LETTRE DE BENOÎT XVI AUX SÉMINARISTES

En date du 18 octobre 2010

Benoît XVI - Lettre aux séminaristes


Le 18 octobre dernier, Benoît XVI a adressé une longue lettre aux séminaristes du monde entier. Cette lettre, écrite sur un ton très personnel, est néanmoins structurée autour de « sept éléments importants » sur lesquels le pape insiste :

  • « 1. Celui qui veut devenir prêtre doit être par-dessus tout “un homme de Dieu”. (…) Le plus important dans le chemin vers le sacerdoce et durant toute la vie sacerdotale, c’est la relation personnelle avec Dieu en Jésus-Christ. » Benoît XVI conteste la conception sécularisée ou utilitariste du sacerdoce. « Le prêtre, rappelle-t-il, n’est pas l’administrateur d’une quelconque association dont il cherche à maintenir et à augmenter le nombre des membres. Il est le messager de Dieu parmi les hommes. Il veut conduire à Dieu et ainsi faire croître aussi la communion véritable des hommes entre eux. »
  • « 2. Dieu n’est pas seulement une parole pour nous. Dans les sacrements, Il se donne à nous en personne, à travers les choses corporelles. Le centre de notre rapport avec Dieu et de la configuration de notre vie, c’est l’Eucharistie. La célébrer en y participant intérieurement et rencontrer ainsi le Christ en personne doit être le centre de toutes nos journées. » Aussi, le séminariste, et le prêtre, doivent « connaître, comprendre et aimer la liturgie de l’Eglise dans sa forme concrète » car elle les relie à la grande Tradition de l’Eglise : « quelle expérience de foi se trouve dans la structure de la Liturgie de la Messe, combien de générations ont contribué à la former en priant ! ».
  • « 3. Le Sacrement de Pénitence aussi est important. Il m’enseigne à me regarder du point de vue de Dieu, et m’oblige à être honnête envers moi-même. Il me conduit à l’humilité. » La confession et le pardon du prêtre au nom de Dieu permettent « de s’opposer à l’abrutissement de l’âme, à l’indifférence (…) qui ne ferait plus lutter pour la sainteté et pour l’amélioration ».
  • « 4. Maintenez en vous la sensibilité pour la piété populaire, qui est différente selon les cultures, mais qui est aussi toujours très semblable, parce que le cœur de l’homme est, en fin de compte, toujours le même. » Benoît XVI n’ignore pas que la piété populaire peut tendre, dans certaines de ses manifestations ou de ses pratiques, « vers l’irrationalité » voire « vers l’extériorité ». Pourtant la rejeter serait « une grande erreur » car « la piété populaire est un grand patrimoine de l’Eglise ».
  • « 5. Le temps du séminaire est aussi et par-dessus tout un temps d’étude. La foi chrétienne a une dimension rationnelle et intellectuelle qui lui est essentielle. Sans elle, la foi ne serait pas elle-même. » Il n’y a pas que le prêtre ou le séminariste qui doive « rendre compte de l’espérance » qui est en lui, selon l’exhortation de saint Pierre, c’est chacun des fidèles qui doit, à sa place et selon ses capacités, être en mesure de le faire. Le séminariste doit étudier « avec sérieux », dit le Pape, mais la théologie ne peut être une spéculation indépendante du Magistère : « Sans l’Eglise qui croit, la théologie cesse d’être elle-même et devient un ensemble de diverses disciplines sans unité intérieure. »
  • « 6. Les années de séminaire doivent être aussi un temps de maturation humaine. Pour le prêtre, qui devra accompagner les autres le long du chemin de la vie et jusqu’aux portes de la mort, il est important qu’il ait lui-même mis en juste équilibre le cœur et l’intelligence, la raison et le sentiment, le corps et l’âme, et qu’il soit humainement “intègre” ». La pratique des vertus théologales sera soutenue par « les confesseurs et les supérieurs » qui ont pour tâche de former, d’accompagner et d’aider les séminaristes dans leur « parcours de discernement ».
  • « 7. Aujourd’hui, les débuts de la vocation sacerdotale sont plus variés et différents que par le passé », fait remarquer Benoît XVI. Les mouvements et organisations catholiques sont parmi les principaux viviers des vocations. Sans citer aucun mouvement – mais on peut supposer que le Pape pense en particulier aux Légionnaires du Christ et à certaines communautés charismatiques –, Benoît XVI se montre prudent : « Les mouvements sont une chose magnifique. Vous savez combien je les apprécie et les aime comme don de l’Esprit Saint à l’Eglise. Ils doivent toutefois être évalués selon la manière avec laquelle ils sont tous ouverts à la réalité catholique commune, à la vie de l’unique et commune Eglise du Christ qui, dans toute sa variété, demeure toutefois une. »


L’Annuaire des statistiques de l’Eglise, publié par l’agence missionnaire Fides, indique qu’il y a un peu plus de 117 000 séminaristes (diocésains ou religieux) en formation dans l’Eglise. Comparé aux quelque 400 000 prêtres (diocésains ou religieux) en activité, ce n’est pas rien. Même si les données, et les évolutions, sont très variables d’un continent à l’autre. L’Europe compte moins de séminaristes que l’Afrique, l’Amérique ou l’Asie et compte, d’année en année, toujours moins de séminaristes.

Benoît XVI, bien sûr, n’ignore pas cette réalité. Il connaît la formule répandue dans nos sociétés sécularisées ou apostates d’Europe : « Prêtre n’est pas un métier d’avenir ».

Tout en s’en tenant à ce registre profane, il réfute l’idée en se référant à sa propre histoire : « En décembre 1944, lorsque je fus appelé au service militaire, le commandant de la compagnie demanda à chacun de nous quelle profession il envisageait pour son avenir. Je répondis que je voulais devenir prêtre catholique. Le sous-lieutenant me répondit : “Alors vous devrez chercher quelque chose d’autre. Dans la nouvelle Allemagne, il n’y a plus besoin de prêtres.” Je savais que cette “nouvelle Allemagne” était déjà sur le déclin, et qu’après les énormes dévastations apportées par cette folie dans le pays, il y aurait plus que jamais besoin de prêtres. Aujourd’hui, la situation est complètement différente. Mais, de diverses façons, beaucoup aujourd’hui aussi pensent que le sacerdoce catholique n’est pas une “profession” d’avenir, mais qu’elle appartient plutôt au passé. »

Pourtant, « Dieu est vivant, et il a besoin d’hommes qui vivent pour Lui et qui Le portent aux autres. Oui, cela a du sens de devenir prêtre : le monde a besoin de prêtres, de pasteurs, aujourd’hui, demain et toujours, tant qu’il existera. »

YVES CHIRON - Article extrait du n° 7212 de "Présent" - Samedi 30 octobre 2010