Senlisse Vigile de Pentecôte Sermon du Père André

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Sermon du Père André
Vigile de la Pentecôte

Samedi 7 juin
Senlisse
Vigile de Pentecôte
Sermon du Père André

Mes chers Amis,

Il était une fois un garçon qui s’appelait Clément. Il faisait le pèlerinage pour la première fois. C’était un garçon un peu timide, un peu introverti, discret, sensible, d’un naturel plutôt contemplatif. C’était un enfant de Dieu et il aimait les choses de Dieu. Marcher pour le Christ lui plaisait. Bien sûr toutes ces foules étaient intimidantes, impressionnantes, enivrantes même. Le déploiement d’une chrétienté. Une nouvelle expérience pour Clément. Le pèlerinage grouillait d’une vitalité fascinante.

Dieu était partout parce que la vie était partout. Il y avait de la ferveur, de la joie, du rire et du sérieux. Il fallait se dépasser et en même temps accepter les limites imposées par des pieds couverts de sang, des muscles incapables, une énergie trop pauvre. Clément contemplait la foule en mouvement vers Notre-Dame de Chartres. Le spectacle truculent d’une humanité qui cherche Dieu avec son cœur et avec ses pieds.

Et Clément essayait d’imaginer le Saint-Esprit zigzaguant entre les personnes. Présent dans les âmes. Maître véritable de ce pèlerinage. Mais maître invisible. Et peut-être ainsi d’autant plus puissant.

Et Clément aimait à le contempler planant sur les âmes comme il planait sur les eaux aux origines. Le Saint-Esprit virevoltant parmi nous ; agissant d’autant plus qu’il était caché. Une action presque subversive si ce mot n’était pas chargé d’une connotation péjorative. Le maitre secret à l’œuvre. Un pouvoir caché.

Clément aimait bien cette vision mystérieuse des choses. Il aimait bien que l’on laisse à Dieu son mystère, que l’on ne le prive pas vainement de ce qui nous dépasse. Clément voulait honorer la part non-maitrisable de l’Esprit infini. Aucun prof de physique ou de chimie n’aurait pu mesurer son action, son mode de procéder.

Clément, en vrai catholique, savait entendre les paroles du Seigneur sur le Saint-Esprit. Tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Emetteur et récepteur. C’est bien ; c’est fascinant. Il y a Dieu parmi nous. Baptisés nous vivons du Saint-Esprit. C’est un passager clandestin et plus qu’un passager clandestin. Un secret. Un don de Dieu.

Clément saisissait qu’il y avait une rencontre possible avec cet Esprit mystérieux et que ce pèlerinage était dispositif à une telle rencontre. Bien sûr ses parents lui parlaient de Dieu ; bien sûr que chaque signe de Croix dessiné sur son corps invoquait le Saint-Esprit et Clément sentait qu’en un tel lieu, en un tel moment liturgique, l’Eglise lui offrait la possibilité de se renouveler, de découvrir, de vivre un peu mieux de Dieu.

Et Clément sentait aussi qu’il lui fallait accepter que Dieu se donne à sa manière à lui, comme il le veut ; que Dieu restait Dieu et que l’on n’impose pas à Dieu des process, des recettes.

Il y a une expression que Clément aimait bien dans la liturgie, c’était la formule « cooperante spiritu sancto » que l’on trouve dans les prières que le prêtre dit avant de communier. Cooperante spiritu sancto. Les mots avaient un sens. L’Esprit était un esprit de vérité. Jésus le disait. Il y avait une coopération possible, souhaitable, désirable avec le Saint-Esprit. Dieu voulait la rencontre. Le passager clandestin voulait notre liberté. Le Saint-Esprit refusait le rôle dégradant de nous traiter comme des marionnettes, des pantins désarticulées. Cooperante ; cela signifiait qu’il fallait s’investir, qu’il fallait se donner qu’il fallait choisir Dieu et avec lui. Si donc méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre père du ciel donnera le Saint-Esprit à ceux qui le lui demande.

Clément voulait demander le Saint-Esprit. Idéal ce pèlerinage pour cela. Idéal de marcher en récitant du chapelet, en martelant des Ave Maria, en les répétant, lourdement, lentement, interminablement. Chaque Ave creusait une ornière, traçait un chemin, ouvrait la voie et préparait l’âme. Il ne fallait pas avoir peur de la répétition ; pas avoir peur de l’ennui de l’âme. L’Ave Maria préparait l’âme à recevoir l’Esprit promis par le Christ à la Pentecôte.

Clément était heureux d’être là. Heureux de recevoir Dieu ; heureux de demander Dieu. Le Saint-Esprit comme une colombe sur son âme. Oui c’était plaisant comme image. L’Écriture Sainte donnait du Saint-Esprit l’image d’un oiseau, doux, joli, paisible. Un être frais et pur. La colombe blanche. Porteuse de la paix de Dieu. Clément était passionné par l’engoulevent oreillard un oiseau mystérieux qui dort à même le sol, qui habite parmi nous, un spécialiste du camouflage, au chant si particulier et à la physionomie de dragon inoubliable. Clément comprenait intuitivement que Dieu pour dire le Saint-Esprit utilise l’image scripturaire de l’oiseau. Légèreté, musicalité, vie aérienne. Tout nous échappe. Et Clément comprenait bien que le Saint-Esprit soit analogiquement de cet ordre. La part mystérieuse de Dieu. Beauté sublime de l’oiseau qui dit un peu de la beauté de Dieu. L’engoulevent oreillard, comme la colombe, vivent ailleurs et en même temps sont parmi nous. L’oiseau faisait le lien entre le ciel et la terre. Il venait unir ces deux mondes.

Le Saint-Esprit est un Esprit de vérité ; un esprit de force, un esprit de lumière. Nul ne peut dire que le Christ est Seigneur sans le Saint-Esprit. N’éteignez pas l’Esprit. Tous les péchés seront remis mais à celui qui aura blasphémé contre l’Esprit, il ne sera pas remis. Clément faisait virevolter les citations sur le Saint-Esprit dans son âme. C’était une mosaïque forte, belle, vraie. Et puis il y avait les mots chargés du docteur angélique : « Il n’y a que deux processions en Dieu et l’une est une procession d’amour ». « La personne du Saint-Esprit procède par mode d’amour ». Une spiration d’amour dans la périchorèse de la Trinité. Spiration, périchorèse…Clément, enfant, mais non pas infantile, faisait danser les mots : perichorèse et spiration d’amour. Cela parlait du Saint-Esprit. Cela parlait directement de Dieu ; de la vie de Dieu. Ces mots étaient bien opaques, bien nourrissants. Ils résistaient à la compréhension trop évidente. C’était attirant. Perichorése…Clément se dit qu’il devait demander à son papa ce que cela pouvait bien signifier… Perichorèse…c’est simplement la circumincession…papa expliquera cela très bien…et pour la spiration d’amour, Clément demandera à maman…une spiration…oui maman saura…L’Esprit est une spiration d’amour. Clément était enchanté d’emporter dans ses bagages ces deux mots périchorèse et spiration.

Il fallait marcher et prier pour demander le Saint-Esprit promis par le Christ. Là était la vérité. Et pour Clément, il y avait une joie immense à être simplement un pèlerin, enfant de l’Eglise, qui se tourne vers le Ciel, pour demander le don promis.

Ainsi soit-il