.

— Nous nous trouvons devant un véritable effondre- ment de la foi...

— J’écoutais récemment un évêque américain com- menter ce sondage dramatique. Sa réaction était bien différente de celle de nos évêques européens. Il constate et accepte les faits, et ose parler « d’échec massif » dans la transmission de la foi pour reconnaître ensuite avec honnêteté une responsabilité personnelle dans la pastorale. Cette approche est douloureuse à ex-

primer mais aussi courageuse. Comment faire autre- ment ? Il ne s’agit pas d’inventer, comme nous l’enten- dons si souvent en France, une responsabilité globale sociétale (« la faute-à-Mai 68 »). En France, nous avons un défaut, nous voulons croire en nos rêves. Est- il exagéré, cinquante années après la nouvelle messe (1969), d’oser un bilan ?

Les positions du monde traditionnel semblent souvent pessimistes alors qu’elles ne sont que réalistes. La transmission de la foi connaît certes des lieux de résis- tance et des générosités magnifiques dans beaucoup de milieux, et le pèlerinage traditionnel de chrétienté en fait partie. Il n’en reste pas moins que le concile Vati- can II (cf. Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien) a marqué un décrochage dans la pratique religieuse, les vocations, le rayonnement du catholicisme en France. Cet échec évident est une grande tristesse. La résistance traditionnelle des années soixante-dix a fait ce qu’elle a pu pour endiguer cette vague progressiste, essayant de soutenir les tentatives de restauration des papes Jean-Paul II ou Benoît XVI.

— Quelles sont selon vous les causes de cet échec de transmission de la foi ?

— La déchristianisation aura été causée par toutes ces initiatives : communion dans la main, perte du sacré dans la liturgie, méconnaissance du sacerdoce du prê- tre, disparition des catéchismes, protestantisation des esprits, faux œcuménisme...

La crise actuelle de la foi est une crise de la transmis- sion et donc une crise du catéchisme. Jean Madiran a passé sa vie à réclamer l’accès aux vérités de foi grâce au catéchisme. Notons que le cinquantième anniver- saire de la nouvelle messe (premier dimanche de l’Avent 1969) n’a pas donné lieu à de grandes cérémo- nies en 2019. Nous faisons nôtres les propos du cardi- nal Ratzinger dans son livre Ma Vie (2005) : « Je suis convaincu que la crise de l’Eglise que nous vivons au- jourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie. » Phrase terrible du futur Benoît XVI qui re- prend tous les reproches émis par le monde traditionnel

réunissant les trois effondrements : catéchisme, liturgie et foi.

— Les signes d’adoration, présents dans le rite tradi- tionnel, ne sont donc pas inutiles et encore moins ridi- cules, comme on a tenté de nous le faire croire ?

— Ces signes sont offerts à Dieu et aident les pauvres hommes que nous sommes à cet effort de révérence. J’observe que beaucoup de cérémonies en forme ordi- naire veulent retrouver une sacralité en inventant de nouveaux signes d’adoration. Notre pèlerinage de chré- tienté a réuni 14 000 pèlerins en 2019 : 50 % ont moins de 20 ans, quasiment 100 % des pèlerins sont des prati- quants réguliers et 40 % des pèlerins ne pratiquent pas régulièrement dans la forme extraordinaire. Je ne peux que confirmer les analyses de Yann Raison du Cleuziou dans son dernier livre (Une contre-révolution catho- lique, 2019) sur cette exigence des catholiques français pratiquants, aujourd’hui sur une ligne beaucoup plus traditionnelle que nombre de leurs évêques.

— Pensez-vous que la situation soit différente aux Etats-Unis et en Europe ?

— Il existe des différences entre les pays, et certains pays, comme la France, ont été davantage touchés par le progressisme. D’où cette réaction traditionnelle par- ticulièrement puissante et efficace en France avec la création d’écoles, des mouvements scouts, pèlerinages, paroisses, communautés, abbayes... dont nous bénéfi- cions aujourd’hui.

— Qu’attendez-vous de nos pasteurs pour répondre à cette désastreuse dérive ?

— Nous attendons nos évêques au premier rang avec des mots vrais, courageux, sans langue de buis. Dire la vérité fortifiera l’espérance que les catholiques ne peu- vent perdre. La victoire finale nous est promise.

— Quel est le thème de votre prochain pèlerinage de Pentecôte, les 30 et 31 mai et 1er juin prochains ?

— Nous marcherons en méditant sur le thème « Saints Anges, défendez-nous dans les combats », de Saint- Sulpice à la cathédrale de Chartres. w

mercredi 22 janvier 2020

Vidéoformation n°93: Qu’est-ce qu’un ange?

Entretien avec le TRP Serge-Thomas Bonino,
Dominicain, Secrétaire Général de la Commission Théologique Internationale, Président de l’Université Pontificale Saint Thomas d’Aquin.

Une vidéoformation proposée par Notre Dame de chrétienté avec sa "fiche résumé" accompagnée d’une bibliographie pour aller plus loin.

  Fiche résumé:

» lien direct vers la vidéo

Pèlerinage 2020 - RECHERCHE DE VÉHICULES

http://www.nd-chretiente.com/dotclear/public/pele2019/photos_direct/Soutiens_Organisation/600/IMG_6635_1.JPG
 
RECHERCHE DE VÉHICULES
 
Nous recherchons des personnes pouvant prêter pour le pèlerinage du 30 mai au 1er juin le type de véhicules suivant (avec ou sans conducteur) pour assurer la sécurité ainsi que le transport des pèlerins fatigués : 
- monospaces minimum 7 places 
- minibus
- kangoo
La logistique recherche aussi des utilitaires de 6m3 à 20m3. 
Les frais de carburant seront pris en charge par l'association.
Ce service nous sera d'une grande aide pour accompagner le développement et le rayonnement du pèlerinage de Chrétienté.
 
Si vous pouvez nous rendre service, contactez claire.renard@nd-chretiente.com

jeudi 16 janvier 2020

Appel de Chartres n° 235 : « Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat »

Chers amis pèlerins,

Chers cadres de chrétienté,

nous pèlerinerons cette année sur le thème des Anges. Saviez-vous que Saint Michel, Prince des Anges, était l’un des protecteurs de notre pèlerinage ? 

Avant tout, Saint Michel est protecteur du Royaume de France, comme il fut celui d’Israël. De même qu’il a aidé la France à rester fidèle aux promesses de son baptême, il nous aide à rester forts dans les tentations.  En effet, Saint Michel accompagnait déjà Clovis et ses Francs à Tolbiac. A l’issue de la bataille, le roi lui consacrait la fille aînée de l’Eglise. Représenté sur les bannières de Charlemagne, honoré par le Mont Saint Michel, il guida Sainte Jeanne d’Arc, qui délivra Orléans le 8 mai, fête de Saint Michel (apparition au mont Gargano). Louis XI avait une telle dévotion pour lui, qu’il le choisit comme patron du premier ordre de chevalerie du royaume, l’ordre de Saint Michel. Par ailleurs, les rois de France demandaient à Saint Michel sa protection pour leur royaume, le jour de leur sacre. Alors que Louis XV omet de le faire, sans doute mal conseillé par le Régent, nous ne pouvons que tristement constater comment les forces de l’enfer se sont ensuite emparées du royaume de France et n’ont eu de cesse de mettre à bas la chrétienté dans notre pays. 

