LE 4ème COMMANDEMENT APPLIQUé AUX NATIONS

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  1. La Chrétienté demande des saints.
  2. Notre-Dame et la prière, au centre de la reconquête et de la mission

I — LA REVELATION ET LA LOI NATURELLE.
1‐ Le Christ, Patrie et Voie, Autorité dont tous les hommes dépendent.
2‐ Les hommes sont faits pour vivre en société: les associations d’hommes sont voulues par Dieu,
A- au plan naturel (familles, communes, nations…)
B- au plan surnaturel (communautés, paroisses, Eglise)
Le Christ nous le rappelle en fondant une communauté sur le commandement de la charité fraternelle dont la source est l’Amour au sein même de la Sainte Trinité.
3‐ Conclusion: Dieu est source et sommet de la vie sociale.
Le redressement des structures économiques, politiques, juridiques et sociales passe par l’obéissance au Christ car, en aucun autre n’est le salut.

II — COMMENT AGIR ?
4‐ Prier (Messe et dévotion mariale) et progresser dans la perfection.
5‐ Se former et transmettre (bibliographie).
6‐ Agir dans le domaine propre à son devoir d’état.

Nous péchons contre la prudence, aussi bien que contre la Justice,
quand nous manquons de vénération envers Celui dont nous ne
sommes que les lieutenants.
Louis XIV

INTRODUCTION
‐ L’Eglise gardienne de la loi naturelle et de l’ordre public.
‐ « DIEU PREMIER SERVI » ‐ Ce cri que Jeanne d’Arc a lancé du haut de son bûcher de Rouen, nous rappelle que la restauration de l’ordre social dépend de la place que la société accorde à Dieu. Ce quiest vrai pour la vie privée et familiale l’est encore pour les nations; c’est à savoir que Dieu est la clé de voûte de toute vie sociale.
-« TU HONORERAS TON PERE ET TA MERE » ‐ Ce cri que Dieu a lancé du haut du Sinaï, dans la foudre et les tonnerres, nous rappelle l’incontournable nécessité de rendre « un culte véritable à nos parents, nos patries et notre Dieu » (Définition de la ‘piété’ par les philosophes.) C’est à travers eux que nous rendons à Dieu ce culte que nous Lui devons.
Honorer son père et sa mère, c’est respecter l’ordre que Dieu a voulu dans la hiérarchie de nos devoirs, sans séparer les ordres surnaturel et charnel. Pour parler de cette hiérarchie, il faut nous placer en observateur de cette union des deux ordres.
Voilà pourquoi ce document considérera d’abord le Christ comme source, comme chef, comme sommet de la vie sociale. Ensuite nous verrons, à la lumière de cette doctrine, comment poser des actions concrètes, puisqu' »il ne suffit point d’être bon, mais encore faut‐il le paraître ! » (S. François de Sales).
-« Le droit divin qui vient de la grâce ne détruit pas le droit humain qui vient de la nature« , dit saint Thomas. C’est le premier principe de la politique chrétienne.

Si la grâce a pour rôle principal et direct de former un nouveau royaume, qui sera dans ce monde mais non de ce monde, si elle s’adresse à ce qu’il y a dans les hommesdeplus profond, de sous‐jacent à toutes les déterminations temporelles ‐ races, classes, patries ‐ pour les grouper visiblement en une communauté supratemporelle, qui sera le Corps du Christ, son rôle secondaire et indirect, dont le prix reste néanmoins inestimable, est de purifier, de guérir, d’éclairer les activités humaines du plan de la nature, notamment les activités politiques. Ces dernières pourront recevoir la mission sublime de préparer, dans une certaine mesure, des conditions favorables à l’existence du Royaume de Dieu: si la vie vraiment humaine que nous devons mener ici‐bas, explique saint Thomas, doit débaucher un jour sur la béatitude céleste, le pouvoir politique devra, dans la mesure du possible, procurer la vie bonne de la multitude selon qu’elle convient à l’obtention de la béatitude céleste, de telle sorte qu’il prescrive les choses quiconduisent à cette béatitude et qu’il interdise les choses contraires.

Ainsi la communauté politique est voulue par Dieu qui veut par elle le développement de la vie humaine.
Pour ce qui est de la morale politique, c’est le devoir imprescriptible ‐ DIEU PREMIER SERVI ‐ de tout chrétien de rappeler, en un temps où la confusion des esprits est tyrannique, les principes du droit humain et du droit chrétien qui sont les assises de tout ordre politique ancien ou nouveau voulant être autre chose qu’un sinistre mensonge politique, et que l’humanité ne peut enfreindre sans saccager en elle l’image du Dieu qui l’a créée et rachetée, sans sortir de la civilisation pour commencer de se diluer dans le chaos.

Ces principes forment un corps doctrinal, qu’on appelle la doctrine sociale de l’Eglise.

Par sa condition même, la doctrine sociale, seprésente en premier lieu comme partie intégrante de la conception chrétienne de la vie. En effet, on a vu que son incidence dans le monde n’est pas marginale, mais décisive en tant qu’action de l’Eglise, « ferment », « sel de la terre », et « lumière » de l’humanité.
Sur la base de ces présupposés, le Magistère de l’Eglise, avec l’apport de l’étude et de l’expérience de toute la communauté chrétienne, élabore, organise, expose cette doctrine comme un ensemble d’enseignements offerts non seulement aux croyants, mais aussi à tous les hommesdebonne volonté, pour éclairer par l’Evangile le chemin communvers le développement
et la libération intégrale de l’homme.


Congrégation pour l’éducation catholique.
Rome 1988

I — 1. LE CHRIST, PATRIE ET VOIE DONT TOUS LES HOMMES DEPENDENT.

« Le Christ‐Dieu est la Patrie vers laquelle nous allons. Le Christ‐ Homme est la voie par laquelle nous marchons. » (S. Augustin)
« La majeure partie des maux du monde provient du manque de connaissance de Dieu et de sa Vérité. » (S. Pie X.)

« Il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et législateur, on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie, on n’édifiera pas la société, si l’Eglise n’en jette les bases et ne dirige les travaux; non, la
civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuages. Elle a été, elle est; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements et naturels et divins contre les attaques toujours
renaissantes de l’utopie malsaine de la révolte et de l’impiété: OMNlA INSTAURARE IN CHRISTO. » (S. Pie X ‐ Lettre sur le Sillon.)

