La béatification du Père Jerzy Popieluszko porte déjà de nombreux fruits

LE PÈRE JERZY POPIELUSZKO, un livre de Mgr Ryszard Wasik, Bibliothèque AED

Livre_Wasik_IMG_3364.JPGLu dans "Présent" - n° 7129 - daté du mardi 6 juillet 2010

Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle de ce dimanche, la Pologne semble d’ores et déjà avoir été transfigurée grâce au martyre du Père Jerzy Popieluszko, béatifié le 6 juin dernier, il y a un mois jour pour jour, à Varsovie et dont toute la vie fut rythmée par l’enseignement de saint Paul aux Romains : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien » (Rom 12, 21).

De sa naissance le 14 septembre 1947, en la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix, à son enlèvement par des agents de la police politique du régime communiste et à sa mort le 19 octobre 1984, le Père Popieluszko fut fidèle à cette parole de l’Apôtre : « Vaincre le mal par le bien. » Benoît XVI y fit clairement allusion dans son décret de béatification qui parle explicitement de ce « prêtre et martyr, qui a vaincu le mal par le bien jusqu‘à verser son sang ».

En se recueillant sur la tombe du Père Jerzy le 25 mai 2002, l’actuel souverain pontife qui n’était alors que le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait d’ailleurs écrit cette simple phrase qui annonçait déjà comme en filigrane la béatification du Père Jerzy (Georges en polonais) dont le procès était en cours : « Que Dieu bénisse la Pologne et comble les prêtres de l’esprit évangélique du Père Popieluszko !».

C’est pourquoi on relira avec profit comme une véritable méditation pendant ces vacances d’été le beau livre de témoignages que Mgr Ryszard Wasik, prélat de Sa Sainteté et prédicateur de l’AED (Aide à l’Eglise en Détresse), consacre à son ami et compagnon des temps difficiles de la résistance au communisme sous le titre : Le Père Jerzy Popieluszko : Mon cri était celui de ma patrie (*).

Ordonné prêtre en 1972, tout comme le nouveau Bienheureux que la Pologne « semper fidelis » vient de donner à l’Eglise catholique, le Père Wasik fit partie des « bataillons de séminaristes » dont les autorités de la République socialiste de Pologne tentaient de briser la vocation religieuse par un dur service militaire, fait de persécutions quotidiennes dans des unités spéciales pour les faire renoncer à la prêtrise.

« Oh ! Comme c’est doux de souffrir pour le Christ »

Ancien professeur au séminaire de Varsovie, Mgr Zbigniew Kraszeswski se souvient : « En octobre 1966, le séminariste Popieluszko, en début de deuxième année d’études et quelques jours après sa prise de soutane, a été incorporé à l’unité spéciale pour les séminaristes à Bartoszyce. Un jour, le chef de son peloton lui a donné l’ordre d’enlever du doigt le chapelet-bague (le terme de dizainier serait une traduction plus exacte), ce qui ne dérangeait en rien son service. Il a désobéi. Les chicanes à l’encontre de “l’orgueilleux rebelle” commençaient donc. On lui appliquait diverses punitions, franchement on le maltraitait. Ces faits sont connus. En ce temps-là, il écrivit au Père Cweslaw Mietek, directeur spirituel du séminaire à Varsovie : “Oh ! Comme c’est doux de souffrir pour le Christ”. Il se disposait déjà au martyre. »

Voilà un des nombreux témoignages dont il me semble fort utile de s’imprégner pour lire et comprendre les événements extraordinaires qui se sont déroulés depuis en Pologne et qui ont fait de ce pays à la Foi millénaire et inébranlable le ferment de la véritable révolution que connut le bloc socialiste dans les années quatre-vingt et de la chute en douceur du communisme athée en Europe de l’Est.

Ancien recteur de l’église Sainte-Anne de l’Académie, à Varsovie, Mgr Tadeusz Uszynski revient quant à lui sur sa dernière rencontre avec l’aumônier de « Solidarité » cinq jours seulement avant son enlèvement et sa fin tragique : « Dans une conversation plus longue et fraternelle, il m’a avoué qu’il se sentait très fatigué à cause de toutes ces tracasseries et ces provocations qu’il subissait de la part de la Sécurité. Il expliquait ainsi le fait de ne pas avoir accepté les propositions d’études à l’étranger, en disant : “J’ai été avec les ouvriers dans les jours de succès, puis-je les abandonner maintenant quand ils sont persécutés ? Où iront-ils ? Ils ont besoin d’aide, je ne peux pas la leur refuser. D’ailleurs, maintenant j’arrête d’avoir peur. Je suis prêt à tout…”»

Postulateur de la cause du Père Jerzy dans le procès en béatification, Mgr Zdislaw Krol, ancien chancelier de la Curie métropolitaine de Varsovie, l’avait même revu la veille de sa mort, le 18 octobre en la fête de saint Luc, patron des médecins, infirmières et services de santé auxquels il avait également consacré une très grande part de son apostolat. Son témoignage de cette ultime rencontre (que je vous laisse découvrir dans ce livre à vous procurer sans attendre auprès de l’AED ou dans toutes les bonnes librairies) est là encore des plus émouvants. D’autant plus que – comme Mgr Krol le reconnaît lui-même – « cette mort a déjà porté ses fruits » pour la Pologne, l’Europe et pour toute l’Eglise.

(*) Le Père Jerzy Popieluszko, de Mgr Ryszard Wasik, Bibliothèque AED, 240 pages, 18 euros.

A relire : l'article de Jacques Trémolet dans "Présent" n° 7115