Saint Michel est logiquement le saint patron du Service d’Ordre, humble milice terrestre au service de la chrétienté. L’Archange entraîne les gilets bleus sur les routes de Chartres, afin qu’ils conduisent les pèlerins d’une cathédrale à une autre, aux pieds de Marie. De manière symbolique, vous verrez en tête de chaque procession, lors de notre pèlerinage, la bannière du Service d’Ordre, sur laquelle figure Saint Michel, comme l’étendard de Charlemagne autrefois. Le Service d’Ordre et la Direction des Soutiens qui organisent durant l’année notre pélé, invoquent ensemble leur saint patron pour qu’il nous aide à conduire les pèlerins en sécurité de Paris à Chartres. Nous l’implorons aussi pour qu’il nous protège des divisions et des assauts du Malin, nous donne les forces sur les sentiers de la sainteté, et  nous aide à rebâtir la chrétienté en France, en restaurant la Royauté de Notre-Seigneur dans la société et dans nos familles. 

« Oh Michel, patron des paras, trempe nos cœurs de hardiesse…» . (1)
Saint Michel, Défenseur de la foi, priez pour nous (2). Aidez-nous à rester fidèles à la foi des Apôtres. 
Saint Michel, Protecteur et Défenseur du Saint Sacrifice de la Messe, priez pour nous (3), qui voyons dans la Messe traditionnelle le ferment de notre pèlerinage. 
Saint Michel, Protecteur de la Cité du Vatican, défendez le Saint Père et la Curie contre les agressions du diable. 

Saint Michel, Prince de la Milice céleste, dirigez nos combats d’hommes, déployez vos légions d’anges pour nous protéger, ainsi que nos familles et nos chapitres, contre « Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde pour perdre les âmes (4) ». 

Et vous, chers amis, je vous invite à reprendre, derrière notre Service d’Ordre, le chemin de la dévotion à Saint-Michel. Que portés par elle, nous redécouvrions l’intimité avec les Saints Anges, sans doute nos derniers secours quand tout semble humainement perdu et en particulier à notre dernière heure. 

Denis Pinoteau
Directeur des Soutiens

_______________________________

(1)  Hymne à Saint Michel 
(2) Litanies de Saint Michel
(3) idem supra
(4) Prière de Léon XIII à Saint Michel

Le pôle santé du pèlerinage Notre-Dame de chrétienté recherche des kinésithérapeutes

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Le pôle santé du pèlerinage Notre-Dame de chrétienté recherche des kinésithérapeutes, pour renforcer le dispositif de secours de l’Ordre de Malte, au cours de la journée tout au long de la colonne des pèlerins et le soir au sein du poste médical avancé (PMA).

Le kinésithérapeute assure sur prescription des médecins, les soins essentiellement de massage auprès des pèlerins qui le nécessitent afin de traiter leurs douleurs en vue de la poursuite du pèlerinage.

Sous l’autorité du médecin responsable du pôle santé de Notre-Dame de Chrétienté, l’équipe de deux kinésithérapeutes se déplace en véhicule le long de la colonne des pèlerins selon les indications données par le PC Malte et se positionne à côté d’une ambulance, au niveau des points de ramassage et des haltes selon les plans fournis.

Le soir, le kinésithérapeute assure, sur prescription du médecin, les soins des pèlerins enregistrés par les secouristes de l’ODM.

Modalités pratiques :

  •   Inscription à l’Ordre national des kinésithérapeutes et assurance responsabilité professionnelle à jour ;

  •   Inscription au pèlerinage ;

  •   Voiture personnelle avec un GPS si possible ;

  •   Matériel personnel : table de soins pliante, huile de massage, etc.

  •   Téléphone portable avec chargeur de batterie ;

  •   Autonomie en couchage, duvet et tente, même s’il est possible de trouver une place sous le Poste Médical Avancé ;

      Petit déjeuner et soupe du soir fournis. Repas mis en place pour un coût modique.

Malte et les équipes médicales bénéficient d'un prêtre qui les accompagne tout au long de ces trois jours.

Contacter responsable.rh@nd-chretiente.com

Charlotte d'Ornellas : pour en finir avec les fake news sur le livre de Benoît XVI

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La sortie d’un livre rédigé par le Cardinal Sarah et Benoît XVI a fait l’effet d’une bombe. Qu’en est-il réellement de la contribution du pape émérite à cet ouvrage défendant ardemment le célibat des prêtres ? Les explications de Charlotte d'Ornellas.

Beaucoup de bruit pour rien, aurait-on tendance à penser. Mais la calomnie laisse toujours une trace, un doute, et pour les plus fainéants, une réponse facile à une situation compliquée.

Ainsi le Cardinal Robert Sarah aurait plus ou moins, peu importe, manipulé un pauvre pape très vieux et sans défense, dans la guerre conservatrice qu’il mène contre le pape François.

Pas complètement, mais un peu quand même, sinon pourquoi le secrétaire de Benoît XVI serait-il intervenu ?

Pas vraiment, mais forcément un peu puisque le titre va changer…

Pas clairement mais sournoisement, sinon pourquoi tant d’agitation au Vatican ?

Au diable la nuance et la piété filiale exprimée dès les premières pages de l’ouvrage, au diable le ton exempt de polémique de l’intégralité de ce livre que personne n’a lu, au diable cette conscience dont Benoît XVI a toujours été un fervent défenseur et qu’il a voulu écouter au soir de sa vie de prêtre.

Au diable, surtout, l’argumentaire incroyablement charpenté des deux hommes sur une question qui agite aujourd’hui encore l’Eglise indiscutablement, mais aussi les médias du monde entier qui ne croient plus à rien et en tous cas pas au Bon Dieu, qui se fichent des chrétiens persécutés partout sur la planète, des églises de plus en plus profanées chez la fille aînée de l’Eglise, qui ne cessent de livrer leur détestation d’une Eglise décidément réactionnaire et incapable de s’adapter à son temps mais qui n’en finit plus, par ailleurs, de donner son avis sur ce que devrait penser ou faire l’Eglise. Cette presse occidentale étonnante qui voit les curés comme des freins à ses pulsions progressistes incessantes mais se fait pourtant l’ardente militante de la nécessité impérative pour l’Amazonie d’avoir des prêtres, à condition qu’ils soient mariés.

Beaucoup de bruit pour rien, parce que les rebondissements éditoriaux ont brouillé le message de fond qui est resté inchangé, à la virgule près, du début à la fin des « polémiques ».

Pourquoi s'encombrer de ce que dit le livre, quand la polémique peut suffire ?

Revenons au début. Dimanche soir, le Figaro livre la nouvelle et les bonnes feuilles : le pape émérite et le préfet de la Congrégation pour la divine liturgie et la discipline des sacrements (nommé à ce poste sérieux par le pape François lui-même) publient un livre dans lequel ils prennent la défense, l’un après l’autre et selon leurs compétences propres, du célibat des prêtres. Dès le lendemain, un correspondant de la revue jésuite America à Rome tweete : « Benoît XVI n’est pas le coauteur du livre sur la prêtrise et le célibat avec le cardinal Sarah. » Les informations qui émaneraient d’un « proche » de Benoît XVI ne semblent pas aussi tranchantes que l’affirmation, puisque sa revue lui demande de les consolider avant de publier. Peu importe que la nouvelle soit exacte ou non, elle se répand.