« L’aspect plus sinistrement typique de l’époque moderne se trouve dans la tentative absurde de vouloir bâtir un ordre temporel solide et fécond en dehors de Dieu, unique fondement sur lequel il puisse subsister, et de vouloir proclamer la grandeur de l’homme en le coupant de la source d’où cette grandeur jaillit et où elle s’alimente; en réprimant, et si possible en éteignant, ses aspirations vers Dieu. Mais l’expérience de tous les jours continue à attester, au milieu des désillusions les plus amères, et souvent en langage de sang, ce qu’affirme le Livre inspiré: « Si ce n’est pas Dieu qui bâtit la maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent. » (Ps 127)
(Jean XXIII ‐ Encyc. Mater et Magistra ‐ 1961.)

ENSEIGNEMENTS PONTIFICAUX.
Avec le règne de la vérité, de la grâce et de la justice, qu’arrive le règne de l’amour et de la paix ! Qu’il arrive partout où vivent les enfants de Dieu, où agissent les membres du Corps mystique du Christ. Tandis que la Justice donne ce qu’elle doit, l’amour fait davantage: celui qui aime, donne ce qu’il a, donne ce qu’il est, se donne lui‐même. La science de cet amour complet et
permanent fut prêchée et pratiquée par le divin Sauveur. Il proclama que c’est à cet amour mutuel que l’on reconnaîtrait ses disciples (Jn 13,35) et il avertit qu’au dernier jour, les vivants et les morts seront jugés sur l’amour. Lui, d’ailleurs,
n’était pas tenu de venir dans le monde; et il vint par amour; il n’était pas tenu de préférer une vie de privation et de tourments, et il la choisit par amour; il n’était pas nécessaire, que pour nous racheter, il souffrît et mourût; mais il souffrit et mourut crucifié par amour. Qui ne comprend pas l’amour, ne comprend pas Jésus, l’amour incarné.
Chers fils ! Voulez‐vous que Jésus règne parmi vous, dans vos familles, dans votre cité et dans votre diocèse ? Faites que l’amour y règne ! PIE XII (Discours aux travailleurs italiens ‐ 28 octobre 1956)

« De sa plénitude nous avons TOUS reçu. » (Jn 1,16) ‐ Saint Thomas dans sa Somme commente ce passage ainsi: « C’est parce que nous recevons de lui que le Christ est notre tête. »
(III, 8,5). Ce rôle capital (caput, la tête) du Christ s’étend à la Création toute entière par l’intermédiaire des anges et des hommes qui en sont les premiers représentants. « De cette multitude (anges + hommes), le Christ est la tête; il est plus près de Dieu, en
effet, et reçoit ses dons avec une plus entière plénitude que les hommes et même que les anges; en outre les anges, aussi bien que les hommes, reçoivent son influence. Il est écrit en effet: « (Dieu le Père) l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux (…) et il a TOUT mis sous ses pieds » (III 8,4). Aucun être humain n’échappe à cette influence: « Il est le Sauveur de TOUS les hommes, et spécialement des fidèles » (1 Tm 4,10) et « Il est lui‐même victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier ». Or, commente S. Thomas: « Sauver les hommes, être victime de propitiation, revient au Christ précisément parce qu’il est la tête de tous les hommes. » (III 8,3)

SOURCES SCRIPTURAIRES. (VTB Ed. Cerf 1962)
Jésus dépositaire de l’autorité. Jésus apparaît, durant sa vie publique, comme le dépositaire d’une autorité singulière: il prêche avec autorité (Mc 1,22 ss), il a pouvoir de remettre les péchés (Mt 9,6ss), il est maître du sabbat (Mc 2,28). Pouvoir tout religieux d’un envoyé divin, devant lequel les juifs se posent la question essentielle: par quelle autorité fait‐il ces choses (Mt 21,23s) ? A cette question, Jésus ne répond pas directement. Mais les signes qu’il accomplit aiguillent les esprits vers une réponse: il a pouvoir sur la maladie (Mt 8,8s), sur les éléments (Mc 4,41), sur les démons (Mt 12,28). N’est‐ce pas l’indice que, comme il le dira lui‐même, tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre (MT 28,18) ? Son autorité s’étend donc jusqu’aux choses politiques; en ce domaine, le pouvoir qu’il a refusé de tenir de Satan (Lc 4,5ss), il l’a déjà reçu en réalité de Dieu. Cependant, ce pouvoir, il ne s’en prévaut point parmi les hommes.
Alors que les chefs de ce monde montrent le leur en exerçant la domination, lui se tient parmi les siens comme celui qui sert (Lc 22,25ss). Il est Maître et Seigneur (Jn 13,13); mais il est venu pour servir et donner sa vie (Mc 10,42ss). Et c’est parce qu’il prend ainsi la condition d’esclave que tout genou fléchira finalement devant lui (Ph 2,5‐11).

« Toute autorité vient de Dieu » (Rm 13,1). Devant les autorités terrestres, l’attitude de Jésus est d’autant plus significative. Devant les autorités juives, il revendique sa qualité de Fils de l’homme (Mt 26,63s), base d’un pouvoir qu’attestent les Ecritures (Dn 7,14).
Devant l’autorité politique, sa position est plus nuancée. Il reconnaît la compétence propre de César (Mt 22,21); mais cela ne lui ferme pas les yeux sur l’injustice des représentants de l’autorité (Mt 20,25; Lc 13,32). Quand il comparaît devant Pilate, il ne discute pas son pouvoir, dont il sait l’origine divine; mais il relève l’iniquité dont il est victime (Jn 19,11), et il revendique
pour lui ‐ même la royauté qui n’est pas de ce monde (Jn 18,36). Si donc le spirituel et le temporel, chacun à sa manière, relèvent en principe de lui il consacre cependant leur nette distinction, et il laisse entendre que, pour l’instant, le temporel garde dans son ordre une véritable consistance. Les deux pouvoirs se confondaient dans la théocratie israélite; il n’en sera plus de même dans l’Eglise.

