La famille, école de charité

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L’essence de la famille et ses devoirs sont définis par l’amour. C’est pourquoi la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de communiquer l’amour,
reflet vivant et participation réelle de l’amour de Dieu pour l’humanité et de l’amour du Christ Seigneur pour l’Église Son Épouse ».

Jean-Paul II, Familiaris consortio, n. 17.

Cette mission de la famille à l’égard de l’amour-charité n’est-elle pas sublime et exigeante ? Ne mérite-t-elle pas toute notre attention ? Pèlerins mariés, fiancés ou célibataires, et même prêtres ou religieux, la famille est pour nous un bien précieux. Scrutons-la dans ses liens avec la charité pour mieux l’aimer, la faire aimer… et la défendre.

La famille dans le dessein d’amour de Dieu

« Homme et femme, Il les créa ».

Dès les premiers récits de la Genèse s’exprime le grand dessein de Dieu sur la famille : « Dieu créa l’homme à Son image, à l’image de Dieu Il les créa, homme et femme Il les créa. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 27-28). Ici, le Créateur donne à l’homme le devoir explicite de la procréation et celui, implicite, de l’éducation. Et Il continue : « C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et
s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair
» (Gn 2, 24). Voilà la fondation de la première famille se réalisant dans le mariage naturel, anticipation du mariage sacramentel. N’est-ce pas déjà une œuvre sacrée ? Mais la famille naturelle aura besoin de stabilité pour s’édifier et s’épanouir : l’unité et l’indissolubilité du mariage sont alors des conditions nécessaires dès l’origine.

Le mariage, « un grand sacrement »

Or, Dieu voulut faire davantage. Avec l’Incarnation et la Nouvelle Alliance, Il fit du mariage « un grand sacrement » (Eph. 5, 32) et donc un lieu de sanctification au service de l’amour-charité : « Le Christ Notre Seigneur a élevé le mariage à la dignité de sacrement et a fait que les époux, entourés et protégés par la grâce céleste qu’Il nous a méritée, reçussent la sainteté dans le mariage même » (LEON XIII, Encyclique Arcanum divinae Sapientiae, 10 février 1880).
Comme le sacrement de l’ordre, le mariage va remplir une finalité sociale au sein de l’Église, en participant à l’accroissement du Royaume de Dieu. Fortifiés par les grâces sacramentelles propres au mariage, les époux répondent ainsi au dessein d’amour de Dieu : « Le mariage n’est pas une fonction de reproduction de l’espèce humaine : c’est le moyen de multiplier les enfants de Dieu. Le courage d’avoir des enfants aussi nombreux qu’on le peut
raisonnablement, de les élever chrétiennement, de supporter les peines dont ils sont la cause ou l’occasion, le courage aussi de s’abstenir lorsque la raison et la charité le demandent, voilà une application très importante de la grâce du mariage
» (A.-M. ROGUET, o. p., Les Sacrements, signes de vie, éditions du Cerf, Paris, 1952, p. 159).
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La famille, « Église domestique »

La famille est ainsi au service du Royaume de Dieu. A sa place, elle est une « Église en miniature », une « Église domestique » (JEAN-PAUL II, Familiaris consortio, n. 49). Au sein de l’unique Église, elle se présente comme une école de foi et de charité. Les parents sont donc les premiers « maîtres d’école » lorsqu’ils enseignent le signe de croix, les prières, la génuflexion ou les rites de la messe. Peut-être verront-ils alors germer une vocation dans le cœur de l’un des leurs ? Les parents chrétiens aspirent à un tel honneur et à un tel bonheur ! « C’est au sein de la famille que les parents sont, “par la parole et par l’exemple (…), pour leurs enfants les premiers hérauts de la foi, au service de la vocation propre de chacun et tout spécialement de la vocation sacrée » (Catéchisme de l’Église Catholique (CEC), n° 1656, citant Lumen gentium, n. 11). Et, remarquons-le, les parents sont doublement les collaborateurs de Dieu dans Son œuvre d’amour : collaborateurs de l’œuvre créatrice – ils sont procréateurs – et collaborateurs de l’œuvre sanctificatrice par l’éveil à la foi et l’éducation chrétienne. On comprend mieux pourquoi tout mariage chrétien se prépare et ne s’improvise guère !

En famille pour aimer Dieu

« La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté » (1 Th 4, 3).
En commentant ces mots de l’Apôtre saint Paul, Jean-Paul II affirmait : « C’est un engagement qui ne concerne pas seulement certains chrétiens : “Tous les fidèles du Christ, quel que soit leur état ou leur rang, sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité” (JEAN-PAUL II, Novo millenio ineunte, n. 30, citant Lumen gentium, n. 40).
Il s’agit de l’appel universel à la sainteté. Quelle est cette sainteté ? Ne nous y trompons pas. Cette sainteté n’est pas impossible ( heureusement ! ) : elle consiste en la perfection de la charité. C’est-à-dire qu’il faut tendre sans cesse à intensifier notre union avec Dieu par la grâce. Les sacrements et la prière jouent pour cela le premier rôle, mais la famille est aussi « partie prenante ». Détaillons son rôle.