Et comme le pape François n’a pas été informé de cette publication, les commentateurs passionnés par l’opposition entre progressistes et conservateurs au sein de l’Eglise sautent sur l’occasion : c’est une guerre des papes, ni plus ni moins. Le livre n’est absolument pas défiant, au pire humblement suppliant. Mais pourquoi s’encombrer de ce qu’il contient ?

Les nouvelles, et donc le livre, font l’effet d’une bombe… Jusqu’au cœur du Vatican où des « pressions » se sont exprimées, raconte le journaliste bien informé du Figaro Jean-Marie Guénois.

L’obéissance filiale étant, comme indiqué dans le livre, une préoccupation et une réalité, le secrétaire du pape émérite intervient sur demande de ce dernier. Dans la presse, on lit alors que Benoit XVI aurait demandé le « retrait de son nom » sur ce livre. Peut-être même ne l’aurait-il pas vraiment écrit, laisse-t-on entendre. Tout est faux, ou inexact. Le secrétaire Mgr Georg Gänswein s’est confié au Figaro : « Nous avons vérifié la traduction du texte original allemand, pas une virgule n’a été modifiée, son texte est à 100 % de Benoît XVI. » Voilà pour le texte qui restera donc inchangé et signé par le pape.

Quid de l’introduction, de la conclusion et de la couverture, que les deux hommes d’Eglise co-signent ?

Tempête dans un verre d'eau

Des rumeurs laissent entendre que Benoît XVI n’aurait pas été informé, que le Cardinal Sarah l’aurait tout simplement manipulé. Ce dernier dénonce des accusations d’une « extrême gravité » et livre un communiqué dans laquelle il affirme que Benoît XVI était au courant d’absolument tout, qu’il a lu et approuvé l’intégralité du livre tel quel, et validé l’apposition de sa signature… Les heures passent et Mgr Gänswein confirme finalement, venant largement affaiblir les propos qu’on lui prêtait médiatiquement plus tôt : Benoît XVI savait que l’ensemble serait publié sous forme de livre puisque le pape émérite en a lu les épreuves. Bref, une tempête dans un verre d’eau.

Concrètement, la tempête aura malgré tout des conséquences formelles. La première édition française aujourd’hui en librairie sortira telle quelle (preuve que l’affaire est minime). La seconde aura deux modifications : la couverture portera la mention « Cardinal Sarah avec la contribution de Benoît XVI » ; les introduction et conclusion ne seront plus cosignées mais suivies de la mention « Rédigé par le cardinal Sarah, lu et approuvé par Benoît XVI ».

Bref, il faut que tout change pour que rien ne change. Pas une virgule des argumentaires n’a été déplacée, et l’ouvrage est bien le fruit des réflexions du pape émérite et de son ami et préfet de l’Eglise le cardinal Sarah. Les changements éditoriaux effectués docilement prouvent l’absence totale de volonté polémique, de guerre interne ou de défiance pontificale. Mais le fond reste inchangé et les arguments demeurent. Benoît XVI et le cardinal Sarah ont bien rédigé un texte définissant la vocation du prêtre, rappelant la nécessité de son célibat, craignant le risque de confusion sur la prêtrise et le mariage en cas de changement de discipline en la matière, à l’heure ou l’Eglise pourrait « ouvrir une brèche », selon leurs mots, en acceptant l’ordination d’hommes mariés en Amazonie.

Dans quelques semaines, le pape François devra trancher en livrant son exhortation post-Synodale. En octobre dernier, la majorité des deux tiers des évêques présents au Synode sur l’Amazonie votait une conclusion réclamant l’ordination d’hommes mûrs et mariés. Qu’en fera le pape François, qui a souvent rappelé son attachement au célibat des prêtres tout en demandant aux journalistes de ne pas s’attarder sur cette réclamation du Synode ?

La question reste entière, la contribution du pape émérite au débat aussi.

Cette affaire montre une chose : le débat risque d’être dur au sein du Vatican, comme à l’extérieur.

mardi 14 janvier 2020

"Des profondeurs de nos coeurs" - Le Cardinal Robert Sarah répond à la polémique dans un communiqué.

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Communiqué de Son Eminence Monsieur le Cardinal Robert SARAH

14 janvier 2020 Le 5 septembre dernier, après une visite au monastère Mater Ecclesiae où habite
Le 20 septembre, le Pape émérite m'a remercié en m'écrivant que lui aussi, de son côté, avant même de recevoir ma lettre, avait débuté l'écriture d'un texte sur ce sujet, mais que ses forces ne lui permettaient plus de rédiger un texte théologique. Toutefois, ma lettre l'avait encouragé à reprendre ce long travail. II ajoutait qu'il me le transmettrait quand la traduction en langue italienne serait achevée.
Le 12 octobre, pendant le synode des évêques sur l'Amazonie, le Pape émérite me remettait sous pli confidentiel un long texte, fruit de son travail des mois écoulés. En constatant l'ampleur de cet écrit, tant sur le fond que sur la forme, j'ai immédiatement considéré qu'il ne serait pas possible de le proposer à un journal ou à une revue, eu égard à son volume et à sa qualité. J'ai donc immédiatement proposé au Pape émérite la parution d'un livre qui serait un immense bien pour l'Eglise, intégrant son propre texte et le mien. A la suite des divers échanges en vue de l'élaboration du livre, j'ai finalement envoyé, le 19 novembre, un manuscrit complet au Pape émérite comportant, comme nous l'avions décidé d'un commun accord, la couverture, une introduction et une conclusion communes, le texte de Benoît XVI et mon propre texte. Le 25 novembre, le Pape émérite exprimait sa grande satisfaction concernant les textes rédigés en commun, et il ajoutait ceci : « Pour ma part, je suis d'accord pour que le texte soit publié dans la forme que vous avez prévue ».
Le 3 décembre, je me suis rendu au monastère Mater Ecclesiae pour remercier une nouvelle fois le Pape émérite de m'accorder une si grande confiance. Je lui ai expliqué que notre livre serait imprimé pendant les vacances de Noël, qu'il paraîtrait le mercredi 15 janvier et que, par conséquent, je viendrai lui apporter l'ouvrage début janvier au retour d'un voyage dans mon pays natal.
La polémique qui vise depuis plusieurs heures à me salir en insinuant que Benoît XVI n'était pas informé de la parution du livre Des profondeurs de nos cœurs, est profondément abjecte. Je pardonne sincèrement à tous ceux qui me calomnient ou qui veulent m'opposer au Pape François. Mon attachement à Benoît XVI reste intact et mon obéissance filiale au Pape François absolue.


PIAZZA DELLA CITTÀ LEONINA, 9

Lundi 13 janvier 2020

« Le Démon est un voleur d'âmes ! »

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Le Père Jean-Pascal Duloisy, exorciste de l'archidiocèse de Paris, est l'auteur d'un petit livre, très précis et clair, sur la réalité du combat spirituel. Non pour faire du sensationnalisme, mais par souci de vérité. Et pour éclairer les consciences. Entretien.

Le combat spirituel est plus rude que la bataille d’hommes, disait Rimbaud. Quelle est la stratégie du démon, et nos armes dans ce combat ?