Le pouvoir royal du Christ sur les affaires humaines, est explicité dans la Somme de S. Thomas (III, 59,4): « Les réalités humaines sont toutes ordonnées à cette fin: la béatitude; cette béatitude, c’est le salut éternel, et les hommes y sont admis ou en sont rejetés par le jugement du Christ, comme on lit en S. Matthieu (25,21). Il est donc évident que toutes les réalités humaines sont soumises au pouvoir du Christ. » C’est un pouvoir qu’il a reçu de son Père: « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28,18). « Cependant, précise S. Thomas, tout ne lui est pas soumis dès maintenant, en ce qui concerne la réalisation de son pouvoir; celle‐ci n’aura lieu que plus tard, lorsque le Christ accomplira sa volonté sur tous en sauvant les uns et en punissant les autres. » (III,59,4,s2). C’est pourtant dès ce monde que le Christ est juge de toutes choses et avant tout du secret des coeurs. C’est par rapport à ce jugement que tout est vrai ou faux, bon ou mauvais. Ce qui est remis jusqu’au jour ultime, c’est l’accomplissement du jugement, quand tout sera fini. En attendant, tout peut être sauvé.

SOURCES SCRIPTURAIRES.
Le règne du Christ s’établira par l’annonce de son Evangile (Ac 1,8). Roi, il l’est pourtant comme le proclame la prédication chrétienne (He 1,8;7,1). Il l’était dès le début de sa vie terrestre, comme les évangélistes le soulignent en racontant son enfance (Lc 1,33; Mt 2,2). Mais sa royauté qui n’est pas de ce monde‐ci (Jn 18,36) et qui n’y est représentée par aucune monarchie humaine à laquelle Jésus déléguerait ses pouvoirs, ne concurrence en aucune façon celle des rois terrestres. Les chrétiens en deviennent sujets quand Dieu les arrache « à l’empire des ténèbres pour les transférer dans le royaume de son Fils, en qui ils ont la rédemption » (Col 1,13). Cela ne les empêche pas de se soumettre ensuite aux rois de ce monde et de les honorer (1 P 2,13‐17), même si ces rois sont des païens: dépositaires de l’autorité, il suffit qu’ils ne l’opposent pas à l’autorité de Jésus. Le drame est que parfois ils s’élèvent contre elle. Ce fut déjà le cas lors de la Passion (Ac 4,25ss). C’est le cas tout au long de l’histoire quand ces rois terrestres, forniquant avec Babylone (Ap 17,2) et la laissant régner sur eux (17,18), participent du même coup à la royauté satanique de la Bête (17,12): alors, enivrés de leur pouvoir, ils se font les persécuteurs de l’Eglise et de ses fils (17,6).

CONCLUSION.
« Notre Sauveur, le Seigneur Jésus, en sauvant son peuple du péché, au témoignage de l’Ange (Mt 1,21), s’est montré à nous comme le chemin de la vérité, par lequel il nous est désormais possible de parvenir à la résurrection, et à la béatitude de la vie immortelle » enseigne S. Thomas (prol. de la III P), « et voilà la raison pour laquelle Dieu n’a remis à aucun autre le gouvernement de la terre. (S.T. III, 59,6, s3).
On retrouvera ces nations exprimées dans la première partie de l’Encyclique de Pie XI sur le règne du Christ: « Quas primas » du 11 Décembre 1925. Cette politique divine est non seulement le parangon mais encore la source d’une politique chrétienne; celle‐ci cherche à régir selon la lumière chrétienne les cités temporelles. Elle est mise en oeuvre par la vertu de foi qui révèle clairement à l’homme que Dieu est un supérieur à qui l’on doit obéir, quitte à désobéir à ses représentants lorsqu’ils outrepassent leur fonction ‐
DIEU PREMIER SERVI ‐. A ses juges de Rouen, Jeanne ne se dira pas capitaine du prince qu’elle a fait sacrer et couronner à Reims, mais affirmera: « J’ai été messagère de Dieu. » Quand l’évêque Cauchon lui demande si elle veut s’en rapporter à l’Eglise militante de tout ce qui regarde le procès, elle répond : »Oui, sauf impossible. Et je réputé impossible de déclarer que mes faits et dits ne viennent pas de Dieu. » Comme Cauchon insiste: « L’Eglise militante vous dit que vos révélations sont illusoires ou choses diaboliques: vous en rapportez‐vous à elle ? » ‐ »Non, rétorque fermement Jeanne. A aucun homme au monde, mais à Dieu seul. » ‐ « Se vous croyez‐vous donc pas soumise au pape, aux cardinaux, aux archevêques et autres prélats ? » ‐ « Oui, reconnaît‐elle. Mais DIEU PREMIER SERVI. »

Nos pères ont reconnu dans cette exclamation la vocation et l’âme de la France. Cette patrie qu’ils nous ont léguée est un héritage dont nous n’avons que l’usufruit, sans disposer du droit de l’aliéner. Elle n’est pas née d’un simple concours de circonstances, d’un caprice ou d’un accident. A l’instar de toute famille humaine, sa création et son existence découlent d’un
plan divin où sa place est marquée. « L’amour quotidien de la France ‐ ainsi comprise ‐ est sans doute celui dont la mise en pratique est la plus difficile. Avant d’aller, si besoin est, jusqu’à mourir pour elle, il faut faire en sorte que la France vive. Remplir, jour après jour, exactement sa tâche dans sa famille, dans son champ, dans son atelier, son bureau, son école, son
laboratoire, son usine, son église, son couvent, partout, enfin, où l’on a été mis par Dieu pour servir, cela s’appelle maintenir, enrichir, ennoblir sa patrie. » Rémy ‐ Catéchisme de la patrie ‐ Ed. France‐empire (Paris 1961).

Alors nous percevrons l’austère consolation de faire la volonté de Dieu confirmée dans cette prophétie de saint Pie X aux cardinaux français: « Un jour viendra, et Nous espérons qu’il n’est pas très éloigné, où la France ‐ comme Saül sur le chemin de Damas ‐ sera enveloppée d’une lumière céleste et entendra une voix qui lui répétera: « Ma fille, pourquoi me persécutes‐tu ?  » Et, sur sa réponse: « Qui êtes‐vous Seigneur ?  » La voix répliquera: « Je suis Jésus que tu persécutes. Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi‐même. » Et elle, tremblante et étonnée, dira: « Seigneur, que
voulez‐vous que je fasse ?  » Et lui: « Lève‐toi, lave‐toi des souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein tes sentiments assoupis et le pacte de notre alliance, et va, Fille aînée de l’Eglise, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, mon nom devant tous les peuples et tous les rois de la terre. » (29 nov. 1911).

1 — 2. LES HOMMES SONT FAITS POUR VIVRE EN SOCIETE: LES ASSOCIATIONS D’HOMMES SONT VOULUES PAR DIEU.