La famille « tendue vers Dieu »

Comment la famille s’efforce-t-elle de rester « tendue vers Dieu » (Règle de saint Augustin, I, 2.) et de s’unir à Lui ?

 La famille est religieuse : la messe dominicale est son plus grand « rendez-vous » hebdomadaire avec Dieu. Autour des parents – et particulièrement du père (qui assure la fonction de « chef religieux » au sein de la famille) – tous s’unissent à leur Seigneur dans le Saint Sacrifice. Là, les parents jouent le rôle de pédagogues de la liturgie : leurs enfants les écoutent, mesurent leur piété et leur humilité – Quoi de plus éloquent que des adultes à genoux ? – et s’efforcent de les imiter.
 La famille est orante : à la maison, la prière familiale enseigne et entretient les langages de l’amour avec Dieu. Cette prière domestique va préparer et prolonger la prière dominicale (Cf. Familiaris consortio, n. 61).

 La famille est prête à accueillir la vocation : une atmosphère authentiquement chrétienne dispose à accueillir les appels de Dieu. Faire prier pour les vocations et les prêtres prépare en chaque enfant le terreau de la générosité et concrétise le mystère de charité de la Communion des saints.

Le quotidien familial sous le regard de Dieu

 L’esprit et la pratique familiale des conseils évangéliques : « Soyez saints dans toute votre conduite », exhorte l’Apôtre saint Pierre (1 P 1, 16). Ainsi, l’exigence d’amour embrasse tout le quotidien. Mais le Christ ne laisse pas les familles démunies. Il leur indique des chemins de sainteté et d’amour
adaptés à leur état de vie :
• La pauvreté, par un mode de vie modeste bannissant le superflu, par l’aumône et la confiance en la Providence : « Ne vous inquiétez pas pour
votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez
» (Lc 12, 22). Le tout animé par l’action de grâces.
• La chasteté, par l’éducation familiale de la pudeur, le respect mutuel et la délicatesse entre les époux.
• L’obéissance, par la fidélité aimante aux commandements de Dieu et de Son Église, par le respect de l’autorité au sein de la famille.
 Le devoir d’état :
Rechercher la volonté de Dieu est le signe de l’amour théologal : « Celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement » (1 Jn 2, 17). Cela suppose une
application dans l’humble devoir d’état : il s’agit de redécouvrir la valeur infinie de chaque action faite par amour (dans le cadre de la société familiale).
« Quelle force est requise pour se défendre seulement de ce terrible, écrasant, monotone, asphyxiant quotidien ! Ce n’est pas dans les choses extraordinaires que consiste la sainteté, mais dans les choses communes, accomplies d’une manière non commune » (PIE XI, au sujet du Vénérable Frère Bénilde, cité in La Vie spirituelle, sept. 1928, p.583.

Voyez comme ils s’aiment !

« Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés, c’est à ce signe qu’on reconnaîtra que vous êtes Mes disciples » (Jn 13, 35). « Si quelqu’un dit j’aime Dieu et qu’il déteste son frère, c’est un menteur » (1 Jn 4, 20). Le commandement nouveau – celui de la charité fraternelle – illumine la vie des chrétiens dès l’origine. Rappelons le témoignage des païens à l’égard des premiers martyrs : « Voyez comme ils s’aiment ! » (Tertullien)

« Qui est mon prochain ? »

Par excellence, le foyer chrétien est le lieu de l’amour fraternel puisqu’il « faut être au moins deux pour qu’il puisse y avoir charité » (SAINT GREGOIRE LE GRAND, Hom. 17 sur l’Évangile). Ainsi, comme l’exprimait le Père Carré : « Dieu se sert de l’amour de deux êtres pour leur dire Son propre amour ». Dans le foyer, le conjoint est le « prochain le plus prochain » et chacun des époux doit vivre cette vérité avec émerveillement et générosité (et parfois de façon crucifiée). La charité fraternelle s’adresse ensuite bien sûr à leurs enfants. Ceux-ci répondent alors à cette charité par leur amour filial et respectueux. Serait-ce une utopie ? Non, bien sûr, car « Dieu ne commande rien d’impossible » (cf. Lc 18,27).

Qu’est-ce qu’aimer ?

Mais que faut-il pour que l’amour des époux, des parents, des enfants, soit un amour de charité ? Écoutons saint Thomas d’Aquin : « La raison d’aimer (par charité) le prochain, c’est Dieu même : nous devons vouloir, en effet, au prochain qu’il soit en Dieu » (SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, II-II, q. 25, a. 1). Concrètement, aimer son prochain, c’est désirer pour lui le ciel et « travailler » dans ce sens par la prière, les conseils… et les sourires.
L’amour est don. Par le soutien mutuel et l’exemplarité, chaque membre de la famille s’efforce de rechercher ce dont l’autre a besoin : « Vous autres, femmes, soyez soumises à vos maris, comme il sied dans le Seigneur. Vous, hommes, aimez vos femmes, en vous abstenant de toute acrimonie à leur égard. Enfants, obéissez en toute chose à vos parents, car cela plaît au Seigneur. Parents, ne vous fâchez pas contre vos enfants, pour ne pas les décourager » (Col 3, 18-21). Certes ce don est exigeant et fait un peu peur : « Le prix de la charité, c’est vous-même (…). Quand vous cherchez de quoi vous procurer une terre ou une perle, vous cherchez et vous trouvez sur vous le prix nécessaire ; mais si c’est la charité que vous voulez acheter, c’est vous qu’il faut chercher, c’est vous qu’il faut trouver. Et pourquoi craindriez-vous de vous donner ? Vous avez peut-être peur de vous perdre en vous donnant ; mais c’est justement en ne vous donnant pas que vous vous perdriez » (SAINT AUGUSTIN, Sermon 34).

