Homélie de la Messe d'envoi du pèlerinage de Pentecôte - Abbé Laurent

Bien chers pèlerins,

Nous allons cheminer, une fois de plus, sur cette route vers Chartres. Vous le savez, un Chartres étonnant cette année puisqu’au lieu d’avoir la joie d’être assemblés ici très nombreux, pour être encore plus nombreux à Chartres lundi, nous sommes répartis de part le monde, car Notre-Dame de Chrétienté réunit des pèlerins du monde entier. Réjouissons-nous d’être répartis partout en France et de par le monde, d’être envoyés comme les apôtres dans le monde.

Ce qui nous rassemble, c’est l’amour de Jésus-Christ dans son Eglise, et c’est avec Notre-Dame, Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de Chartres, Notre-Dame de partout où vous serez, que nous allons cheminer. Pèleriner c’est contempler et c’est agir, aussi est-ce à cette contemplation et à cette action que je vous invite un instant dans cette homélie.

Contempler et agir : la contemplation dans l’esprit de vérité, et l’action dans l’esprit du Christ

I - D’abord la contemplation.

A - Pour contempler il faut voir et connaître. 1°- Voir Tout d’abord. Demandez à Notre-Dame, qui est maîtresse de vie spirituelle, de vous donner quelque chose à voir, dans la méditation, dans cette marche, chapelet après chapelet, méditation après méditation, enseignement après enseignement, où notre prière s’approfondit Partout où vous serez, les pas que vous ferez s’alourdiront à foulée de la profondeur de Dieu. 2°- La méditation n’est pas un temps perdu ni un temps de repos, c’est profondément un temps d’ancrage en Dieu. Oui nous le savons, plus nous serons plongés dans cette prière, plus nous serons proches de l’œuvre de Dieu, qui est un échange perpétuel, un don qui se fait l’un à l’autre dans les personnes de la Trinité.

B - Et bien c’est à cela que nous sommes appelés ; si nous cheminons intérieurement, c’est avec Dieu que nous cheminons ; alors évidemment de votre méditation sortira le trop plein du cœur, et vos paroles, vos chants, exulteront pour chanter la gloire de Dieu. Il nous faut prier et goûter, goûter intérieurement « car ce n’est pas de savoir beaucoup de choses qui rassasie l’âme, c’est de sentir et goûter les choses intérieurement » nous dit St Ignace de Loyola. Oui, tout au long de vos routes, vous verrez l’œuvre de Dieu, vous entendrez le chant des anges, vous sentirez la bonne odeur du Christ, la pluie mouillée du bivouac, vous toucherez les limites de votre fatigue, vous goûterez la présence de Dieu qui se donne dans la délicate charité des frères ; oui, tout cela est prière mes bien chers frères, il s’agit de voir intérieurement avec les yeux du cœur, alors vous connaîtrez cet esprit de vérité dont parle St Jean, dont parle le Seigneur qui nous le départit. Il vous réjouira, c’est le signe que Dieu passe, la joie est le signe des chrétiens, cette joie que nul autre ne peut connaître. Comme le dit l’évangéliste, ce n’est pas la joie mondaine, ce n’est pas la joie crétine d’une jouissance matérielle, non, il y a une joie supérieure, c’est la joie d’être avec Dieu, c’est la joie d’être en Dieu. Voilà la joie des chrétiens, cette joie qui fait espérer contre toute espérance, espérer que, où que vous arriviez, vous sentiez les milliers de pèlerins de Notre-Dame de Chrétienté vous épauler et vous guider, avec Notre-Dame, reine de votre intelligence à ce moment là, qui vous donnera la sagesse nécessaire de goûter Dieu présent au milieu de votre cœur.

Voilà pour cette contemplation, toute route est une contemplation car nous ne cheminons pas les yeux fermés, nous cheminons là où la porte s’ouvre pour pouvoir entrer en Dieu. Alors cette contemplation, bien sûr, se conjoint d’une action car l’abandon à la providence divine, l’abandon en Dieu n’est pas inaction, n’est pas passivité humaine mais passivité divine, c’est Dieu qui agit, laissez-vous agir par Dieu et vous allez devenir de véritables mystiques à la suite des saints.

II - C'est l’esprit nouveau qui va s’emparer de vous, c’est l’esprit qui nous est promis dans l’introït de cette messe que vous avez chanté, dit, prié déjà. Il nous faut donc partir pour arriver à bon port.