A — Les sociétés naturelles.

ENSEIGNEMENTS PONTIFICAUX –
« De la totalité de ses droits de Créateur (Dieu) découle naturellement la totalité de son droit à être obéi par les individus et par les communautés de tout espèce. Cette obéissance exigée embrasse toutes les branches de l’activité dans lesquelles des questions morales réclament la mise en accord avec la loi de Dieu, et par conséquent l’intégration de la changeante loi
humaine dans l’ensemble de l’immuable loi divine. » Pie XI Encyc. Mit brennender ‐ (14 mars 1937) Ed. Cattin/Conus n°883

« Non moins que la famille, l’Etat est d’origine naturelle; ceci veut dire que dans son noyau, il est une institution voulue et donnée par le Créateur. Il faut en dire autant de ses éléments essentiels, comme le pouvoir et l’autorité qui émanent de la nature et de Dieu. La nature, en effet, et par conséquent son Créateur, pousse les hommes à s’unir en société, à collaborer, à se compléter mutuellement par l’échange réciproque de services et de biens, à se disposer organiquement en un corps, d’après la diversité des dispositions et de l’activité des individus, à tendre à un but commun qui consiste dans la création et la conservation, avec le concours des activités particulières, du véritable bien général. » Pie XII Discours aux représentants de l’industrie italienne du film (28 oct.1955)

Pour susciter chez l’individu le sens social, il faut tout d’abord travailler selon les préceptes de la loi morale, car les actes humains doivent nécessairement se conformer à la loi de Dieu, universelle et éternelle; de la sorte, le mobile des actions ne peut être exclusivement l’Intérêt personnel, mais l’accomplissement du devoir. L’homme cependant possède en outre une nature intrinsèquement sociale et il doit agir selon cette nature, ne serait‐ce que pour satisfaire à ses exigences vitales, parce que « la providence de Dieu le disposa à naître enclin à s’associer et s’unir à d’autres. » (Léon XlII‐Immortale Dei) Mgr Dell’Acqua (8 mai 1956): Lettre de la secrétairerie d’Etat à la Semaine Sociale d’Espagne. (Ed. Utz/Conus n°4681)

ENTRETIEN DU CARDINAL PIE AVEC NAPOLEON III –
(…) L’Empereur arrêta l’Evêque: « Mais encore, croyez‐vous que le moment soit venu de rétablir ce règne exclusivement religieux que vous me demandez ? Ne pensez‐vous pas, Monseigneur, que ce serait déchaîner toutes les mauvaises passions ? » L’évêque de Poitiers n’avait pas parlé de ‘règne exclusivement religieux’, il avait seulement dégagé le droit divin qui devait dominer tout le règne; mais l’essentiel de l’objection consistait dans cette opportunité toujours placée en avant. Il fit cette réplique solennelle: « Sire, quand de grands politiques comme Votre Majesté, m’objectent que le moment n’est pas venu, je n’ai qu’à m’incliner, parce
que je ne suis pas un grand politique. Mais je suis un évêque, et comme évêque, je leur répands: le moment n’est pas venu pour Jésus‐Christ de régner: eh bien ! Alors, le moment n’est pas venu pour les gouvernements de durer ». Histoire du Cardinal Pie ‐ par Mgr Baunard tome 1, p 665‐669

CHEZ S. THOMAS ‐ Au coeur de tous les vivants est inscrite une loi de développement. L’homme n’y échappe pas. Il est créé pour développer, pour épanouir cet animal raisonnable qu’il est lui‐même. Cela reste impossible sans le secours de la vie en communauté. La communauté politique parfaite est celle dont le pouvoir politique subsiste en lui‐même, non dans un autre pouvoir politique supérieur. Par pouvoir politique, il faut entendre le pouvoir législatif, exécutif, Judiciaire. Ainsi la communauté politique est voulue par Dieu, qui veut par elle le développement de la vie humaine. La communauté politique forme un tout. Un tout n’est pas une simple addition de parties. C’est une addition de parties plus un certain ordre. Le bien commun de la cité diffère du bien singulier d’une personne particulière d’une façon non seulement quantitative mais qualitative. Le bien commun de la cité ne saurait être simplement matériel. Il devra procurer le plein développement de la vie humaine. Trois conditions sont requises pour cela: 1‐Il faut d’abord que la cité soit établie dans l’unité, unité non pas mécanique, mais organique et vivante; 2‐L’unité qui est ordre doit diriger l’activité vers une fin bonne. 3‐Il faut en outre la suffisance des biens corporels, qui doivent être non la fin sans doute, mais un instrument de la vie politique. Quand le monde redevient habitable, quand il se fait plus humain, quand il recommence à s’accorder aux exigences des fins surnaturelles, il y a des milliers de chrétiens, droits et sincères, qui peuvent vivre et mourir dans l’amour: ils sont assez forts pour marcher tous ensemble dans le devoir et pour faire à certains moments exceptionnels, acte de vertu héroïque; mais ils auraient été trop faibles pour remonter, seuls et à toutes les heures du jour, l’immense courant démoralisateur d’un monde pervers. Il faut donc travailler, c’est le christianisme qui nous y pousse, à l’instauration d’un ordre temporel chrétien. Card. C. Journet

Les associations d’hommes sont voulues par Dieu, non comme une fin pour l’homme mais comme un moyen. L’Etat n’est donc pas du tout une valeur absolue; il n’est Jamais tout‐puissant, bien qu’il possède un pouvoir; en effet, sans pouvoir, l’Etat ne serait pas en mesure de réaliser son but, qui est de garantir et de promouvoir le bien commun. (Pie XII).