Les exigences de l’amour

Mais puisqu’il n’y a pas d’amour sans don, précisons maintenant certaines formes de dons en famille.
 La croix est le critère infaillible de l’amour : maladies, échecs, incompréhensions avec les enfants, indélicatesses conjugales, vieillissement (cf. 1 Cor 10, 13). Chacun de ces événements familiaux est plus ou moins éprouvant. Bien vécus, ils prouvent et font grandir l’amour.
 Le rôle du pardon : combien le pardon en famille est essentiel ! Il assure la simplicité et la paix…et constitue une véritable école d’humilité.
 La continence conjugale : pour les conjoints, certaines périodes invitent clairement au sacrifice. Leur amour n’est jamais diminué par de telles abstinences.

Les petites servantes de la charité

Saint Paul est un bon pédagogue de l’amour chrétien et il sait que la vertu de charité ne s’exerce pas seule. Écoutons-le faire le tableau des « petites servantes de la charité » : « Vous donc, les élus de Dieu, Ses saints et Ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience ; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un à contre l’autre quelque sujet de plainte » (Col 3,
12-13). Il est bon de savoir que Mgr Chevrot énumère aussi quelques « petites vertus » dans un ouvrage fort concret (MGR CHEVROT, Les petites vertus du foyer, éd. Le Laurier, 2000). Citons parmi elles : la courtoisie, l’effacement, la gratitude, la sincérité, la discrétion, la bonne humeur, la bienveillance, l’économie, l’exactitude, la diligence, la persévérance… Voici une lecture particulièrement opportune avant la route de Chartres… et après !

La famille, missionnaire de la charité

La joie

N’ayons pas peur d’avoir de grands desseins ! La famille est faite pour le Ciel. Jean-Paul II écrivait : « la famille a la mission de devenir toujours davantage ce qu’elle est, c’est-à-dire communauté de vie et d’amour dans une tension qui trouvera son achèvement – comme toute réalité créée et sauvée – dans le Royaume de Dieu » (JEAN-PAUL II, Familiaris consortio, n. 17).
Cette joie promise du Ciel doit commencer ici-bas car elle est, avec la paix, un fruit de la charité.

Le rayonnement

Ne nous leurrons pas : les familles chrétiennes sont aux « avant-postes » de la Chrétienté. Qu’elles n’aient pas peur ! Elles jouissent de toutes les « armes apostoliques » : la confiance en Dieu, les grâces sacramentelles, les prières communes. Par leurs vies résolument confiées à Dieu, les chrétiens, disait Jean-Paul II, « sont appelés à “transmettre” à leurs frères le même amour du Christ, en devenant ainsi une communauté qui sauve » (JEAN-PAUL II, Familiaris consortio, n. 49). Les exemples qu’ils donnent – par le refus de toute culture de mort et le respect de valeurs souvent « à contre-courant » – sont des témoignages nécessaires pour un monde avide de certitudes et de joies. Dans son encyclique majeure sur le mariage, Pie XI lançait cette exhortation : « Que les époux, non pas enchaînés, mais ornés de l’anneau d’or du sacrement, non pas entravés, mais fortifiés par lui, s’appliquent de toutes leurs forces à faire que leur union, non pas seulement par la force et la signification du sacrement, mais encore par leur propre esprit et par leurs mœurs, soit toujours et reste la vraie image de cette très féconde union du Christ avec l’Église, qui est à coup sûr le mystère vénérable de la plus parfaite charité » (PIE XI, Casti connubii, 31 décembre 1930).

Conclusion MARIALE

Dans quelques mois, Notre-Dame, « Reine de la famille » mais aussi « Mère du Bel Amour », va conduire nos pas vers sa cathédrale de lumière. Puissent nos familles se donner à Elle sans restriction ni réserve ! Ne serait-ce pas l’occasion privilégiée d’une consécration solennelle à Celle dont saint Maximilien a dit : « Dieu lui a confié l’ordre de Sa miséricorde » ? « Que la Vierge Marie, qui est Mère de l’Église, soit également la Mère de l’Église domestique” ! Que, grâce à son aide maternelle, toute famille chrétienne puisse devenir vraiment une “petite Église” dans laquelle se reflète et revive le mystère de l’Église du
Christ !
» (JEAN-PAUL II, Familiaris consortio, n. 86).
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CHANOINES REGULIERS DE LA MERE DE DIEU
ABBAYE SAINTE-MARIE DE LAGRASSE

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