Père Jean-Pascal Duloisy : Il faut d’abord être conscient que le démon est toujours actif et ne se repose jamais : il possède une volonté de nuisance jamais satisfaite. La lutte est quotidienne, aussi la première arme est-elle le courage. Le pape François en parle dans sa méditation du 30 octobre 2014 : « Nous sommes tous un peu paresseux dans la lutte, et nous nous laissons entraîner par les passions, par certaines tentations. (…) Mais ne vous découragez pas ! Courage et force, parce que le Seigneur est avec vous. » 

Ensuite, le démon agit par la peur et l’intimidation. C’est capital chez lui. Dès lors, le combat consiste surtout à se détourner du mal, pour ne pas offenser Dieu, en demeurant dans la douceur et l’humilité. Cette dernière est d'ailleurs une arme absolue, un répulsif pour le démon, comme le chantent les chrétiens d'Orient dans l'hymne acathiste, à propos de la Vierge Marie « servante du Seigneur » : « Réjouis-toi, en qui les démons sont défaits. » 

De même la douceur est-elle la béatitude de ceux qui se sentent aimés de Dieu. Quand on n’est pas doux, on adore un faux Dieu, car le démon se démasque dans toute violence.

Au final, souligne saint Paul, « les armes de notre combat ne sont pas purement charnelles » (Cor 10, 4), mais spirituelles : il est inutile et dangereux de compter sur ses propres forces ! Pour combattre le démon, certes présent dans d’autres religions, le seul vrai remède est donc le Christ, qui combat et nous protège. Tous les évangiles en attestent : « En dehors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Il reste à l’homme d'effectuer un choix : celui d’user de sa liberté pour choisir la vie. Est-ce que j’ai bien utilisé mon âme ? Voilà la question à se poser. 

Qu’est-ce qui obscurcit les consciences aujourd’hui ?

Une des grandes portes ouvertes au démon, en Occident, est la perte de la crainte de Dieu, qu’on appelle aussi la piété. La crainte de Dieu est présente dans de nombreux psaumes : « Venez, mes fils, écoutez-moi, que je vous enseigne la crainte du Seigneur » (Ps 33). Cette crainte est en fait le commencement de l’amour : il faut craindre Dieu parce qu’il pardonne et parce qu’il est bon. C’est une crainte amoureuse, comme lorsque l'on craint de faire du mal à un enfant ou à celui qu'on aime.

Or, le démon a ceci de redoutable qu'il veut couper notre relation avec Dieu. Ses ruses – la tromperie, la fascination, la séduction – visent à introduire en nous le germe de l’opposition à Dieu. Il nous pousse au panthéisme, ou à l’athéisme, afin d’éclipser la voix de Dieu en nous. C'est un voleur d’âmes. 

Aussi le problème de l’Occident, aujourd’hui, est-il la perte du sens de Dieu. Il n’y a jamais eu autant de sociétés athées, dans lesquelles a pris le dessus la quête de l’argent, du pouvoir, du plaisir sans fin et quel qu’en soit le prix. Cet athéisme, avec l’hédonisme, l’individualisme, et les attaques contre la famille, sont l’œuvre du démon, avec la violence qui les accompagne. 

Même l’écologie, tant prisée aujourd’hui, n'est pas sans dangers, puisqu’elle est une écologie sans Dieu. Elle est sans avenir même, car si le cœur de l’homme ne respecte pas Dieu, il ne respectera pas plus sa création. 

L'écrivain Gabriel Matzneff défraye l'actualité pour avoir jadis revendiqué la pédophilie. Il avouait avoir « sombré dans la nuit », parlant même de « descente aux enfers ». Quelle réflexion cela vous inspire-t-il, en tant qu’exorciste ?

Gabriel Matzneff est un très bon exemple de l’obscurcissement dans lequel le démon peut nous conduire. Comme le dit le Christ lui-même : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » (Mt 10, 28). Le Père Thomas Kowalski mettait ainsi en garde contre le pouvoir qu’a le démon de nous pousser à aimer faire le mal avec bonne conscience. Ainsi les grands dictateurs se sont annoncés comme des bienfaiteurs, pour finir par mettre en œuvre ce mal. L’âme est touchée dans sa capacité à choisir le bien, et elle risque alors d’être détruite. 

Ancien soldat, saint Ignace parle du choix permanent à opérer entre deux étendards, celui de Dieu et celui du diable… Ce combat suppose-t-il un héroïsme peu commun ? 

Le seul héroïsme est celui de l’espérance. Il faut regarder le Christ, car avec lui, ce qui est mort n’est jamais perdu. L'espérance est le carburant des chrétiens. Avec le Christ, il faut croire qu’on peut tirer du bien de toutes les situations. Alors que le démon, lui, nous conduit à penser que Dieu est loin, et qu’il ne sert à rien de s’appuyer sur Lui. 

Certes le mystère de la croix est là, devant nous. Mystère d’iniquité… Mais c’est aussi une Bonne Nouvelle, car le Christ a promis que nous serions victorieux : « Maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors » (Jn 12, 31). Le démon est ainsi confondu par l’amour qui ne se reprend jamais, qui se livre jusqu’au don total, et qui redonne vie. La seule voie possible pour l'homme est donc la sainteté : le fait de vivre à l'écoute de l’Esprit Saint qui ne nous fera jamais défaut. 

Le diable est un perdant, disait saint François d'Assise. Ce n'est pas toujours évident lorsque l'on regarde notre monde... 

Charles Péguy, dans son poème de la Tapisserie de Notre-Dame, exprime son émerveillement devant la grandeur de la cathédrale de Chartres. Le poète y dévalue par contraste tout ce qui est méprisable : 

« Nous avons délavé nos malheureuses têtes 

D’un tel fatras d’ordure et de raisonnement… »

De la même manière, les informations dont nous sommes abreuvés passent leur temps à rapetisser, avilir, exalter ce qui est bas. Voilà pourquoi au cours d’un exorcisme, le démon a avoué qu’il n’aimait pas le silence : « J’ai inventé la télévision, disait-il, pour qu’ils ne soient jamais en silence. » On pourrait ajouter les écrans de toutes sortes, qui font que les hommes ne prient plus. Devant ce grand tapage du démon, il ne faut pas se découvrir un instant. Car au final, le bien est plus contagieux que le mal, et la victoire est déjà là : cela donne de l’énergie ! à la différence des avocats, l’église aujourd’hui fait finalement peu de procès au monde, mais elle avance et participe à la victoire du Christ sur le diable : c’est une place unique ! Et je suis convaincu que de grands saints se préparent dans le secret… 

La principale ruse du diable est de se faire oublier, dit-on. Pour le démasquer, faut-il le voir à l'œuvre partout, comme le « prince de ce monde » ? Quelle juste place lui donner ?

Tout le mal dans le monde ne vient pas du démon, mais aussi de l’incurie des hommes : voilà pourquoi il faut sans relâche annoncer, éduquer, éclairer. C’est un appel à l’évangélisation, qui ne signifie pas endoctriner, mais libérer, un mot cher au pape ! Et nous avons les armes de la victoire que sont la foi, le courage, et l’espérance. Dès lors, comme le dit saint Paul, qui nous séparera de l’amour de Dieu et de nos frères ?

La damnation est-elle une possibilité réelle pour tout un chacun, alors que l'on insiste tant sur la miséricorde infinie de Dieu ?

Un chrétien qui peut répéter avec ferveur : « Jésus, j’ai confiance en toi », ou toute autre phrase d’adoration, ne peut être possédé, car le démon n’adore pas. Le diable n’a pas de rotules, disaient les Pères de l'église : il ne se met jamais à genoux. 

