la chrétienté est une des rares certitudes de l’histoire

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La chrétienté est née de deux phrases de Notre-Seigneur Jésus-Christ, rapportées dans l’Evangile. La première est « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », la seconde est l’ordre donné aux disciples : « Allez et de toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit »

La chrétienté est une des rares certitudes de l’histoire. Ce qui nous permet de dire qu’il peut y avoir dans l’avenir une chrétienté, c’est qu’il y en eut une dans le passé. « Le passé, écrivait Sacha Guitry, a une grande qualité : il est passé, nous sommes donc certains qu’il a existé ».

Qu’était la chrétienté ? Ce qui nous frappe le plus, aujourd’hui, c’est qu’elle était ce qui nous manque cruellement : un ordre international. Par nature, la chrétienté vise à l’universalité. Elle transcende les égoïsmes nationaux, mais elle le fait en respectant les nations. Mieux, elle les unit tout en les épanouissant. D’où vient ce prodige qui n’eut pas de précédent et auquel il n’y eut pas de suite ?

La chrétienté est née de deux phrases de Notre-Seigneur Jésus-Christ, rapportées dans l’Evangile. La première est  » Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », la seconde est l’ordre donné aux disciples :  » Allez et de toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit ».

Par la première de ces phrases, le Christ évangélise César. L’ordre politique et la puissance temporelle sont justifiés à condition de rester à leur place et ne pas prétendre usurper sur ce qui est dû à Dieu. L’ordre spirituel est affirmé comme supérieur et distinct d’un ordre temporel pourtant légitime. Fondant ainsi la distinction libératrice, le Christ établissait l’ordre nouveau des sociétés, qui s’appellera, de nombreux siècles plus tard, la chrétienté. La contemplant dans une espèce de nostalgie, André Malraux disait d’elle « que, contrairement aux Etats totalitaires qui étaient nés de la volonté de trouver une totalité sans religion, la chrétienté avait été un Tout ». Mais, ajoutait-il, « ce Tout n’était pas totalitaire. La chrétienté avait connu, au mois, le Pape et l’Empereur ».

Le Pape et l’Empereur. Le Pape et le Roi. Le Pape et les Princes. Le Pape et les Républiques. Cette distinction concrète (car le Pape n’est ni Empereur, ni Roi, ni Prince, ni Chef de République) est cependant vécue dans l’unité car ces Etats sont chrétiens, unis et distincts, distincts mais unis, à l’image du corps et de l’âme, de la chair et de l’esprit. Ils donnent la condition du meilleur épanouissement de l’homme, car sont ainsi comblés ses deux désirs fondamentaux : le besoin d’unité – de dire  » nous « , de se sentir ensemble, et le besoin de liberté – de dire « je « , d’exister personnellement.

L’homme, animal social et politique, dit  » nous  » en contemplant la cité dont il est membre. Il tire sa fierté de son héritage et de son appartenance. Il en tire aussi sa force et sa sécurité. César est le gardien de cette sécurité. Il faut lui rendre ce qui lui est dû.

L’homme, personne créée à l’image de Dieu, est cet être que Dieu appelle par son nom et avec qui Il établit un échange d’amour. « Je suis le Jésus de Thérèse – Je suis la Thérèse de Jésus ». Dans cette vie de l’âme, la liberté, condition de l’amour, est première et le social, que Platon appelait le « gros animal », n’a pas à imposer ses lois. La mystique personnelle, d’ailleurs, ne contredit pas le social quand celui-ci est véritablement juste. Mais, toujours, elle le transcende, elle le dépasse. Elle est vraiment d’un autre ordre.

La chrétienté a vu se développer le plus méticuleux respect des hiérarchies, des traditions, des autorités, des usages et des coutumes, l’obéissance la plus humble aux devoirs temporels les plus humbles et, du même mouvement, la plus fantastique liberté à l’égard de ces convenances, la plus grande transcendance à l’égard des particularismes.

