Homélie de la Pentecôte - Abbé Garnier - Aumônier général de Notre-Dame de Chrétienté

Au feu, mes bien chers frères et sœurs ! Au feu du Saint Esprit!

Qui n'a pas allumé un feu, vu monter et descendre sa flamme vive, ignore un charme certain de cette terre. Le bienheureux Père Sevin a signé là-dessus une aimable Légende du feu que nous aimons chanter et danser à la veillée.

Ambivalent dans l'histoire et la vie des hommes, le feu est tantôt domestique tantôt atomique. Il forge , purifie et affermit, mais il détruit et pulvérise également.
Déjà pour nos anciens, le feu est subtil, quasi divin; il est un des 4 éléments, et certains sont tentés d'en faire l'origine du monde. A Rome, des vestales veillent à entretenir le feu sacré, sous peine de mort. 
Symboliquement il évoque le tempérament bilieux; mais aussi la sourde colère qui couve et monte devant l'injustice.

Or c'est bien de feu qu'il s'agit aujourd'hui. Un esprit véhément, un vent violent. Une nuée lumineuse. Un feu descendu, allumé sur la terre. Tels sont les noms et les images de l'Esprit Saint.

Mais c'est un feu tout divin que chante le Veni Creator . Il brûle sans commencement ni fin au foyer de la Trinité. «L'Eternel ton Dieu est un feu dévorant », dit l'Ecriture.
Dans l'Ancien Testament, le feu du ciel descend, pour consumer le sacrifice, faire reconnaître le vrai Dieu, et montrer le culte authentique qui lui est agréable . Plus rarement aussi, ce feu foudroie les persécuteurs . 
Dans le Nouveau Testament, St Jacques et St Jean proposent cette justice divine immédiate, ce châtiment instantané des opposants de Dieu. Peut-être avons-nous parfois ce genre d'impatience. Mais le Seigneur répond; Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes . A moi la vindicte, à moi de faire justice, à moi la rétribution ultime , et pour l'heure, l'appel à la conversion. 
Le feu éternel est réel. Cependant il est réservé non au pécheur en cette vie, mais au pécheur endurci dans l'autre: être salé par le feu , c'est à dire brûler toujours et ne se consumer jamais.

En attendant, le Christ appelle donc un tout autre feu du ciel sur la terre ! 
Ce feu brûle son cœur et s'en échappe déjà sur la Croix, par le côté ouvert.
Il se répand à la Pentecôte, se divise en flammes multiples, posées sur les disciples. Même après leur dispersion, ce feu éclairera leurs intelligences et réchauffera leurs cœurs aux 4 coins du monde.
Dans de multiples langues, ils proclameront les merveilles de Dieu. 
Ils garderont même cœur, même pensée et même langage dans la foi.
Le feu les protègera des périls d'apostasie ou de tiédeur. Le flambeau du Saint Esprit brille depuis dans l'Eglise par l'armée candide des martyrs; ceux de la foi, de la charité et de la pureté.

Nous avons attendu ce grand incendie de Pentecôte, nous aussi. La colonne de feu unique entre Paris et Chartres ne peut se tenir? L'incendie spirituel n'aura pas lieu? 
Qu'importe! 300 départs de même feu jaillissent ça et là, en ce moment. Au confinement du Cénacle succède la diaspora. Ainsi ce que la nécessité et la contrainte imposent, la Providence en dispose admirablement. Et nous gardons fidèlement même cœur, même pensée et même langage de foi. La dispersion géographique n'empêche pas l'unité de foi, d'esperance et de charité. 
La colonne n'est pas, nos 3 piliers demeurent; Chrétienté, Tradition, Mission. Cette année encore, quoi que différement, nous serons brûlés pour être brûlants.
Oui, le même feu de l'Esprit Saint veut prendre aux âmes, à commencer par la vôtre! Feu purifiant – par la confession. Feu élevant – par la prière. Feu réchauffant, par la communion eucharistique et la charité fraternelle qui en découle. Feu gagnant et communiquant, par l'apostolat. 

Au feu, mes bien chers frères et sœurs! Au feu du Saint Esprit!

Que serez vous pour la France et l'Eglise catholique? Extincteurs ou éclaireurs? Tièdes ou fervents? 
Mes frères, l'heure est au réchauffement, non pas climatique mais surnaturel. Dans vos chapitres, maintenant. Puis demain dans vos familles, vos écoles, vos entreprises, vos paroisses, vos groupes d'amis.
Ne dites pas «trop tard» ni même «plus tard». Dites comme Jehanne «plutôt maintenant qu'après, plutôt aujourd'hui que demain». 
Priez l'Esprit Saint avec Ste Thérèse Benedicte de la Croix; «Qui es-Tu douce Lumière qui me combles et illumines la ténèbre de mon cœur? (…) Toi, qui m'es plus proche que je ne le suis moi-même, qui m'es plus intérieur que mon propre cœur, et pourtant insaisissable, inconcevable, au-delà de tout nom, Saint-Esprit, éternel Amour!» 
Voyez l'image de St Augustin au cœur hier froid de vice et obscurci d'idéologie, aujourd'hui embrasé!