Le diable sait très bien qui est Jésus, mais n’y voit qu’une source d’inquiétude à son pouvoir : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? », dit-il au Christ dans l’évangile (Mc 1, 24). Le croyant est ainsi celui qui voit son avenir en Dieu, quand le démon y voit sa perte. C’est un bon moyen de distinguer entre les personnes, en particulier celles qui sont sur le chemin de la perdition : la première tache de rouille peut conduire à la ruine de la poutre, si l'on n’y porte remède. 

La voyance, l'occultisme, le fait de faire tourner les tables et de parler aux esprits : est-ce une porte d'entrée pour le Malin ?

C’est avant tout le signe d’un manque de foi évident : plutôt qu’à Dieu, on a laissé la place dans sa vie à une grande crédulité. Cela conduit à des actes désordonnés, dans l’ordre financier et intellectuel. Et cela mène ensuite à des choix ésotériques qui font que tôt au tard, on va croiser le démon sur sa route (cf. ci-contre). Il s’agit donc d'abord de perturbations de la liberté, concernant autant les chefs d’état que les gens simples. C’est plutôt l’ignorance qui est dangereuse, et qui enclenche un engrenage : on passe de charlatan en charlatan, jusqu’au démon, chef et père du mensonge. On peut même dire que le démon possède le diplôme de la meilleure école de commerce sur la planète !

De même que la sainteté est un chemin, il existe un chemin qui mène à la perdition. Quand ces personnes auront tellement souffert, elles reviendront peut-être vers l’église, avec parfois des dégâts irréparables : il faudra alors pratiquer un exorcisme...  

Les parents doivent-ils craindre les chansons qui parlent du démon, comme dans le dernier album de Johnny : « J'en parlerai au diable... » ? 

Ceux qui se font de l’argent avec le démon vont dans le sens du spectacle qui rapporte, et qui n’exalte pas l’honnêteté, la bienveillance, le sacrifice. C’est donner la parole au démon, à l’inverse de Jésus qui lui dit avec force : « Tais-toi ! » Le démon ne mérite pas l’intérêt qu’on lui accorde.

De plus, on ne compose pas de chansons pour faire l'apologie de ce qui est destiné à disparaître dans les fosses septiques, ou de ce qui appartient au monde de la mort. On chante pour louer la vie, comme le fait saint François d’Assise.

Qu’en est-il de l’enfer ?

L’enfer existe. Ce n’est pas un symbole, et ceux qui le considèrent comme tel, et le disent, sont sous l’emprise du démon. Le théologien Urs von Balthasar, dans Le chrétien Bernanos, affirme ainsi : « La damnation ne serait-elle pas de se découvrir trop tard après la mort une âme absolument inutilisée ? » C’est un choix terrifiant, celui du non-amour, où l’on s’auto-exclut de la rédemption et de la création, par volonté de ne pas dépendre de Dieu. 

Il faut donc prier pour que personne n’y aille, même si l’on sait qu’il est peuplé au moins par le démon et ses anges. Mais en dernier recours, comme l'a écrit édith Stein, carmélite morte en 1942 à Auschwitz, « il appartient à l'âme de décider d'elle-même. Le grand mystère que constitue la liberté de la personne, c'est que Dieu s'arrête devant elle ». 

Comment le démon agit-il sur nous, et quelle est la place du psychologique ? 

Son pouvoir est limité, car il ne peut pénétrer au fond des âmes, souligne saint Thomas d’Aquin. En revanche, le démon utilise toutes les failles possibles, y compris celles laissées par le péché originel : il peut agir sur le psychisme, l’imagination, ou l’affectivité, surtout lorsqu’elles sont altérées. Et pousser à considérer Dieu comme un ennemi, non comme un Père. 

Il peut donc être dangereux de cloisonner, de façon idéologique, les maladies psychiques dans le seul domaine médical. Celles-ci peuvent aussi relever d’obsessions occultes, et les médecins le savent très bien. C’est si vrai qu’ils viennent parfois voir l’exorciste avec le patient qui les inquiète. Il faut éviter de séparer le corps et l’âme lorsqu’on évoque la santé de l’homme. La devise des anciens mens sana in corpore sano – un esprit sain dans un corps sain – reste valable. 

Comment se débarrasser du démon ? 

Le démon ne se chasse pas en se préoccupant de lui. Il suffit de demeurer dans le Christ. Ainsi un enfant n'échappe au vide en s'en préoccupant, mais en restant attaché à la main de son père qui le guide et qui l'en sort. Il en va de même dans le domaine spirituel : en ne lâchant pas la main de son Père céleste par la foi, on possède la paix. Alors que celui qui se laisse troubler par les nuisances démoniaques sera envahi par la peur ou la révolte. Joie et charité sont au contraire des preuves qu’une personne n’appartient pas au démon. 

Aujourd'hui le nombre d'exorcistes est en augmentation, les prières de guérison sont remises à l'honneur. Est-ce bon signe ?

Dans l’église catholique, ces dernières décennies, on s’est beaucoup occupé de social, d’humanitaire – ce que l’église a toujours fait, et avec beaucoup de résultats. Mais il ne suffit pas de soigner les corps si l’on oublie les âmes. Cela ne résout pas le problème de la pauvreté, et peut même parfois l’aggraver… On a donc fait beaucoup d’action catholique, mais on a délaissé la vie spirituelle. On redécouvre aujourd’hui, face à un monde très englué dans le matériel, qu’il y a des âmes en déshérence, plus qu’on ne l’avait imaginé. Et que la pauvreté spirituelle n’est pas forcément liée au compte bancaire. 

Le signe de ce malaise, ce sont toutes les thérapies qu’on invente, et qui me font penser à cette phrase de saint Augustin : « Mon cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi. » Alors on fait du yoga, etc., parce que l’homme cherche la paix. Or la vraie paix de l’âme est un don de Dieu, c’est Jésus-Christ. Tous les troubles de l’âme viennent de cette perte du Christ, parce que l’homme ne peut vivre sans amour, et que Jésus est l’amour. 

Propos recueillis par Aymeric Pourbaix – France Catholique

 

 

Benoit XVI prend fermement position contre l’ordination sacerdotale d’hommes mariés, dans un livre cosigné avec le cardinal Sarah

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EXCLUSIF - Le pape émérite prend fermement position contre l’ordination sacerdotale d’hommes mariés, dans un livre cosigné avec le cardinal Sarah, dont "Le Figaro" dévoile les passages clés.

 

L’ouvrage cosigné par Benoît XVI et le cardinal Sarah sera publié le 15 janvier chez Fayard. Le Figaro a pu se procurer le texte, dont voici des passages clés. Ceux non signés sont tirés de l’introduction et de la conclusion du livre, écrites en commun par Benoît XVI et le cardinal Sarah.

Ces derniers mois, alors que le monde résonnait du vacarme créé par un étrange synode des médias qui prenait le pas sur le synode réel, nous nous sommes rencontrés. Nous avons échangé nos idées et nos préoccupations. Nous avons prié et médité dans le silence. Chacune de nos rencontres nous a mutuellement confortés et apaisés. Nos réflexions menées par des voies différentes nous ont conduits à échanger des lettres. La similitude de nos soucis et la convergence de nos conclusions nous ont décidés à mettre le fruit de notre travail et de notre amitié spirituelle à la disposition de tous les fidèles à l’instar de saint Augustin. En effet, comme lui nous pouvons affirmer: «Silere non possum! Je ne peux pas me taire! Je sais en effet combien le silence serait pour moi pernicieux. Car je ne veux pas me complaire dans les honneurs ecclésiastiques, mais je songe que c’est au Christ, le premier des Pasteurs, que j’aurai à rendre compte des brebis confiées à ma garde. Je ne peux pas me taire ni feindre l’ignorance.» (…) Nous le faisons dans un esprit d’amour de l’unité de l’Église. Si l’idéologie divise, la vérité unit les cœurs. Scruter la doctrine du salut ne peut qu’unir l’Église autour de son divin Maître. Nous le faisons dans un esprit de charité.