On peut se référer à ce sujet à ce qu’enseigne Pie XI: « La société est voulue par le Créateur comme le moyen d’amener à leur plein développement les dispositions individuelles et les avantages sociaux que chacun, donnant et recevant tour à tour, doit faire valoir pour son bien et celui des autres. Quant aux valeurs plus générales et plus hautes, que seule la collectivité, et non plus les individus isolés, peut réaliser, elles aussi en définitive sont, par la Créateur, voulues pour l’homme, pour son plein épanouissement naturel et surnaturel et l’achèvement de sa perfection. S’écarter de cet ordre, c’est ébranler les colonnes sur lesquelles repose la société, et donc compromettre la tranquillité, la sécurité et l’existence même de la société. » Pie XI Encyc. Mit brennender sorge. ‐Contre le national‐socialisme‐ (14 mars 1937 ‐ Ed. Cattin/Conus n°905)

Dans cette ligne de conduite comment oublier les directives que Mistral laissait à ses compatriotes ? Il avait vu l’évolution moderne et compris le malheur d’une nation qui, avec ses moeurs propres, perd tout caractère organique, devient une vaste collectivité d’individus sans lien avec le passé, ni avec le sol qui les nourrit. Nous savons aujourd’hui quelle proie facile
sont les masses atomisées pour l’Etat totalitaire. Afin de conjurer le mal, de l’éviter si possible, dans ce milieu de Provence qui était le sien, il n’a cessé de faire appel à toutes les ressources de la race, aux coutumes séculaires, aux réalités vivantes, famille, terre, métier, parler ancestral où l’homme trouve quotidiennement son expression la plus concrète et dont la foi religieuse
est le couronnement. Par son oeuvre, Mistral n’a pas seulement indiqué les principes nécessaires de toute reconstruction à venir, il a jeté un démenti aux arrêts prétendus de l’histoire, recréé une langue, une province, maintenu avec quelques humbles traditions de son pays les signes durables d’une conscience nationale. Contre le nivellement actuel où toutes les
différences ethniques, naturelles et sociales tendent à s’effacer au profit d’une rationalisation croissante du monde, il a cherché à mobiliser les forces profondes de la vie, la chair, le sang, l’esprit des derniers hommes qui ne renoncent pas à la liberté. Il ne faut pas s’y tromper: par delà les limites de la Provence, Mistral fait appel à toutes les bonnes volontés pour préserver, avec la substance des diverses patries, les sentiments qui font la qualité des âmes et donnent à l’existence son véritable prix, « Ne l’oublions pas, disait‐il en 1875 à Montpellier, l’amour de la patrie n’est pas le résultat d’une opinion, ni d’un décret, ni d’une mode… Le grand patriotisme naît de l’attachement qu’on a pour son pays, pour ses coutumes, pour sa famille, et les
meilleurs soldats, croyez‐ le bien, ne sont pas ceux qui chantent et qui crient après avoir bu: ce sont ceux qui pleurent en quittant leur maison. Par conséquent, si nous voulons relever notre pauvre patrie, relevons ce qui fait germer les patriotes: la religion, les traditions, les souvenirs nationaux, la vieille langue du pays; et cité par cité, province par province, rivalisons d’étude,
de travail et d’honneur, pour exalter diversement le nom de France… »

Ce n’est qu’une façon parmi tant d’autres d’accomplir le quatrième commandement à l’égard d’une nation. Mais ce langage sonne clair: il n’émane pas d’un cerveau désincarné, il est l’expression d’une passion amoureuse. Le quatrième commandement viendra rectifier, si nécessaire, cette disposition; mais elle est le ciment de la cité terrestre à l’instar de la charité pour la cité de Dieu.

B — La Société surnaturelle politique divine.

Il existe deux ordres de sociétés visibles. La société surnaturelle (ou spirituelle), qui est le Corps du Christ et qui doit se répandre dans toutes les nations: c’est la part directe de Dieu. La société naturelle (ou temporelle): directement c’est la part de César, mais
indirectement ce doit être encore la part de Dieu à qui rien ne saurait échapper. Ces deux sociétés sont souveraines (c’est à dire suprêmes) chacune dans son ordre. Mais l’ordre de l’une est supérieur à l’ordre de l’autre. Il y a « sur ordination » du royaume de Dieu et subordination des communautés politiques. Quand elles outrepassent leurs droits, quand elles veulent être suprêmes ou souveraines absolument parlant, quand elles réclament l’homme tout entier, alors elles deviennent les instruments de l’orgueil luciférien (Cf. l’Apocalypse: les habitants de la terre les adorent, mais pas ceux « dont le nom est Inscrit dans le livre de vie de l’Agneau égorgé, depuis la fondation du monde. »‘) (Cf. Léon XIII dans l’encyclique  » Immortale Dei » ‐ 1885)

Dieu a sa Cité à lui, son Royaume, son Eglise qui se forme ici‐bas et qui éclot dans l’éternité, qu’il régit par une providence spéciale. Et il y a des cités temporelles, qu’il régit suivant une providence commune, subordonnées à la précédente, cette subordination pouvant recevoir diverses formes. En particulier, l’Eglise reçoit de son fondateur la mission d’évangéliser toutes les nations (Mt 28,19).(Cf. Pie XII ‐ Discours aux historiens, du 7 sept. Ed.Utz/Conus n°5912‐5920).
On voit l’immensité du sujet: d’une part, il s’ouvre sur le mystère de Dieu; d’autre part, il touche à la complexité des organismes sociaux, dont un est divin et les autres humains, et que Dieu gouverne quoique diversement. (C’est dans l’acte unique et éternel de sa volonté que Dieu décrète toute la multiplicité des choses). Il faudrait beaucoup de réflexion pour ne pas mutiler ces problèmes.

SOURCES SCRIPTURAIRES :
‐ De son vivant, Jésus a lui‐même jeté les bases et énoncé la loi de la nouvelle communauté fraternelle: il a repris et perfectionné les commandements qui concernaient les relations entre frères (Mt 5,21‐26). Chacun doit exercer son amour
envers le plus petit de ses frères malheureux, car en eux, c’est toujours le Christ qu’il trouve (Mt 25,40).
‐ Par sa mort sur la croix, Jésus est devenu « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29).Pour entrer dans cette fraternité nouvelle, c’est par la foi et l’accomplissement de la volonté du Père qu’on devient frère de Jésus (Mt 12,46‐50). Fraternité réelle et profonde, qui permet au Ressuscité de désigner les disciples comme ses frères (Mt 28,10).
« Je vous donne un commandement nouveau: aimez‐vous les uns les autres. Oui, comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez‐vous les uns les autres. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples: à cet amour que vous aurez les uns pour les autres. »
(Jn 13,34‐35).

