Traditionis custodes : Legem orandi statuat lex credendi

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L’abbé de Tanoüarn est interrogé par Anne Le Pape dans Présent suite à la parution le 18 décembre des dubia complétant Traditionis custodes. Extrait :

Monsieur l’abbé, ce document est-il dans la droite ligne de Traditionis Custodes ?

Je ne parlerai pas de « droite ligne », j’éviterai de parler de ligne droite à propos de ce document intitulé comme par lapsus « Les geôliers de la tradition », Traditionis custodes. Le pape – lui qui s’est fait psychanalyser en Argentine – sait pourtant bien ce qu’est un lapsus. Cet acte manqué fait parler un inconscient caché. L’extraordinaire violence de ce document justifie qu’on cherche des significations cachées dans la psyché de Jorge Bergoglio, comme il le fit lui-même naguère avec sa psy. Si vraiment le pape se mêle de désigner des geôliers à la sainte tradition, geôlier pointilleux comme le montre le document d’application sorti sous forme de dubia ce samedi 18 décembre, il apparaît clair que, tout Vicaire du Christ qu’il demeure, François n’est pas dans son rôle en empêchant un rite canonisé par les siècles de porter des fruits de grâce dans l’Eglise universelle.

François n’est pas dans la droite ligne lorsque, aussi bien dans Traditionis custodes que dans les dubia y afférents, il affirme et fait affirmer à son équipe liturgique que « les livres liturgiques promulgués par les papes Paul VI et Jean-Paul II d’après les documents de Vatican II sont l’unique expression de la lex orandi du rite romain » (article 1 du motu proprio intitulé Les geôliers de la Tradition, cité plusieurs fois dans les dubia).

En réalité, dans ce premier paragraphe de son motu proprio, le pape François ne pose pas un mais deux problèmes : en disant d’emblée qu’il n’y a qu’« une seule forme du rite romain », il affirme le contraire de son prédécesseur toujours en vie, Benoît XVI, qui avait canonisé l’expression des « deux formes de l’unique rite romain ». Y a-t-il une ou deux formes ? Premier problème. François peut-il défaire ce que son prédécesseur immédiat a affirmé ? Deuxième problème. S’il s’agissait seulement des horaires de célébration à la basilique Saint-Pierre, ou de la composition de sa curie, bien sûr, en tant que pape il a un droit positif sur le fonctionnement de l’institution ecclésiale. Mais François n’a jamais eu, de par Dieu, aucune autorité pour déclarer nulle l’autorité de son prédécesseur. Ajoutons que sa plénitude de pouvoir ne lui donne pas pleins pouvoirs pour changer les dogmes ou les sacrements des dogmes qui sont les formes liturgiques de la foi catholique romaine.

Vous êtes simplement en train de dire qu’il faut choisir entre Summorum pontificum et Traditionis custodes ?

Absolument, et c’est évidemment le premier qui l’emporte sans discussion : le premier s’appuie en effet sur la tradition des souverains pontifes (Summorum pontificum) et non sur un argumentaire de circonstance, le second s’appuie sur la volonté personnelle de François, qui se déclare inquiet pour l’unité de l’Eglise tout en portant un coup fatal à la politique conciliatrice qu’avait voulue son prédécesseur.

Pouvez-vous expliquer la différence que vous faites entre droit positif et droit sacré ?

En matière liturgique, un pape ne peut pas déclarer nul ce qu’a défini le précédent (à moins de montrer qu’il y avait dans la démarche du précédent une opposition à la foi et à la tradition, ce que François s’est bien gardé de faire). Le droit liturgique ne dépend pas dans sa forme de décisions réversibles ad nutum. Il dépend de la foi elle-même : Legem orandi statuat lex credendi, disait saint Prosper d’Aquitaine au début du Ve siècle. La loi de la foi décide de la loi de la prière. Et il ajoutait à l’inverse : « La loi de la prière fixe la loi de la foi. » L’importance de la liturgie, liée au droit de la foi, et qui est en cela un droit sacré, ne peut être sous-estimée dans les Eglises chrétiennes authentiquement traditionnelles. C’est la raison pour laquelle le n° 8 de Traditionis custodes, sur lequel s’appuient aussi les réponses aux dubia, apparaît absolument contraire à l’esprit de l’Eglise quand, en une ligne et demie, il prétend « abroger » tout le magistère liturgique, sauf les décisions liturgiques de Paul VI et de Jean-Paul II en tant qu’elles sont fondées sur le concile Vatican II. […]

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