La Croix de Jésus-Christ est l’acte d’amour radical dans lequel s’accomplit réellement la réconciliation entre Dieu et le monde marqué par le péché. C’est la raison pour laquelle cet événement, qui en lui-même n’est pas de type cultuel, représente la suprême adoration de Dieu. Dans la Croix, la ligne «catabatique» de la descente de Dieu et la ligne «anabatique» de l’offrande de l’humanité à Dieu deviennent un acte unique. Par la Croix, le corps du Christ devient le nouveau Temple lors de la résurrection. Dans la célébration de l’Eucharistie, l’Église et même l’humanité sont sans cesse attirées et impliquées dans ce processus. Dans la Croix du Christ, (…) un nouveau culte est institué. L’amour du Christ, qui est toujours présent dans l’Eucharistie, est le nouvel acte d’adoration. Par conséquent, les ministères sacerdotaux d’Israël sont «annulés» dans le service de l’amour, lequel signifie toujours concomitamment adoration de Dieu. Cette nouvelle unité d’amour et de culte, de critique du culte et de glorification de Dieu dans le service de l’amour, est certainement une tâche inouïe qui a été confiée à l’Église et que chaque génération doit accomplir à nouveau.

Benoît XVI 

De la célébration quotidienne de l’Eucharistie, qui implique un état de service de Dieu permanent, naquit spontanément l’impossibilité d’un lien matrimonial. On peut dire que l’abstinence sexuelle qui était fonctionnelle s’est transformée d’elle-même en une abstinence ontologique. (…) De nos jours, on affirme trop facilement que tout cela ne serait que la conséquence d’un mépris de la corporéité et de la sexualité. (…) Un tel jugement est erroné. Pour le démontrer, il suffit de rappeler que l’Église a toujours considéré le mariage comme un don octroyé par Dieu dès le paradis terrestre. Toutefois, l’état conjugal concerne l’homme dans sa totalité, or le service du Seigneur exigeant également le don total de l’homme, il ne semble pas possible de réaliser simultanément les deux vocations. Ainsi, l’aptitude à renoncer au mariage pour se mettre totalement à la disposition du Seigneur est devenue un critère pour le ministère sacerdotal. Quant à la forme concrète du célibat dans l’Église ancienne, il convient encore de souligner que les hommes mariés ne pouvaient recevoir le sacrement de l’Ordre que s’ils s’étaient engagés à respecter l’abstinence sexuelle, donc à vivre le mariage dit «de saint Joseph». Une telle situation semble avoir été tout à fait normale au cours des premiers siècles.

Benoît XVI

Sans le renoncement aux biens matériels, il ne saurait y avoir de sacerdoce. L’appel à suivre Jésus n’est pas possible sans ce signe de liberté et de renoncement à tous les compromis. Je crois que le célibat comporte une grande signification en tant qu’abandon d’un possible domaine terrestre et d’un cercle de vie familiale ; le célibat devient même vraiment indispensable pour que notre démarche vers Dieu puisse demeurer le fondement de notre vie et s’exprimer concrètement. Cela signifie, bien entendu, que le célibat doit pénétrer de ses exigences toutes les attitudes de l’existence. Il ne saurait atteindre sa pleine signification si nous nous conformions aux règles de la propriété et aux attitudes de vie communément pratiquées aujourd’hui. Il ne saurait y avoir de stabilité si nous ne mettions pas notre union à Dieu au centre de notre vie. 

Benoît XVI 

Je garde vivant dans ma mémoire le souvenir du jour où, la veille de la réception de la tonsure, je méditais ce verset du psaume 16. J’ai brusquement compris ce que le Seigneur attendait de moi à ce moment: il voulait disposer entièrement de ma vie et, en même temps, il se confiait entièrement à moi. Ainsi, j’ai pu considérer que les paroles de ce psaume s’appliquaient à toute ma destinée: «Le Seigneur est ma part d’héritage et mon calice: ma vie est entre tes mains. La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage (Ps 16, 5-6).» 

Benoît XVI 

Que signifie être prêtre de Jésus-Christ? (…) L’essence du ministère sacerdotal se définit en premier lieu par le fait de se tenir devant le Seigneur, de veiller sur Lui, d’être là pour Lui. (…) Cela signifie pour nous qu’il faut nous tenir devant le Seigneur présent, c’est-à-dire que cela indique l’Eucharistie comme le centre de la vie sacerdotale. (…) Le prêtre doit être quelqu’un qui veille. Il doit être vigilant face aux pouvoirs menaçants du mal. Il doit garder le monde en éveil pour Dieu. Il doit être quelqu’un qui reste debout: droit face au courant du temps. Droit dans la vérité. Droit dans l’engagement au service du bien. Se tenir devant le Seigneur doit toujours signifier aussi une prise en charge des hommes auprès du Seigneur qui, à son tour, nous prend tous en charge auprès du Père. Et cela doit signifier prendre en charge le Christ, sa Parole, sa vérité, son amour. Le prêtre doit être droit, courageux et même disposé à subir des outrages pour le Seigneur. (…) Le prêtre doit être une personne pleine de rectitude, vigilante, qui se tient droite. À tout cela s’ajoute ensuite la nécessité de servir. (…) Si la liturgie est un devoir central du prêtre, cela signifie également que la prière doit être une réalité prioritaire qu’il faut apprendre toujours à nouveau et toujours plus profondément à l’école du Christ et des saints de tous les temps.

Benoît XVI 

Le mot «saint» exprime la nature particulière de Dieu. Lui seul est le Saint. L’homme devient saint dans la mesure où il commence à être avec Dieu. Être avec Dieu, c’est écarter ce qui est seulement le moi et devenir un avec le tout de la volonté de Dieu. Cependant, cette libération du moi peut se révéler très douloureuse, et n’est jamais accomplie une fois pour toutes. Toutefois, par le terme «sanctifie», on peut aussi comprendre de manière très concrète l’ordination sacerdotale, au sens où elle implique que le Dieu vivant revendique radicalement un homme pour le faire entrer à son service.

Benoît XVI 

Ainsi, en cette veille de mon ordination, il s’est imprimé profondément en mon âme ce que signifie le fait d’être ordonné prêtre, au-delà de tous les aspects cérémoniels: cela signifie que nous devons sans cesse être purifiés et envahis par le Christ pour que ce soit Lui qui parle et agisse en nous, et toujours moins nous-mêmes. Il m’est apparu clairement que ce processus qui consiste à devenir un avec lui et à renoncer à ce qui n’appartient qu’à nous dure toute la vie et inclut sans cesse des libérations et des renouveaux douloureux.

Benoît XVI 

Le célibat sacerdotal bien compris, s’il est parfois une épreuve, est une libération. Il permet au prêtre de s’établir en toute cohérence dans son identité d’époux de l’Église. Le projet qui consisterait à priver les communautés et les prêtres de cette joie n’est pas œuvre de miséricorde. Je ne peux en conscience, comme fils de l’Afrique, supporter l’idée que les peuples en voie d’évangélisation soient privés de cette rencontre avec un sacerdoce vécu pleinement. Les peuples d’Amazonie ont droit à une pleine expérience du Christ-Époux. On ne peut leur proposer des prêtres de «deuxième classe». Au contraire, plus une Église est jeune, plus elle a besoin de la rencontre avec la radicalité de l’Évangile. 