Ce précepte est très ancien (Cf Lv 19,18). Et pourtant il est nouveau en ce sens que le Christ a commencé à nous aimer d’une façon nouvelle. « La Loi prescrivait d’aimer le frère comme soi‐même; mais Notre‐Seigneur Jésus‐Christ nous a aimés plus que lui‐même. » (S. Cyrille d’Alexandrie).
Jésus indique à la fois la mesure et le motif de notre charité fraternelle: une mesure infinie… La mort du Christ pour ses amis que l’on peut considérer comme la mesure visible de sa charité, n’est au fond qu’une manifestation de la mesure invisible qui se perd dans les profondeurs insondables de la Très Sainte Trinité: « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » (Jn 15,19)
‐ un motif surnaturel… L’amour du Christ nous associe à la tendresse infinie et ineffable dont les divines personnes s’aiment mutuellement. Il aurait pu formuler le commandement nouveau de cette façon‐ci: « Aimez‐vous les uns les autres comme le Père m’a aimé »; ainsi « vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Car la perfection consiste surtout dans la CHARITE. Voici comment s’exprime S. Thomas: « On dit qu’un être est parfait dans la mesure où il atteint sa fin propre, qui est sa perfection ultime. Or c’est la charité qui nous unit à Dieu, fin ultime de l’âme humaine. En effet: « Celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. » (Jn 4,16). La perfection de la vie chrétienne tient donc spécialement à la charité. » (S.T. II‐II 184,1). « C’est de Dieu lui‐même que vous avez appris à vous aimer les uns les autres ! » (I Thess 4,9).

Les papes n’ont pas d’autres enseignements: « Plus que la justice et que la vérité elle‐même, l’amour rendra visible la vie divine qui est en vous; parce que vous serez une multitude de croyants, mais vous n’aurez qu’un seul coeur et une seule âme, vous serez nombreux mais vous ne formerez qu’un seul corps (I Cor 10,17). On verra alors comme une merveilleuse réalité, ce que Jésus implora dans sa prière sacerdotale: « Qu’ils soient tous un comme toi et moi, ô Père, nous ne sommes qu’une seule et même chose » (Jn 17,22). Alors le christianisme se lèvera irrésistiblement comme un signe parmi les nations, comme un
flambeau sur la montagne. Et les hommes reconnaîtront dans le Christ l’envoyé du Père, le Souverain absolu, le Juge et le Législateur suprême. Ils chanteront du fond de l’âme: « Prince des siècles, Roi des nations, Roi des pensées et des coeurs, nous Vous acclamons comme notre unique arbitre, ô Christ !  » (Hymne du Christ‐Roi). Et avec la vérité, avec la vie, avec la justice
et l’amour il y aura la paix ! » (Pie XII Discours ‘Nel darvi’ 28 oct. 1956 ‐ Ed Cattin/Conus n°3666)

CONCLUSION ‐ TOUT RESTAURER DANS LE CHRIST –

La formule on le sait, fut la devise de saint Pie X: « Tout restaurer dans le Christ, écrivait‐il, et ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose. Et c’est pourquoi le but vers lequel doivent converger tous nos efforts, c’est de ramener le genre humain à l’empire du Christ. Cela fait, l’homme se trouvera, par là‐même, ramené à Dieu, Non pas, voulons‐nous dire, à Dieu inerte et insoucieux des choses humaines, comme les matérialistes l’ont forgé dans leurs folles rêveries, mais à Dieu vivant et vrai, en trois Personnes dans l’unité de nature, auteur du monde, étendant à toute chose son infinie providence, enfin, législateur très juste qui punit les coupables et assure aux vertus leurs récompenses. »

I — 3. CONCLUSION

‐ Dieu est source et sommet de la vie sociale.
Le redressement des structures économiques, politiques juridiques et sociales passe par la dépendance du Christ car, en aucun autre n’est le salut. Pour illustrer tout en le résumant l’enseignement contenu dans cette première partie du document, nous emprunterons ce sermon du cardinal Pie, prononcé à Poitiers, le 25 novembre 1873, « Le monde moderne met un certain amour‐propre à proclamer la date de sa naissance; volontiers il se dit l’enfant de 89. Or, depuis cette époque, notre patrie a été constamment sous l’empire d’une singulière affection morbide. (…) A partir de ce temps la chose publique n’a pas discontinué de subir l’influence des lunaisons. Quel remède sera au mal ? Avant tout, le miracle de la délivrance exige des conditions chez ceux qui le réclament, et la plus élémentaire comme la plus indispensable de ces conditions, c’est la foi. Génération incrédule
et infidèle, (même quand) tu demandes à la religion de guérir le malade (la nation), de le délivrer du mauvais esprit, tu ne crois pas, et tu ne veux pas affirmer ta foi en cette religion du Christ. (…) Ne voyez‐vous pas, observe S. Jérôme, que « Jésus‐Christ agit comme le médecin placé en face d’un malade qui se comporte au rebours de toutes ses prescriptions
« . En vérité, lui dit‐il, « jusqu’à quand vendrai‐je perdre mon temps et l’industrie de mon art dans ta maison, où Je commande une chose, et où tu n’omets Jamais d’en faire une autre ? »
« Après avoir essayé de tout le reste sans succès, si les politiques, si les hommes d’Etat se déterminent à essayer de Jésus‐Christ, c’est à la condition expresse de ne point articuler la fol de la nation, la croyance du pays à sa divinité et à sa puissance surnaturelle. On veut la guérison sociale sans la profession de foi sociale. Or, à ce prix, Jésus‐Christ, tout‐puissant qu’il
est, ne peut pas opérer notre délivrance; tout miséricordieux qu’il est, il ne peut pas exercer sa miséricorde. (…) Est‐ce bien à toi, peuple de France, qu’il faut demander si tu peux croire et si tu peux déclarer authentiquement ta croyance ? Toi dont le baptême est contemporain de ta naissance, toi le premier‐né de l’orthodoxie, toi dont le nom est devenu (…) synonyme du nom
chrétien ? Et quel obstacle aurait donc pu survenir à cette profession ouverte de ta foi ? (…) Oui, sans blesser personne, (…) tu peux croire et proclamer ta croyance. Et, le pouvant, tu le dois. Et, le faisant, il n’y a plus rien d’Impossible pour toi. La France redevenue croyante, et reprenant dans le monde sa grande et noble mission, ce serait le signal d’une nouvelle série de
gloires et de merveilles qui étonneraient la terre. Ah ! Si ce peuple allait verser les larmes qui Jaillirent des yeux de l’homme de notre évangile (Mt 17,18) ! S’il allait dire à Jésus: « Je crois, Seigneur », mais après un siècle (deux!) et plus, d’orgies intellectuelles, de perturbations sociales, ne vous offensez pas de la faiblesse et de l’imperfection de ma fol. Je crois, mais venez vous‐même au secours de mon incrédulité, et réparez dans ma croyance les brèches que tant de révolutions y ont faites.
(…) Ainsi en sera‐t‐il de notre destinée. Que l’Influence démoniaque, que l’esprit révolutionnaire dont la société est travaillée, soient bannis de notre régime légal, de notre constitution publique, la convalescence est prochaine, la guérison est assurée. Au contraire, tant que le même esprit subsistera, tous les expédients de nos empiriques avorteront: les mêmes crises, les mêmes catastrophes, se reproduiront à des termes de plus en plus courts, et avec des symptômes de plus en plus graves. (Il est temps que nous nous interrogions nous‐mêmes…) Car enfin, pourquoi une élite si considérable (…) n’apporte‐t‐elle aux souffrances du pays qu’un remède si peu efficace ? Comment s’expliquer que tant de charité, tant d’activité, tant de dévouement produisent si peu d’effet et si peu de fruit quant à l’amélioration de la chose publique. Et Jésus leur dit: « A cause de votre incrédulité ».

