Affaire "Caritas international"

Le Vatican tranche

Contre « l’apostasie silencieuse » : “Caritas in veritate”


Un article de Jeanne Smits dans "Présent"


La secrétaire générale de Caritas International, Lesley-Ann Knight, vient d’être débarquée – de manière spectaculaire, à l’aune des pratiques du Vatican – et remplacée par Michel Roy, l’actuel directeur du « plaidoyer international » de sa composante française, le Secours catholique. Ces mouvements, dont on ne connaît évidemment pas encore l’efficacité, ont un objectif affirmé : il s’agit de rompre avec une vision purement humanitaire et sociale, pour remettre le Christ à la première place dans l’action caritative de l’Eglise catholique. C’est une révolution copernicienne à l’envers, si l’on veut, qui s’opère explicitement dans le sillage de l’encyclique de Benoît XVI, Caritas in veritate.
Le mouvement qui s’amorce avec le « recadrage » de « Caritas Internationalis », l’organisme qui chapeaute les différents organismes catholiques « Caritas » nationaux affiliés dans les pays du monde, semble devoir s’étendre à l’ensemble des œuvres caritatives, avec une idée-force : soulager la pauvreté, combattre la misère n’est pas le plus important, mais d’aimer les pauvres en vérité, en leur apportant la Vérité. Un certain catholicisme socialisant, qui a fait de la « lutte contre les injustices » sa priorité pour promouvoir le bonheur sur terre – « la foi à l’écoute du monde » dont parlait hier Jean Madiran – se trouve ici contesté. Avec autorité.
Lors de l’Assemblée générale de Caritas International, mercredi, l’allocution prévue du P. Timothy Radcliffe, dominicain à coloration progressiste, a été sabrée. Le discours du cardinal Robert Sarah, en a pris un relief accentué. Ce prélat africain, ancien archevêque de Conakry et président de Cor Unum, conseil pontifical chargé de toutes les questions en rapport avec l’action caritative et à ce titre chargé de la supervision de Caritas, a été nommé à ce poste le 7 octobre dernier et créé cardinal lors du consistoire du 20 novembre 2010. Autant dire que c’est un discours-programme.
Il a repris les mots de Jean-Paul II dans Ecclesia in Europa, dénonçant le fait que « l’Occident connaît aujourd’hui une grave régression morale et une progressive “apostasie silencieuse” ». Et de dénoncer, dans ces pays, « l’indifférence religieuse » qui signe la pire des pauvretés humaines : vouloir vivre sans Dieu, fût-ce un « humanisme sans Dieu ».
« Aujourd’hui, chers amis, le drame de l’homme moderne, ce n’est pas de manquer de vêtements ou d’habitat, la faim la plus tragique et l’angoisse la plus terrible de notre monde, ce n’est pas de manquer de nourriture : c’est bien plus l’absence de Dieu et le manque d’amour véritable, cet amour qui nous a été révélé sur la Croix », a-t-il déclaré. « Voilà pourquoi nous tous sommes appelés personnellement à ne pas transformer la charité en une simple “profession”, mais à être conscients que nous sommes personnellement porteurs d’un don : le trésor de la Parole et de l’Amour de Dieu qui nous transcende. Voilà le sens du mot témoin : être là pour Quelqu’un, et non pour soi-même. Saint Maxime le Confesseur est tranchant sur ce point : “Non seulement l’Amour se manifeste en distribuant les richesses, mais bien davantage en distribuant la Parole de Dieu et en se mettant personnellement au service d’autrui” au nom de Dieu notre Père. »
Non pas faire la charité au service du prosélytisme, mais rendre témoignage de l’Amour de Dieu qui est à la source de tout bien : « Le pain est important, la liberté est importante, mais la chose la plus importante de toutes est notre Foi au Dieu d’Amour et notre agenouillement pour l’adorer et le servir en servant les pauvres. »
C’est pourquoi le cardinal s’est même permis d’épingler l’« irréalisme » du nouveau slogan de Caritas : « Une famille humaine, zéro pauvreté », en rappelant que nous aurons toujours les pauvres avec nous, comme l’a dit le Christ, et que l’important était d’abord de « rendre aux personnes humaines toute leur dignité d’enfants de Dieu ».
La volonté semble ferme ; le débarquement de Mme Knight en est un signe, puisqu’il vise aussi le scandale de subventions données à des organismes promouvant l’avortement et la contraception, et dont elle avait pris la défense.

JEANNE SMITS

Article extrait du n° 7359 du samedi 28 mai 2011