Cardinal Sarah 

L’ordination d’hommes mariés, fussent ils auparavant diacres permanents, n’est pas une exception, mais une brèche, une blessure dans la cohérence du sacerdoce. Parler d’exception serait un abus de langage ou un mensonge (…). De plus, l’ordination d’hommes mariés dans de jeunes communautés chrétiennes interdirait de susciter en elles des vocations sacerdotales de prêtres célibataires. L’exception deviendrait un état permanent préjudiciable à la juste compréhension du sacerdoce.

Cardinal Sarah 

Nous vivons dans la tristesse et la souffrance ces temps difficiles et troublés. Il était de notre devoir sacré de rappeler la vérité du sacerdoce catholique. Car à travers lui, toute la beauté de l’Église se trouve mise en cause. L’Église n’est pas qu’une organisation humaine. Elle est un mystère. Elle est l’Épouse mystique du Christ. Voilà ce que notre célibat sacerdotal rappelle sans cesse au monde.

Il est urgent, nécessaire, que tous, évêques, prêtres et laïcs, ne se laissent plus impressionner par les mauvais plaidoyers, les mises en scène théâtrales, les mensonges diaboliques, les erreurs à la mode qui veulent dévaloriser le célibat sacerdotal. Il est urgent, nécessaire, que tous, évêques, prêtres et laïcs, retrouvent un regard de foi sur l’Église et sur le célibat sacerdotal qui protège son mystère.

Ce regard sera le meilleur rempart contre l’esprit de division, contre l’esprit politique mais aussi contre l’esprit d’indifférence et de relativisme.

samedi 11 janvier 2020

« Désinhiber le christianisme en France »

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Figure d’Europe 1 et de CNews, Sonia Mabrouk publie Douce France. Où est (passé) ton bon sens ? (Plon).

Dans ce plaidoyer pour le retour au sens commun face aux absurdités de l’époque, la journaliste franco-tunisienne, de culture musulmane, se livre à une réflexion passionnante et abrasive qui témoigne de son attachement à la France et ses racines chrétiennes. Il est un concept clé qui apparaît en filigrane dans votre propos : celui de civilisation. Pourquoi ?

Sonia Mabrouk : L’enjeu civilisationnel est essentiel. C’est le point de convergence de toutes les menaces et de tous les défis de notre temps, que ce soit sur le plan social, économique ou identitaire. La civilisation et les valeurs qui lui sont attachées nous portent encore. C’est même la dernière chose qui nous lie. Elle s’appuie sur une spiritualité, sur le souffle de Dieu, cette chose difficile à décrire, qui fait que nous partageons en fait une même essence et un même horizon. La civilisation est le fondement d’un projet de société, mais le concept est devenu tabou. Pourtant, la quête civilisationnelle permet de trouver du sens face à des projets politiques, sociaux ou économiques qui en semblent dépourvus, comme ceux que nous propose malheureusement la démocratie contemporaine. 

On a voulu un homme nu et interchangeable dans un environnement privé de frontières et de garde-fous. Face à cette perspective, la civilisation peut constituer un projet. Encore faut-il avoir le courage de le porter.

Chaque individu possède en soi un désir de Dieu, dites-vous…

C’est une conviction très personnelle. Mais je suis très frappée par des personnes totalement athées, revendiquées comme telles, et qui pourtant sont traversées par ce fluide. Je pense par exemple à Michel Onfray qui s’était retiré à l’abbaye Notre-Dame de la Trappe à Soligny sur les pas de Rancé. De cette expérience, il a tiré un récit extraordinaire. Presque une forme de révélation, même s’il n’accepterait sans doute pas le terme que j’emploie. Je me suis dit qu’il ne pouvait pas ne pas être touché par ce qu’il voyait. Il y a parfois un paradoxe, presque une forme de schizophrénie chez certaines personnes athées : plus elles prennent leurs distances avec le spirituel, et plus cela peut dénoter une forme de questionnement métaphysique. 

Que placez-vous sous le concept de spiritualité, privilégié dans votre propos à celui de religion ?

Je suis le produit d’une éducation imprégnée par la religion et la culture musulmanes. On me demande souvent si je suis pratiquante, mais ce n’est pas cela l’important. Ce qui me lie à la civilisation occidentale, c’est la spiritualité. Il suffit que je rentre dans une église pour éprouver cette sensation. Comment expliquer cette admiration que suscite chez moi l’architecture sacrée, ou l’émotion que provoquent la beauté et l’histoire d’une chapelle ? La France, ce sont des paysages recouverts par un manteau d’églises. C’est quelque chose de très fort que j’ai du mal à expliquer. C’est un sentiment charnel très difficile à décrire. Mais qui est lié je pense à un besoin viscéral de civilisation. C’est tout ce qui reste dans une société d’affrontement, privée de projet politique digne de ce nom. La spiritualité me permet d’établir un lien entre ma culture musulmane et la civilisation occidentale. Bien plus que les « valeurs de la République » que l’on ne sait même pas définir.

 

Sans spiritualité, pas de civilisation ?

Le chemin c’est la spiritualité. Le point d’arrivée c’est la civilisation. J’ai été très frappée par l’exemple du colonel Arnaud Beltrame. Quand on observe tout son parcours, son sacrifice apparaît comme un aboutissement. Il était animé par une flamme spirituelle qui lui a permis d’opposer un véritable projet au projet terroriste. La spiritualité suppose un chemin de vie qui pourrait être un projet de société.

Votre propos tranche avec le discours ambiant. Ressentez-vous une forme d’exil intérieur ?

Nombreux sont en effet ceux qui veulent déconstruire tout cela. Je suis toujours étonnée de voir avec quel acharnement on déboulonne toutes nos dernières statues. Pourtant, le message religieux et spirituel structure nos sociétés. On ne réalise pas à quel point il est dangereux et contre-productif de le mettre à l’écart et de le ringardiser. Au micro d’Europe 1 ou de CNews, je tiens à recevoir des responsables de culte car leur parole est importante et structurante. Je ne veux pas moquer leur message : je veux au contraire le mettre en valeur. Libre à chacun ensuite de croire ou de ne pas croire. 

Vous dites que le projet de civilisation est porté par les racines chrétiennes du pays. Elles sont donc toujours vivantes malgré les efforts de déconstruction ?

Même si l’on ne cesse de dénigrer ces racines, de les reléguer dans le passé, je pense qu’elles subsistent dans une grande partie de la population. Il existe un besoin latent, souvent non exprimé, de reconnexion avec ces racines chrétiennes. Moi qui viens d’une autre culture, je le ressens fortement. Je ne crois pas à la fin des civilisations parce que je n’arrive pas à m’y résoudre, contrairement, par exemple, à Michel Onfray qui affirme qu’il faut observer le bateau couler pendant que l’orchestre joue. 

Comment préserver cette civilisation alors ?

En désinhibant le christianisme. Je ne comprends pas comment, dans un pays tel que la France – même si je connais le rôle structurant de la laïcité – la réaffirmation de ces racines chrétiennes est si difficile. J’ajoute que si l’on désinhibe le christianisme, si on renforce la civilisation occidentale et chrétienne, cela ne fera que rendre le plus grand service à l’islam. On prétend aujourd’hui que l’islam est conquérant, mais c’est faux. De plus en plus de musulmans s’attachent au communautarisme parce que leur islam est très faible. Si la chrétienté s’affirme, cela permettra de respiritualiser l’islam et de revenir vers celui que j’ai toujours connu, celui de mes grands-parents. 

