VIDÉOFORMATION NDC N°75: QUEL ÉQUILIBRE FAUT-IL ENTRE POUVOIR ET RESPONSABILITÉ?

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Entretien avec Nicolas Jeanson, 
vice-président fondateur de l’Institut de Formation de Management respectueux des Personnes (IFMP)

Quel équilibre faut-il entre Pouvoir et Responsabilité? En quoi les deux termes pouvoir et responsabilité sont-ils liés ?

Il faut commencer par définir ce qu’est la responsabilité. Être responsable c’est être en charge de quelque chose, de quelqu’un, d’un domaine, d’une activité, d’un projet, d’une entreprise. C’est être en charge et en même temps c’est répondre de ses actes. L’étymologie du mot responsable vient de res-sponsus, qui signifie : « être marié à la chose » c’est-à-dire :

• si la chose va bien, je vais bien.
• si la chose va mal, j’en supporte les conséquences et moi aussi je vais mal et j’ai donc tout intérêt à corriger cette situation si je souhaite aller mieux.

Peut-on être responsable si on n’a pas de pouvoir sur le domaine qui a été confié ?
Imaginez que quelqu’un m’ait bombardé responsable du temps qu’il fait. Quels seraient mes moyens et mes pouvoirs pour garantir le beau temps à tout le monde ? Absolument aucun moyen, aucun pouvoir et je ne pourrais donc absolument pas être responsable du temps qu’il fait. Dans les domaines qui nous sont confiés, pour que cela fonctionne, nous avons besoin de prendre des décisions. Le pouvoir est essentiellement un pouvoir de décision qui est au service de notre liberté d’action. Sans ces pouvoirs nous ne pouvons pas être responsables.

Pourquoi la séparation des pouvoirs et des responsabilités est souvent la cause de dysfonctionnements ?

Lorsqu’on sépare l’exercice de la responsabilité de la détention du pouvoir, on observe des conséquences très simples.
Tout le monde connaît la fable du clou et du marteau. Si un jour vous avez un clou à planter dans un mur pour accrocher un tableau, le mode opératoire le plus simple consiste à prendre vous-même le marteau dans une main, le clou dans une autre, de choisir l’endroit et de planter votre clou. En cas d’erreur, vous vous corrigerez. Ce mécanisme est auto-correcteur…

Imaginez que quelqu’un décide de confier le marteau à quelqu’un d’autre, et que vous teniez toujours le clou. Dans quelles dispositions d’esprit vous trouvez-vous ? Est-ce que vous vous sentez en sécurité ? Est-ce que vous avez confiance? Alors « on » va vous rassurer, on va vous dire que la personne à qui on a confié le marteau est un expert. Sauf que dans la vie courante, il va y avoir des erreurs. Sans le faire exprès, l’expert va taper sur vos doigts. Quelle sera la conséquence ? Qui aura mal ? C’est évidemment celui qui tient le clou, ce n’est pas celui qui tient le marteau. Et celui qui aura mal finira par penser à protéger ses doigts plutôt qu’à remplir la mission !

Cela veut-il dire que celui qui tient le marteau n’a pas forcément intérêt à bien faire s’il n’a pas la conséquence de ses actes ?

Théoriquement il peut lui aussi avoir intérêt à bien faire. Il peut être parfaitement de bonne volonté, adhérer totalement à la mission principale de planter des clous. Il n’a pas du tout envie de faire du tort à son collègue, sauf que quand cela se passe mal ce n’est pas lui qui a mal, c’est son collègue qui a mal.

Que ressentent les gens lorsque par exemple on les court-circuite, on ne les informe pas alors qu’on aurait dû les informer, on ne les consulte pas alors qu’ils auraient du être consultés avant une prise de décision ?

Ils se demandent : « pourquoi est-ce qu’on a fait ça ? Qu’est-ce que ça cache ? Après tout, est-ce que je sers à quelque chose dans cette entreprise, dans cette organisation ? »
Si ces incidents se répètent, le doute s’installe. Et ce doute ne s’exprime pas en public, il se sédimente à l’intérieur de la personne et l’isole. Peu à peu, ce doute va avoir une incidence sur l’action. Parce que tout le monde connaît le bon vieux principe : dans le doute on s’abstient. Et donc quelqu’un qui doute parce qu’on lui aura marché trop souvent sur les pieds, va être conduit petit à petit à se désengager de ses responsabilités. Ce mouvement est lent et ne se voit pas. L’une des causes principales de ce qu’on appelle la démotivation, le désengagement des salariés dans les entreprises, vient du fait que l’on y a créé des conditions de travail où les personnes n’ont plus les moyens et les pouvoirs de faire ce qu’on leur demande.

