La société civile et l’éducation

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« Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’En-Haut »

L’éducation des enfants, comme nous l’avons vu, est d’abord de la responsabilité des parents, et nous avons cité quelques fondamentaux dont les éducateurs doivent tenir compte s’ils veulent accomplir leur mission avec quelques chances de succès.
Mais cette action éducative des parents s’exerce dans un contexte bien défini, celui de la société civile, qui nécessairement influe sur l’éducation que les parents s’efforcent de donner. C’est ce que nous nous proposons d’examiner maintenant au cours de cette nouvelle méditation.

I. LA SOCIETE CIVILE A POUR FIN LE BIEN COMMUN TEMPOREL

Le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC, 1880) nous donne de la société la définition suivante : « Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d’unité qui dépasse chacune d’elle. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps : elle recueille le passé et prépare l’avenir. Par elle, chaque homme est constitué
« héritier », reçoit des « talents » qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits. À juste titre chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun
».
Dans cette définition, chaque terme mériterait d’être médité. Nous nous contenterons d’en examiner deux : Héritier et Bien Commun.

Héritier : J’ai été constitué héritier, c’est-à-dire que j’ai reçu des biens venus d’ailleurs.
Certains sont matériels, tels que mes vêtements, ma chambre…, mon téléphone ; d’autres, sont immatériels, tels que mon nom, mes diplômes, mes relations personnelles, mes compétences, mes souvenirs…
Certains m’appartiennent en propre, et j’en suis le seul détenteur ; mais d’autres, beaucoup plus nombreux, sont partagés avec un plus ou moins grand nombre de personnes. Il en est ainsi de la langue dans laquelle je m’exprime, de la culture du pays que j’habite, des traditions familiales, professionnelles, régionales auxquelles je me réfère…, de tout ce qu’englobe la notion de Patrie… de tout ce qui constitue mon patrimoine, notamment ces « talents » que j’ai reçus, et dont je devrais un jour rendre compte de l’usage que j’en ai fait pour le service du prochain. Ainsi donc, je suis grandement redevable envers la société.

Le Bien Commun : Le C.E.C. (1906 -1909) définit le bien commun comme « l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection, d’une façon plus globale et plus aisée ».
Il précise que le bien commun « comporte trois éléments essentiels :

  • le respect de la personne en tant que telle,
  • le bien-être social et le développement du groupe lui-même en rendant accessible à chacun : nourriture, vêtement, santé, travail, éducation et culture…,
  • la paix, c’est-à-dire la durée et la sécurité d’un ordre juste ». Cette définition rejoint celle que le Pape Pie XI, dans  » Divini illius magistri », donnait du bien commun : « il consiste dans la paix et la sécurité dont les familles et les citoyens jouissent dans l’exercice de leurs droits et, en même temps, dans le plus grand bien-être spirituel et matériel possible en cette vie, grâce à l’union et la coordination des efforts de tous ».
    De cette double définition on peut conclure que la vie en société est un échange de dons. Car, si j’ai beaucoup reçu de la société en tant qu’ « héritier », il m’appartient, en retour, d’apporter ma pierre à l’édification du « Bien Commun
    ».

II. LE BIEN COMMUN DOIT CORRESPONDRE A LA HIERARCHIE DES VALEURS CIVILISATRICES

Le Catéchisme de l’Église catholique, rappelle que le bien commun doit correspondre à la hiérarchie des valeurs :

