Béatification de Mgr. Scheffler, martyr du communisme

Le 1er juillet 2011

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Lu dans "Présent" du 16 juillet 2011

Mgr Scheffler, martyr du communisme

Le 1er juillet dernier, à Satu Mare, en Roumanie, en présence de 8 000 fidèles, le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, a, au nom du pape, proclamé la béatification de Mgr János Scheffler, mort en martyr en 1952, victime des autorités communistes.
Il était né en 1887 à Kalmand, village qui appartenait alors à la Hongrie. Ordonné prêtre en 1910, il poursuit des études de droit canon à Rome et, en 1915, il obtiendra un doctorat en théologie. Il exercera différents ministères, notamment celui professeur de droit canon et d’histoire de l’Eglise à la faculté de théologie d’Oradea.
Il fut nommé évêque de Satu Mare le 26 mars 1942. En 1948, ce diocèse fut uni à celui d’Oreada Mare et Mgr Scheffler en resta le titulaire. Entre-temps, la Roumanie avait subi les ravages de la guerre et connu, à partir de septembre 1944, l’occupation par l’Armée Rouge. Par un premier coup d’Etat, le 6 mars 1945, les communistes prennent le pouvoir ; le 31 décembre 1947, un second coup d’Etat contraint le roi Michel Ier à l’abdication et achève l’instauration d’un régime totalitaire.
A partir de cette époque, la persécution communiste contre l’Eglise catholique s’amplifie. « Le régime, a expliqué le cardinal Amato à Radio Vatican, voulait casser les relations avec le Saint-Siège et créer une Eglise sans le pape en forçant les catholiques à devenir orthodoxes. » Le concordat, signé par Pie XI en 1927, est cassé le 1er octobre 1948 ; la hiérarchie des Catholiques de rite oriental est déclarée dissoute, tandis que la hiérarchie des Catholiques de rite latin subit pressions, intimidations et arrestations. Le nonce apostolique, Mgr O’Hara, est expulsé en 1950.
La « nationalisation » des Eglises, comme l’a expliqué Andrea Riccardi, avait pour objectif « de rompre le lien entre les Eglises catholiques locales et le Saint-Siège. La “nationalisation” des Eglises permettrait de les assujettir à l’Etat, et les rendrait plus vulnérables à la politique antireligieuse » (Ils sont morts pour leur foi. La persécution des Chrétiens au XXe siècle, 2002, p. 157-158).
Mgr Scheffler, qui s’opposait à cette politique, fut d’abord, en 1948, empêché d’exercer ses fonctions épiscopales. C’est à cette époque, semble-t-il, que les autorités communistes essayèrent aussi de le rallier à leur politique par des promesses. Il lui fut proposé de devenir « patriarche de Roumanie » s’il acceptait de passer à l’Eglise orthodoxe. Il refusa.
Puis, le 23 mai 1950, Mgr Scheffler fut arrêté par la Securitate, la police politique, et interné dans le couvent des Franciscains de Korosbanya, d’où les religieux avaient déjà été expulsés. L’évêque prisonnier parvint à faire passer un message destiné aux catholiques de la région, les exhortant à « rester fidèles jusqu’au martyre ». En 1952, il sera incarcéré dans la prison de Jilava, près de Bucarest.

Martyr de la foi et de l’unité

Enfermé dans une cellule souterraine, soumis à toutes sortes d’humiliations, à des tortures (notamment des douches d’eau bouillante), il se montra ferme dans la foi. Il sut, dira le cardinal Amato, « transformer cette expérience de douleur en occasion d’apostolat, de catéchèse, et de prière ». Mgr Robu, l’actuel archevêque de Bucarest, le décrit comme « un pasteur qui a tout risqué pour soutenir la foi des Catholiques et sauvegarder l’unité de l’Eglise avec Rome ».
Suite aux mauvais traitements subis, il mourut le 6 décembre 1952, en priant et en pardonnant à ses assassins. Son corps fut enterré dans le cimetière de la prison. Sa mémoire est restée vive chez les catholiques roumains. En 1965, ses restes ont été clandestinement exhumés par des fidèles et placés dans la crypte de la cathédrale d’Oradea.
Mgr Steffler est le deuxième évêque roumain de la période communiste à être béatifié comme martyr ; le premier ayant été son évêque auxiliaire, Mgr Bogdanffy, mort en 1953 et béatifié en octobre dernier.
Le procès de béatification de quinze autres catholiques roumains morts en martyrs, dont sept évêques, est actuellement en cours.

YVES CHIRON

Article extrait du n° 7391de "Présent" du samedi 16 juillet 2011