L’esprit est universel si le temporel est national. L’homme voit ainsi comblées deux aspirations qu’il ressent très fortement.

Celle de savoir d’où il est, d’où il vient, quelle est sa race et quelles sont ses racines, qui est sa nation, là où il est né – ce sentiment que Simone Weil appelait  » l’enracinement  » et dont elle disait qu’il était l’un des besoins les plus impérieux et les plus méconnus de l’âme humaine,

Et celle de dépasser les frontières de sa ville et de son village, de sa province, de sa nation, de son continent, car, selon la formule immortelle du poète Térence, « je suis l’homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».

Mais si l’individu se perd dans le cosmopolitisme d’une citoyenneté du monde, il ne sait plus qui il est, ni d’où il vient, et s’il se replie sur le particulier le plus particulier, ce n’est plus sa patrie, mais sa province, plus sa province mais son village, plus son village mais sa maison et dans la maison, son propre espace. Ce rétrécissement est aussi destructeur de civilisation que peut l’être la dissolution dans le grand tout indifférencié.

Entre ces deux tentations, la chrétienté, en distinguant les plans de l’ordre temporel et de l’ordre spirituel, avait tracé le seule voie digne de l’homme, ne se voulant point un syncrétisme des deux mais une harmonie supérieure. Les nations, nées dans l’unité de cette famille dont l’Eglise était la Mère, ont détruit cette unité.

Déchirure religieuse, avec la Réforme protestante, qui, refusant l’autorité du Père commun, favorisait les volontés d’émancipation de certaines nations, désireuses de s’ériger en absolu et de réunir, pour cela, dans les mêmes mains, les deux pouvoirs : le spirituel et le temporel Dieu et César.

Déchirure politique avec l’essor des Etats nationalistes, pour qui l’intérêt national devient la seule règle, puisque ce qui faisait l’unité spirituelle a été rompu.

Au bout de ces deux déchirures, la Révolution prétendit refaire une unité, sous son empire idéologique. De révolutions en révolutions, jusqu’à l’instauration de sa forme paroxystique ; la révolution marxiste, communiste – léniniste, à vocation universelle et permanente, prétendit remplacer, dans les nations et au-dessus des nations, ce qu’avait été la chrétienté. La contemplant, après la deuxième guerre mondiale, André Malraux écrivit : « La Révolution joue aujourd’hui le rôle que jouait jadis la Vie éternelle ».

Elle était Dieu et César tout ensemble. Elle semblait être installée pour mille ans. Puis sa forteresse, l’URSS, s’est écroulée. Et les nations ont refait surface dans l’histoire, accompagnées de la foi chrétienne renaissante, voire d’une foi catholique déficiente. Nous vivons un moment décisif de l’Histoire. Il n’est pas difficile de savoir ce qui nous est demandé. Or, l’histoire des hommes n’a pas d’autre sens que d’être l’Histoire du Salut.

Où le sentiment national sera accompagné, chacun sur son plan, mais les deux unis, du sentiment chrétien et un ordre international redeviendra possible,

Où le futur de l’humanité sera caractérisé par « une crise économique sans précédent, une guerre civile permanente et sans frontières », selon les mots du Pape Jean-Paul II.  

Le monde, qui ne sait plus où il en est, ni où il va, attend une Bonne Nouvelle : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples ». L’ordre demeure le même, plus fécond encore aujourd’hui qu’il a pu l’être hier, car il s’adresse désormais à un plus grand nombre de nations.

Il ne suffit pas de dire : « une nouvelle chrétienté est possible ». Il faut dire : « une nouvelle chrétienté est nécessaire ». Elle est le seul avenir humain envisageable.

En dehors d’elle, nous le savons, d’expérience vécue, ce n’est que le chaos. La responsabilité des chrétiens, en cette heure décisive, est immense.

ICHTUS (1993)

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