Débat sur la redéfinition du mariage : attention aux intoxications

des arguments à connaître

Article paru dans le Salon beige le 17 juin 2011

Le vote des députés de mardi a de quoi inquiéter : la défection d'une cinquantaine de députés de la droite et du centre est le reflet d'une sidération de l'opposition au "mariage homo". Les parlementaires partisans de la préservation du mariage ont été très peu nombreux à oser s'exprimer (y compris en séance), et plusieurs se sont fait violemment prendre à partie par les partisans du lobby gay.
Ce coup de semonce doit servir à réveiller les défenseurs du mariage - en commençant par contrer mieux qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent les arguments (et souvent les contre-vérités) assénés par les pro-gays.

Intox N°1 :

"Ouvrir le mariage aux couples de même sexe n'apporte ou ne retire rien aux couples de sexe différent" (exposé des motifs de la proposition de loi socialiste).
C'est une vieille rengaine, déclinée naguère dans le métro sous la formulation : "Ca change quoi, pour vous ? Parce que pour nous, c'est important."
En réalité, l'extension du mariage à des "couples" qui ne peuvent par nature pas se reproduire serait une redéfinition profonde de l'institution : de sa double fonction de soutien mutuel et de cadre pour accueillir des enfants ne resterait que la première (voir la note de la CDF, alinéa 8). Or s'il suffit d"une affection réciproque pour fonder un mariage, il n'y a plus de limite à ce qui peut ou non être appelé "mariage" - et si tout est un mariage, le mariage n'est plus rien.
S'agirait-il de la "privatisation" du mariage, désirée par certains libéraux ? Non, ce serait presque l'inverse : l'Etat mettrait sa force contraignante derrière la redéfinition d'une institution de droit naturel, plus ancienne que l'Etat lui-même. Professer un attachement au mariage traditionnel deviendrait suspect voire délictueux (incompatible avec l'exercice de la fonction de maire, par exemple). La mise en cause de la liberté religieuse suivraient presque inévitablement.
Le lien fondamental entre le mariage et l'accueil des enfants est attaqué de diverses manières par les homosexualistes. On entend notamment :

  • "Vous êtes contre le mariage de couples stériles, alors" : c'est très différent, car c'est par accident qu'ils ne peuvent se reproduire (y compris du fait de l'âge), pas par nature comme dans le cas d'un couple homosexuel. De surcroît, s'ils adoptent des enfants, ceux-ci auront un père et une mère, que ne peuvent fournir les couples homosexuels.
  • "La plupart des enfants naissent hors mariage, donc ce lien est déjà rompu." Oui, plus de la moitié des enfants naissent hors mariage - là, dans la majorité des cas (6 sur 10), les parents de ces enfants se marient ultérieurement, parce qu'ils savent que le mariage fournit le cadre naturel à leur éducation.


Par ailleurs, poser ce débat en termes de redéfinition du mariage est important du point de vue de la communication : après de nombreuses études d'opinion, la très efficace National Organisation for Marriage, aux USA, préconise de ne jamais parler d'"interdire le mariage homosexuel", mais de dire que les homosexuels, qui peuvent mener leur vie comme ils l'entendent, "n'ont pas le droit de redéfinir le mariage pour l'ensemble de la société".

Intox N°2 :

Les homosexuels "ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres" (Noël Mamère).
Les personnes homosexuelles bénéficient bien entendu des mêmes droits que les autres. Elles ne peuvent/veulent simplement pas faire usage d'un de ces droits, qui est de se marier avec une personne du sexe opposé. (Et voir encore la note de la CDF, alinéa 8.)
Une comparaison, parmi mille autres possibles : j'ai la liberté d'aller à un concert gratuit sur le Champ de Mars, mais je suis agoraphobe - je ne peux/veux donc pas jouir de cette liberté. C'est bien triste, mais il n'y a pas de discrimination à mon égard.