  • « La société doit favoriser l’exercice des vertus, non y faire obstacle. Une juste hiérarchie des valeurs doit l’inspirer » (CEC 1895)
  • « Le bien commun est toujours orienté vers le progrès des personnes : ‘l’ordre des choses doit être subordonné à l’ordre des personnes, et non l’inverse’ (GS 26,§3). Cet ordre a pour base la vérité, il s’édifie dans la justice, il est vivifié par l’amour » (CEC 1912)
    La vie d’un groupement implique des « règles du jeu ». La classe d’une école, l’atelier d’une entreprise comme la nation ont besoin de règles ; les règles de la classe doivent faciliter l’enseignement ; celles de l’atelier permettre un travail honnête ; celles de la nation garantir le Bien commun en favorisant la prospérité et la paix sociale.
    Des règles qui induiraient en tentation de tricher ou nuire au bien commun seraient contre nature et devraient être corrigées.
    Illustration : en 1980, Lech Walesa, ouvrier aux Chantiers de Gdansk suscite le syndicat « Solidarité » et explique sa démarche à un journaliste : « Regardez où nous ont conduits les orientations des trente-cinq dernières années (c’est-à-dire le régime socialiste) : on a fabriqué des petits malins, des tricheurs, des combinards. Regardez ce chef d’équipe ou cet autre : s’il est honnête, il vit mal. C’est ce désordre que nous voulons éliminer ». Dans sa simplicité, cette observation résume la doctrine de l’Église : « L’inversion des moyens et des fins… engendre des structures injustes « qui rendent pratiquement impossible une conduite chrétienne conforme aux commandements du divin Législateur.» (CEC 1887)
    Il appartient alors aux honnêtes gens d’intervenir, comme le prescrit l’Église : « Que les laïcs, unissant leurs efforts, apportent aux institutions et aux conditions de vie dans le monde, quand elles provoquent au péché, les assainissements convenables… pour qu’elles favorisent l’exercice de la vertu au lieu d’y faire obstacle ».
    Benoît XVI a rappelé cela avec vigueur lors de sa visite au Bundestag : un État qui méconnaît la loi naturelle n’est plus « qu’une grosse bande de brigands » !
    Au contraire, la société doit respecter une juste hiérarchie des valeurs « qui subordonne les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles».

III. L’ÉTAT, QUI A EN CHARGE LE BIEN COMMUN, A DONC UN ROLE A JOUER EN MATIERE D’EDUCATION

L’État, à qui revient « de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile, des citoyens et des corps intermédiaires». (CEC 1910) a donc un rôle à jouer en matière d’éducation.

  • L’État a le devoir de former le personnel appelé à exercer les fonctions en relation directe avec sa propre fin : armées, police, magistrature, diplomatie (les fonctions régaliennes), en veillant particulièrement à leur donner le sens de l’intérêt général et du service.
  • « l’État doit garantir le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, veiller à la capacité des maîtres, au niveau des études, ainsi qu’à la santé des élèves, et d’une façon générale développer l’ensemble du système scolaire sans perdre de vue le principe de
    subsidiarité, donc en excluant n’importe quel monopole scolaire
    » (Vatican II Gravissimum educationis, 6)
  • L’État doit favoriser l’action éducative des familles et de l’Église, notamment par les écoles qui doivent pouvoir être choisies par les parents en toute liberté (y compris sur le plan financier), et, en cas de besoin, suppléer l’incapacité morale ou économique de ces derniers à exercer leurs responsabilités.
    Dans le même souci, il doit veiller à la qualité de la culture qui est véhiculée par les média et qui joue un rôle considérable sur le mental de la population et particulièrement sur celui des enfants.

    C’est, en effet, par la culture que s’exerce l’influence éducatrice de la société civile. « S’il faut exiger un sain primat de la famille dans l’œuvre de l’éducation, il faut aussi situer, dans la même ligne, le droit de la nation à la base de la culture et de l’éducation… L’homme vit d’une vie vraiment humaine grâce à la culture… La culture est ce par quoi l’homme devient davantage homme… La nation existe « par la culture » et « pour la culture », elle est donc la grande éducatrice des hommes pour qu’ils puissent « être davantage » dans la communauté » (JeanPaul II, à l’UNESCO, 2 juin 1980 et Mémoire et Identité, p.103).

IV. LA CULTURE EST UN DOMAINE OU LE CHRETIEN DEVRAIT S’INVESTIR

Compte tenu de ce qui vient d’être dit sur l’importance de la culture dans le domaine de l’éducation, ne devons-nous pas nous demander dans quelle mesure et par quels moyens, nous pouvons et nous devons participer à la culture de nos sociétés, de notre Nation, des corps intermédiaires auxquels nous participons ?
Dans son encyclique « Caritas in Veritate », Benoît XVI nous répond :

« Il y a un bien lié à la vie en société, le bien commun. C’est le bien du ‘nous tous’ constitué d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale… C’est une exigence de la justice et de la charité que de vouloir le bien commun et de le rechercher. Œuvrer en vue du bien commun signifie d’une part prendre soin et d’autre part se servir de l’ensemble des institutions qui structurent civilement, juridiquement et culturellement la vie sociale qui prend ainsi la forme de la ‘polis’, de la cité. On aime d’autant plus efficacement le prochain que l’on travaille efficacement en faveur du bien commun… (Tout chrétien) est appelé à vivre cette charité, selon sa vocation et selon ses possibilités d’influence, au service de la ‘polis’ (la cité, en grec). C’est la voie institutionnelle, politique peut-être, de la charité ».

La Présentation de la Vierge au Temple
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