A - Oui il nous faut partir, il nous faut quitter, comme Abraham, le pays de nos pères, quitter nos petits conforts, quitter l’endroit où nous sommes, quitter pour aller quelque part, sac au dos, chaussures aux pieds, chapelet à la main, bâton s’il vous faut vous appuyer. Il nous faut partir et c’est une souffrance car c’est mourir un peu que de partir, comme le dit le poète, c’est laisser en tout temps en tout lieu quelque chose de se soi-même, mais nous voulons souffrir, non que nous aimions la souffrance, mais nous savons qu’il nous faut renoncer aux choses faciles car si le chemin n’est pas facile, c’est justement parce que c’est notre chemin ; c’est le difficile qui est notre chemin, c’est ça qui fait notre noblesse et notre grandeur.

Si vous avez des obstacles, si vous avez quoi que ce soit, des règles sanitaires, des empêchements divers, qu’importe ! Nous allons marcher quand même, nous allons marcher vraiment ! Renonçons alors à toute chose et nous serons prêts à nous abandonner. Comme l’indique le rituel du Départ Routier, « un routier qui ne sait pas mourir n’est bon à rien », nous ne voulons pas mourir certes, nous voulons vivre car nous nous souvenons qu’il est « parfois encore plus difficile de vivre que de mourir ». Alors dans ce renoncement auquel je vous invite, entrez dans le choix de Dieu et marchez avec Lui, découvrez près de vous cette reine des pauvres, Notre-Dame de la route, qui va cheminer en avant de vous. Notre-Dame de Chartres, la tête de la colonne, et chacune de vos colonnes sera forcément précédée de la Vierge Marie qui nous précède en paradis et qui nous précède sur la route.

B - Alors nous arriverons à bon port, nous arriverons à l’Eglise car nous sommes membres du corps mystique du Christ répandu à travers tous le monde dans tous les temps jusqu’à la fin de ceux-ci. La rénovation de toute chose est en cours, cette rénovation de la foi, cette rénovation de l’Eglise qui commence par moi. Dans l’Église nous savons bien que ce qui est rénové c’est forcément ce qui est ancien, c’est pourquoi la tradition porte toujours ce qui est donné par ce qui précède. Ce qui est donné est vraiment ce qui peut être nouveau selon l’Esprit de Dieu, non pas une invention nouvelle, non pas une pratique incongrue inventée récemment, non mais bien ce qui est transmis, donné et reçu. A chaque pas que vous ferez, vous porterez la tradition avec vous, vous porterez ce qui vous a été donné. Si l’on m’avait dit qu’un jour je prêcherai à ce pèlerinage…à mon premier pèlerinage, je crois que l’on était 800, nous n’étions pas nombreux alors mais nous sommes maintenant plus de 14 000, et comment ne pas compter ceux de notre autre pèlerinage, nos frères ? Combien sont-ils ? Je ne sais pas, ils doivent être au moins 6 000, 8 000 ; bref, à l’unisson nous sommes devenus 22 000 et cela ne fait que commencer ! La fin des temps est en cours et la fin des temps c’est Dieu, alors le rassemblement de l’Eglise est en marche, oui, toutes les nations seront rassemblées , toutes les nations, dit l’Offertoire de cette messe, c’est Dieu qui rassemble en portant la foi de nos pères, en venant la célébrer comme elle nous a été transmise, la foi de tous les saints qui nous ont précédés, voilà ce que nous voulons faire humblement, entrer avec la reine du ciel dans ce pèlerinage où la terre préparait depuis le début du monde, depuis la première promesse de la Genèse, qui est apportée par le Christ à la suite de qui l’on marche et qui sera réalisée dans la Jérusalem céleste.

Voilà un pèlerinage intérieur, un pèlerinage qui vous donnera d’être rénové ; à chaque pèlerinage. Vous ne pouvez en manquer un sinon vous risqueriez de prendre un coup de vieux alors que nous devons sans cesse être plus jeune ; il n’y a pas de vieux dans l’Eglise et surtout pas à Notre-Dame de Chrétienté, c’est impossible ; qui a marché un jour à côté du Docteur Dor sait bien qu’il n’y a pas de vieux ; bien sûr, un jeune qu’on doit soutenir, qu’on doit porter, qu’on doit…quelle jeunesse ! Demandez cette jeunesse éternelle, celle qui n’est pas factice, celle qui ne viendra d’aucun secours médical, d’aucune pulsion de vie, mais qui vient de Dieu lui-même donné dans l’Eucharistie.

Voilà pourquoi nous avançons une fois de plus avec foi, c’est Notre-Dame qui nous guide, c’est Notre-Dame qui nous accompagne, c’est Notre-Dame qui nous donne d’être nourri par son Fils, c’est pourquoi elle nous tient dans ses bras.

Que Notre-Dame de Chartres accompagne tous les chapitres, que Notre-Dame de Chartres nous rassemble spirituellement dans la Jérusalem céleste que nous formons déjà comme des arrhes de la vie éternelle reçus ici-bas. C’est Bien aujourd’hui le jour de notre Salut.

Ainsi soit-il