Dans un monde où la transversalité est développée, où on a des organisations de plus en plus éclatées, est-ce que ce principe pouvoir et responsabilité s’applique toujours ?

De fait il est profondément mis à mal.
Le premier principe qui devrait continuer de s’appliquer est l’obligation de respecter chacun dans son domaine de responsabilité. Par exemple, comment faisons-nous pour préparer et prendre les décisions ? Comment consultons-nous les personnes qui seront touchées par les conséquences des décisions prises, à la fois pour recueillir leur avis et aussi pour ne pas les mettre devant le fait accompli ? Veiller à ce que ces personnes soient incluses dans les boucles de décision de l’entreprise est l’un des points sur lesquels les dirigeants devraient porter une attention toute particulière.

Pourquoi ne faut-il pas plaquer des décisions du haut vers le bas mais au contraire prendre le temps d’écouter les utilisateurs finaux ou les personnes qui sont plus proches de la réalité pour en tenir compte dans les décisions ?

Une bonne décision est celle qui va marcher. Une bonne décision est une décision prise sur la base de critères qui vont la justifier et donc on a besoin d’une multitude d’informations pour comprendre, pour alimenter ce que sont ces critères, pour les renseigner. Ces informations viennent des différents responsables qui sont concernés par la décision à prendre. Quand on omet de faire remonter toutes ces informations dans les processus de prise de décisions c’est comme si on voulait résoudre des problèmes sans avoir l’intégralité des données. Cela n’aiderait pas à prendre de bonnes décisions. L’observation montre que plus on arrive à placer les centres de décision proches de l’exercice des responsabilités meilleure est la réactivité et meilleures sont les décisions.

Dans beaucoup d’entreprises, on demande de plus en plus de respecter des procédures. Le travail des collaborateurs est-il de s’organiser pour viser simplement la conformité par rapport aux procédures ou est-il de chercher à les dépasser ?

Les procédures sont nécessaires bien sûr. Il n’y a pas d’entreprise qui fonctionne sans procédure. Ce qu’il faut comprendre c’est à quoi sert le travail et à quoi servent les procédures. Faire son métier c’est avoir le sens de la mission à remplir. C’est avoir le sens du but commun de l’entreprise. C’est avoir présent à l’esprit que, dans l’entreprise, une multitude de personnes, de groupes, d’équipes, d’entités, de services doivent coopérer les uns avec les autres en vue d’un but commun. Et les procédures devraient faciliter et simplifier le travail, standardiser le travail. Elles devraient garantir la qualité du travail. Mais elles n’expliquent pas la totalité du travail. Il y a toujours quelque chose qui échappe au champ de la procédure, et c’est là où la liberté des personnes conserve toute sa raison d’être, à condition de conserver à l’esprit le sens de la mission.

En conclusion, on a parlé de pouvoir, de responsabilité, comment bien tenir le clou et le marteau ensemble ?
Il faut remonter au niveau politique. Chaque entreprise vit dans un cadre institutionnel qui lui est propre, qu’on appelle parfois son code de valeurs ou sa culture.

Cette culture dépend essentiellement de la volonté des dirigeants et de leur engagement à faire travailler leurs collaborateurs dans un certain sens. Il est des dirigeants qui se préoccupent de respecter chacun de leurs collaborateurs et qui s’inspirent de cette règle toute simple qui consiste à respecter chacun dans son domaine de responsabilité, en donnant à chacun les pouvoirs qui lui sont nécessaires pour bien remplir ses missions, en espérant dessiner un cadre ou chacun aura intérêt à bien faire.


Bibliographie – Pour aller plus loin :

– « Comment construire la civilisation de l’amour » Père Marc-Antoine Fontelle – Éditions Téqui.

– « Rendre les salariés heureux » Être un bon chef face à la crise du management – Thierry Delcourt Éditions Pierre Téqui.

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