Le grand mal de nos sociétés, c’est que dans l’ordre des choses publiques et sociales, les fidèles ont cru que, (…) on pouvait observer la neutralité et l’abstention, (…) comme si Jésus‐Christ était non avenu ou avait disparu du monde. » –

Mgr Pie ‐ Oeuvres complètes ‐ (Ed. Oudin ‐ Paris 1886) ‐ (tome 8 p 16 ‐ 30)

Nous ne pouvons rester inertes, lorsque nous pensons à ces
millions de frères et de soeurs qui vivent dans l’ignorance de Dieu !
C’est un monde nouveau qui se prépare… L’activité missionnaire en
est seulement à ses débuts. »

Jean Paul II

II — COMMENT AGIR ?

QUE FAIRE ? « Ce que firent Véronique et le Cyrénéen au passage du maître couvert de sang… D’abord ne pas avoir peur ! Depuis vingt siècles que le mystère se renouvelle, comment serions‐nous excusables d’en paraître surpris seulement aujourd’hui ? Rester fermes dans la foi. » Jean OUSSET ‐ PQR (Ed DMM 1986 ‐ p 552)

1 ‐ PRIER ‐ « Mais il y a prier et prier, disait encore le cardinal Pie, dans le sermon cité plus haut. La vertu de la prière réside dans la foi qui l’inspire. Si donc nous allions demander à Dieu de sauver une société résolue à se passer de lui, à contredire ses enseignements, à méconnaître et à violer ses lois, notre prière resterait sans effet. »
Arrivé à cet endroit de nos considérations, nous demanderons à un des deux plus grands professeurs d’université des Etats‐Unis: John SENIOR, de prendre la parole. Nous allons donc citer des extraits de son livre:  » TheRestaurationofChristianCulture  » paru en Amérique en 1983 et publié en français pour la première fois par les éditions DMM (Bouère 1991): LA RESTAURATION DE LA CULTURE CHRETIENNE.
« Quoi que nous fassions dans l’ordre politique et social, l’assise indispensable de notre oeuvre doit être la prière, au coeur de laquelle se trouve le saint‐sacrifice de la messe, prière parfaite du Christ lui‐même, Prêtre et Victime, où le sacrifice même du calvaire est rendu présent d’une manière non sanglante.

Qu’est‐ce que la culture chrétienne ? Essentiellement, la messe. Je n’affirme pas là mon opinion, ni l’opinion ou la théorie ou le voeu de l’un ou de l’autre, j’indique le pivot de deux mille ans d’histoire. La chrétienté, ce que les naturalistes appellent la civilisation occidentale, c’est la messe avec tout l’appareil qui la protège et la favorise. Toute l’architecture, tout l’art,
toutes les institutions politiques et sociales, toute l’économie, toutes les manières de vivre, de sentir et de penser des peuples, leur musique et leur littérature ‐ toutes ces réalités, quand elles sont bonnes, ne sont que des moyens de favoriser et de protéger le saint‐sacrifice de la messe. Pour accomplir un sacrifice, il faut un autel, et au‐dessus de l’autel un toit pour le cas
où il pleuvrait.

Là où repose le saint‐sacrement, nous édifions une petite Maison d’or, que surmonte une Tour d’ivoire, abri d’une cloche et centre d’un jardin fleuri de roses et de lys très purs, emblèmes de la Vierge Marie. Vierge qui a porté dans son sein le Corps et le Sang du Christ, Corps de son corps, Sang de son sang. Autour de l’église et du jardin où nous enterrons les fidèles défunts, vivent ceux qui s’en occupent, le curé, le sacristain et les religieux dont le travail est la prière et qui conservent le mystère de la foi au sein de ce tabernacle de musique et de paroles qu’est l’office divin. Et autour d’eux se rassemblent les fidèles qui participent au culte divin et se partagent les autres travaux nécessaires pour perpétuer et rendre passible le sacrifice: ils produisent la nourriture et confectionnent les vêtements, ils travaillent à instaurer et à sauvegarder la paix. Ainsi les générations à venir pourront‐elles vivre pour celui dont le sacrifice doit se poursuivre jusqu’à la consommation des siècles.
Nous devons graver en nos coeurs cette loi fondamentale de l’économie chrétienne: la fin du travail n’est pas le profit mais la prière, et aussi cette loi fondamentale de l’éthique chrétienne: nous ne devons pas vivre pour nous‐ même mais pour le Christ. (…) Je crains parfois que les conservateurs, et non les seuls libéraux, ne ressemblent aux pharisiens ‐ catholiques, mais absolument et froidement déterminés à avoir raison. Alors que la voie royale du Christ est une voie chevaleresque, romanesque, pleine de feu et de passion: nous chevauchons de fougueux pur‐sang qui galopent joyeusement, les naseaux en feu, et nous
lançons, dans un gai cliquetis d’armes, le cri de Roland et d’Olivier: MONTJOIE! Notre Eglise est l’Eglise de la passion… » (p 15‐16). Sur ce thème, cf. Pie XII Ail. du 20 fev. 1946 (Ed UTZ 1956, n°4296)