Pensez-vous que l’islam radical prospère sur un terrain déserté par les chrétiens et asséché par une forme de laïcisme ?

Pourquoi l’islamisme s’implante-t-il davantage en France que dans le reste de l’Europe ? Parce que c’est le ventre mou du christianisme. Pourquoi ne peut-on plus affirmer tranquillement être catholique ? C’est devenu presque inavouable alors que se dire musulman ne pose aucun problème. Le rééquilibrage est essentiel. Mais cela, les responsables politiques ne le diront jamais. Ils savent que s’ils mettent un doigt dans le spirituel et le religieux, et a fortiori s’ils affirment la nécessité d’un rééquilibrage, ils courent les plus grands risques. Sans parler de l’ignorance abyssale qui prévaut aujourd’hui sur les questions religieuses.

 

La renaissance de la chrétienté, dites-vous enfin, passe par une réflexion sur… la liturgie.

Désinhiber le christianisme, cela passe aussi par un retour à son essence, à son origine. Et pour moi, c’est la liturgie : les mots, la musique et les symboles par lesquels il se vit et se transmet. Des mots sont désormais oubliés, sinon interdits. C’est ce qui choque le plus la journaliste que je suis : la proscription de mots essentiels comme l’âme, la foi, le salut, le péché… Je songe aussi à tous les mots en voie de disparition qui désignent la richesse folle de l’architecture et du patrimoine chrétiens. J’aimerais qu’ils puissent revenir dans le débat public. Mais c’est aux catholiques de prendre ce chantier à bras-le-corps ! 

Propos recueillis

par Guillaume Bonnet

samedi 04 janvier 2020

Dieu s’est fait petit enfant pour être aimé par tous

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Noël, dont le temps perdure jusqu'au 2 février, sera toujours une manifestation remarquable de la gratuité absolue du don divin et du don le plus grand possible qu’est la Rédemption. Les textes liturgiques de la messe de minuit y reviennent sans cesse, particulièrement l’épître tirée de la lettre de saint Paul à Tite. Celui qui était attendu depuis plus de 4000 ans, comme le chante si bien le cantique populaire Il est né le divin enfant, est donc enfin apparu, dans sa grâce et sa miséricorde. Il est le Dieu Sauveur qui seul pouvait nous arracher aux œuvres de la mort, et nous rendre la vie. La nuit de Noël, Dieu se montre à tous les hommes dans l’étroit réduit de la crèche et sous les langes de l’enfance. Oui en cette sainte nuit, voilà cette béatitude gracieuse que nous attendions. Elle nous est venue par la visite de Dieu sur la terre. Et la grâce divine apparue en ce jour nous invite tous à purifier nos cœurs. Le Dieu Père, Époux et Sauveur de l’Ancien Testament se montre désormais à tous les hommes, en ce moment même, dans l’étroite masure d’une mangeoire pour animaux. La parole s’est faite enfant, infans en latin : celui qui ne parle pas.

Avec la grâce, la lumière nous est venue, comme l’indiquait la première lecture tirée du prophète Isaïe que l’on a surnommé le cinquième évangéliste. Il y annonce la victoire de la lumière sur les ténèbres et par là même la victoire de la grâce sur le péché. C’est comme un prélude à tout le quatrième évangile et surtout à son fameux prologue qui nous dit que grâce et lumière sont venues, mais que les hommes ne les ont pas accueillies. Et pourtant en cette nuit sainte, le monde a bel et bien été transformé en profondeur. C’est ce que les anges annoncèrent aux bergers plus réceptifs à la recevoir que les grands de ce monde, en raison de leur pauvreté et de leur humilité. Mais cette annonce vaut pour l’humanité entière : juifs et païens que le Dieu tout Amour veut réconcilier. Dieu s’est fait petit enfant pour être aimé par tous, pour être reçu par tous, ce qui est loin d’être le cas. Voilà pourquoi Noël doit toujours être une fête missionnaire. Le trésor qu’avec les bergers nous avons découvert, nous ne devons pas le garder pour nous. Nous sommes appelés au contraire à le communiquer aux autres. La grâce s’est manifestée pour tous et nous devons tous être témoins de cette manifestation de la grâce apportée au monde en Jésus, Seigneur et Sauveur.

La grâce cependant n’exclut jamais la Croix. Siméon l’annoncera bientôt à Marie. Bien sûr, selon l’étymologie, grâce signifie beauté, mais la beauté, pas plus que la joie, n’exclut la Croix. La nuit de Noël est la nuit de la beauté par excellence car elle est la nuit de la grâce, mais d’une grâce qui vient dans un monde enlaidit par le péché dont le petit enfant Jésus veut nous laver par son sang. Nous sommes donc tous beaux, au moins en puissance, aux yeux de Dieu. Ne perdons donc jamais confiance, même dans la nuit de la foi. Grâce à Marie enfantant Jésus, la nuit la plus longue du monde est devenue la nuit de l’amour et de l’espérance victorieuse de la haine et du désespoir, la nuit où le jour commence à vaincre les ténèbres. Grâce à la naissance de l’Emmanuel sous les traits d’un frêle enfant, Dieu a vaincu toutes les arrogances humaines. Que toute l’humanité se souvienne de cette victoire de Dieu dans la nuit. Dieu nous aime. Il s’est incarné pour cela et nous ne sommes donc plus seuls. Mais il ne suffit pas de dire que la grâce est apparue, il faut encore l’accueillir. Et cela ne peut se faire que par l’humilité, à l’exemple de Marie et du berger qui n’avait rien à donner mais a tout reçu.

jeudi 02 janvier 2020

Les laïcs portent au monde la Lumière du Christ et de l’Évangile

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Les laïcs doivent agir dans le monde, qui est leur domaine propre, selon leur être, c’est-à-dire comme membres du Corps mystique du Christ et, en Lui, Enfants adoptifs de Dieu.

Le Christ est venu dans le monde comme Lumière (Prologue de Jean), Pain descendu du Ciel pour donner la Vie au monde (Jn 6,33). Ses Disciples sont appelés à être à leur tour Lumière du monde (Mt 5,14), d’un monde qui ne reconnaît pas le Père ni l’Esprit de Vérité (Jn 17,25 ; Jn 14,17), et qui même, sous le pouvoir du Malin, hait Dieu et ceux que Dieu envoie.

Mais ce monde que le Christ est venu sauver est fondamentalement un champ d’évangélisation et de conversion. Il a vocation à recevoir la Vie divine du Christ, en particulier dans Son Eucharistie.

L’Église, en premier lieu les laïcs, sont donc appelés à sanctifier le monde en préparant la voie à l’Action rédemptrice du Christ, au Plan de Dieu de sauver.

Les laïcs accomplissent leur vocation en agissant dans le monde, selon leur office propre, à la manière d’un ferment, sous la conduite de l’Esprit de l’Évangile : en montrant le Christ aux autres par le témoignage de leur vie entière, en particulier par l’éclat de leur Foi, de leur Espérance et de leur Charité.

[Ubi caritas et amor, Deus ibi est !]

Cf. Jean-Paul II, Catéchèse du 3 novembre 1993