Intox N°3 :

Une majorité de Français "est favorable au mariage homosexuel" (Noël Mamère), "y compris parmi l'électorat UMP" (ajoute GayLib).
Les sondages évoluent certes dans le mauvais sens - celui auquel font référence Mamère et consorts est un sondage de janvier dernier, effectué pour Canal + (pdf) donnant 58 % pour la redéfinition du mariage, 35 % contre.
Que le matraquage pro-gay de ces dernières années ait eu un effet sur l'opinion est indéniable. Mais ce matraquage rend justement les sondages peu fiables, certains sondés étant intimidés. En Californie en 2008, un sondage pour le principal journal de l'Etat donnait un soutien comparable au "mariage gay" (54 pour, 35 contre), 6 mois avant un référendum qui l'a repoussé à 52 % des votants.
Il est d'ailleurs parlant que l'on n'entende pas le lobby gay demander à trancher la question par référendum. C'est le signe qu'ils ne sont pas dupes de ces sondages.
Mais ce sondage lui-même montre une plus grande intensité chez les tenants du mariage traditionnel. Le nombre des répondants "tout à fait" opposés à la redéfinition du mariage y est ainsi équivalent à celui de ceux "tout à fait" favorables (18 % pour les deux). Parmi ceux qui ont une opinion ferme (et qui prendront donc le sujet en compte quand ils voteront en 2012), il n'y a pas de majorité pour la redéfinition.
Enfin, les sympathisants de droite, seraient opposés à la redéfinition par 52 % contre 42 - désolés, GayLib. Et parmi les sympathisants de droite exprimant une opinion ferme, les défenseurs du mariage traditionnel seraient plus de deux fois plus nombreux que ses détracteurs (24 % contre 10 %).

Intox N°4 :

"La question de l'homoparentalité est distincte de la question de l'homoconjugalité"(Patrick Bloche), "Cela n'a rien à voir !" (Martine Billard)
Par "homoparentalité" (rappel sur l'origine du néologisme), il faut entendre l'accès de futurs couples homosexuels "mariés" à l'adoption et à la procréation artificielle.
Or ces politiques savent parfaitement que si le mariage est redéfini pour inclure les couples de même sexe, l'accès de ces derniers à l'adoption sera automatique, toute distinction entre les couples mariés hétérosexuels et les couples "mariés" homosexuels devenant automatiquement illégale, en application tant de la législation européene que de la loi de 2004. Les conséquences seront dramatiques, comme aux Etats-Unis où des oeuvres d'adoption catholiques ont dû fermer pour cette raison.
Mais pourquoi les partisans de la redéfinition du mariage feignent-ils de voir une distinction ?
Parce que même le sondage Canal + qui donnait une majorité en faveur du "mariage homosexuel" révélait que le taux d'opposition augmentait de 12 points quand était abordée la question de l'adoption par des couples de même sexe (pdf, p. 7). De plus, l'intensité des opinions était bien plus forte chez les opposants : 23 % des répondants étaient "tout à fait opposés" à l'adoption, contre 14 % seulement "tout à fait favorables".
Les pro-gays sont dans la dissimulation, comme ils l'étaient lors des débats sur le Pacs en 1999.

Intox N°5 :

La France est "à la traîne" en Europe (Le Monde), et "accuse un retard injustifiable" (Homosexualité et Socialisme).

Il y a deux composantes de cette intox :

  • La France serait isolée en Europe. C'est pourtant l'inverse : 5 Etats sur les 27 de l'UE ont étendu le mariage aux couples de même sexe. Ils représentent moins de 20 % de la population de l'UE (dont 10 % pour la seule Espagne).
  • Derrière la formule, il y a l'historicisme qui est au coeur de la pensée de gauche (cf Bachelot : "de toute façon, cela se fera"). Comme l'écrit ce blog :

"Il faut cesser avec cette histoire de « progrès », de « modernité », au sujet de laquelle on pourrait être « en avance » ou « en retard ». Il n’y a pas de « sens de l’histoire » qui, comme par hasard, épouserait toutes les thèses de la gauche."
L'histoire récente montre pourtant que les mouvements d'opinion ne sont pas irréversibles. Il y a 5 ans, la croisade anti-CO2 paraissait par exemple impossible à arrêter - alors qu'elle a depuis nettement marqué le pas.

Lire aussi : les "Considérations" du cardinal Ratzinger en 2003.