FATIMA ‐ est reconnue par les Papes comme l’ultime message de salut de la chrétienté et des âmes. Voici comment Soeur Lucie, confidente du Coeur Immaculé, interprétait la volonté de Marie, quelques 15 ans après les apparitions: « Que l’on récite le chapelet tous les jours. Notre‐Dame a répété cela dans toutes ses apparitions, comme pour nous prémunir contre ces
temps de désorientation diabolique, pour que nous ne nous laissions pas tromper par de fausses doctrines et que par le moyen de la prière, l’élévation de notre âme vers Dieu ne s’amoindrisse pas. » Et en 1970: « … La décadence qui existe dans le monde est sans nul doute la conséquence du manque d’esprit de prière. Ce fut en prévision de cette désorientation que la Vierge a recommandé avec tant d’insistance, la récitation du chapelet. Et comme le chapelet est, après la sainte liturgie eucharistique la prière la plus propre à conserver la foi dans les âmes, le démon a déchaîné sa lutte contre lui. (…) Le Rosaire est l’arme la plus puissante pour nous défendre sur le champ de bataille. (…) Avec quelle insistance Notre‐Dame nous a‐t‐elle recommandé la prière du chapelet. C’est qu’elle savait déjà que devaient venir ces temps durant lesquels le démon et ses partisans combattraient tant cette prière pour éloigner les âmes de Dieu. »
On se reportera avec fruit, à la lecture du chapitre capital de « POUR QU’IL REGNE », de Jean Ousset: Chap IV ‐ (Ed DMM 1986 p 520‐540)

2‐ SE FORMER ET TRANSMETTRE ‐ Consulter:

  • PQR p 53‐58
  • Encyc. de Jean‐Paul II: La Mission du Christ Rédempteur (7 dec. 1990)
  • La bibliographie ci‐jointe.

3 ‐ AGIR : LE PAPE ENVOIE EN MISSION.
Pour résumer, disons que cette Mission est la Mission même du Christ Jésus, envoyé sur terre par son Père. Nous sommes enrôlés dans cette Mission par notre baptême en Jésus. Comme la sienne, elle est à la fois contemplative et active. C’est à dire que l’action extérieure s’appuie sur la méditation des mystères du Christ: « Je suis la vigne, vous êtes les sarments; sans moi
Centre Henri et André Charlier Association Notre Dame de Chrétienté vous ne pouvez rien faire. » Et: « Je ne fais rien que je ne vois faire à mon Père. » « La volonté de mon Père est que vous portiez du fruit et que vous en partiez en abondance. »
C’est ici que doit se faire la jonction entre une oeuvre civique comme CHRETIENTE‐SOLIDARITE et une oeuvre d’apostolat laïque comme PELERINAGE DE CHRETIENTE. L’enseignement de Pie XII est très clair:

« (…) depuis que l’humanité a apostasié progressivement la foi en J.C., de nombreux « maîtres » ont prétendu se substituer à Lui pour l’instruire et la guider; de nombreux « constructeurs » se sont efforcés de lui fournir des structures nécessaires; de nombreux médecins se sont employés à soigner ses maladies et ses plaies. Mais tous, à la fin, se sont trouvés devant une humanité désorientée, égarée et malade.
Il convient donc d’amener avec d’autant plus de sollicitude les hommes à se persuader finalement que: « Vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ. » (Mt 23,2); et que c’est seulement en Lui que pourront trouver le salut le monde avec ses structures et les hommes avec leurs problèmes: « En aucun autre n’est le salut (Ac 4,12) ! »
Un tel état de choses réclame l’intervention prompte et courageuse, non seulement, ‐ comme c’est évident ‐, de l’Eglise enseignante et hiérarchique, mais aussi de tous les chrétiens insérés dans le corps social. Il s’agit de souligner la nécessité d’imprégner d’un sens chrétien tous les domaines de la vie humaine. Cela a toujours été la volonté du Christ, et c’est ce qu’attend une si grande partie de l’humanité, lasse de vivre dans les édifices croulants du monde d’aujourd’hui.
Considérez donc, chers fils, votre vocation. Apportez votre oeuvre en tous lieux et au milieu de toutes les catégories de personnes.

On ne peut certainement dire que, comme tels, vous soyez appelés à l’apostolat proprement dit. Vous êtes des citoyens qui voulez vous intéresser plus directement à la formation de meilleures structures économiques, politiques, juridiques et sociales. (…) Comme citoyens loyaux et actifs, vous visez à créer chez tous une conscience civique droite, qui incite chacun de vous à regarder comme siens les besoins de la collectivité, et à s’employer afin que seuls des hommes d’une probité sans tache et d’une compétence éprouvée soient mis en condition de poser sagement et de résoudre efficacement les problèmes qui
concernent la communauté nationale. Aussi vous appliquez‐vous en même temps à tenir éveillée l’opinion publique, afin que ceux qui, au nom du peuple font les lois et veillent à leur exécution, soient assistés et soutenus; et à ce que ne leur manque point, si s’en présentait la nécessité, la contribution d’une critique saine et constructive.
Entantquemilitants chrétiens, vous considérez comme votre devoir de veiller à ce que rien ne vienne léser les intérêts légitimes de la vraie religion, de votre religion. Vous ne formez pas un parti politique; mais personne ne pourra vous dénier le droit de vous unir, de vous organiser et d’intervenir, par tous les moyens licites, afin que la législation sur la famille, les normes sur la
plus juste distribution de la richesse et sur l’éducation de la jeunesse, de toutes dispositions qui touchent le domaine de la foi et de la morale, soient appliquées selon les postulats de la pensée chrétienne et de l’enseignement de l’Eglise. »

Pie XII
All.aux comités civiques ‐ 12 avr. 1953 ‐ Ed Solesmes: « La paix intérieure »(1957)n°1201‐1203

CONCLUSION.
« Une chrétienté se prépare par la croix et c’est par la croix qu’elle vit. Par ailleurs elle
n’est pas éternelle; c’est une phase rapide. Elle est ce point‐limite, rarement atteint et vite abandonné où le scandale des mauvaises institutions est enfin dépassé, et non point par une transformation idyllique du monde, mais par un effort héroïque dans un monde de péché. La royauté du Christ sur nos cités périssables ne les transforme pas en cités de tout repos.
On peut même dire qu’elle leur complique l’existence parce qu’elle leur demande une fidélité au droit naturel qui n’est jamais facile, et jamais acquise une fois pour toute. »

R.P. R‐Th. CALMEL op « Roger Thomas » Itinéraires n° 27 (p 75‐76)

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