Mgr Vingt-Trois en désaccord sur le projet de loi bioéthique

Alors que commence aujourd'hui les travaux de la commission bioéthique à l’Assemblée nationale, l'archevêque de Paris exprime à nouveau son désaccord

L'interview du Cardinal André Vingt-Trois est à lire dans "La Vie"

Les extraits ci-dessous sont proposés par le Salon beige

  • Vous avez haussé le ton, à Lourdes, après la prise de position de Jean Leonetti en faveur d’une autorisation de la recherche sur l’embryon. Pourquoi cette fermeté ?

J’ai réagi assez fortement parce que je n’ai pas compris ce revirement qui ne correspondait pas à la manière dont M. Leonotti avait conduit les travaux parlementaires. Comme j’ai de l’estime pour lui et que nous sommes dans une relation de dialogue, il m’a semblé normal que je le dise de façon ferme pour que ce soit entendu. M. Leonetti semble être revenu sur ses propos, et je m’en félicite. Reste qu’au-delà de cette péripétie des désaccords de fond persistent sur le projet de loi gouvernemental. Dans l’intérêt de tous, je souhaite que les chercheurs puissent travailler dans des conditions clairement définies et respectueuses de l’homme.

  • Quels sont ces désaccords ?

Le premier, c’est une certaine incohérence. Le gouvernement manifeste la conscience claire qu’avec la recherche sur l’embryon le respect de la dignité humaine est en jeu. En même temps, il semble mettre en place un système dans lequel la destruction d’embryons n’est plus une exception. Jusqu’à présent, on ne pouvait recourir aux cellules souches embryonnaires qu’à condition qu’il existe un espoir fondé de trouver un traitement à une maladie grave et incurable et qu’il n’y ait pas d’alternative. Aujourd’hui, l’objectif thérapeutique sombre au profit d’un objectif de recherche « médicale » dont on ne sait pas très bien ce qu’il recouvre. Et le régime qui avait été mis en place, en 2004, à titre exceptionnel, risque d’être adopté définitivement. C’est la seconde incohérence. Je plaide pour que les programmes de recherche, par définition nécessairement incertains, soient soumis à un contrôle régulier, par exemple, dans le cadre d’une cellule de veille parlementaire. (...) Je crains qu’on change de finalité, que le cadre de référence reste peut-être le respect de la dignité humaine, mais devienne une coquille vide, et que la recherche scientifique et ses impératifs passent avant tout. Je crains que l’on privilégie une option unique de recherche qui ignore les autres voies et se laisse enfermer dans une logique industrielle. (...) Qui donne droit à détruire le plus faible ? Et si l’impératif catégorique est de nous soigner à tout prix, jusqu’à quel prix est-on prêt à aller? Je ne me reconnais pas le droit de dire que la vie de telle personne vaut mieux que celle de telle autre. (...) Qui peut dire que l’on s’arrêtera au stade embryonnaire ? On a connu des périodes dans l’Histoire où l’on n’a pas respecté les enfants nés. L’humanité est une réalité continue, du début à la fin de la vie. La façon dont une société traite ses éléments les plus faibles et les plus dépendants, la manière dont elle gère la fragilité des êtres représentent un indice global de la qualité d’une civilisation. Il ne s’agit pas simplement d’un point technique. On ne parle pas de fabrication de voitures mais de conception de l’humain. Quand on prend des dispositions contraires à la dignité humaine, on entre dans un processus régressif du point de vue de la civilisation (...).

Les évêques préparent la sortie d’un nouvel ouvrage pour exposer leur analyse du projet de loi.