“Le roman de Charette”

Philippe de Villiers répond à “Présent”

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Philippe de Villiers répond à “Présent” (numéros 7755 et 7756)


C’est le livre le plus enthousiasmant de l’année. Qu’en France, en 2012, un homme politique puisse signer un tel texte a quelque chose de miraculeux. Abordant Charette de l’intérieur, donnant vie à ses pensées, à sa foi, aux ressorts intimes de son action, Philippe de Villiers force les regards vers l’ancien monde, et vers le sang et l’horreur qui l’ont remplacé à partir du moment où l’on a prétendu purifier la race, extirper des loyautés et des modes de vies qui « avaient mille ans ».
Pour cela, il suffisait de raconter. De tout raconter. Tout ce que l’on ne savait pas de Charette le Vendéen et surtout de sa première vie de marin, puis d’officier de la Royale, celui qui s’est battu pour la liberté américaine. Celui qui a vu les « brigands » grecs – « brigands » pour les Turcs comme les Vendéens sont devenus « brigands » pour le Comité de salut public – résister contre l’oppression ottomane. Celui qui a vu les ravages et les rapts commis par les Barbaresques, détesté l’asservissement des esclaves, et la rapacité des parvenus.
Ne vous fiez pas au titre, le Roman de Charette n’est pas un roman, même s’il se lit plus avidement qu’un roman. C’est le fruit d’un travail de recherche immense et d’une passion constitutive de Philippe de Villiers… le Vendéen lui aussi. Et tout y est, tout ce que l’on aurait rêvé d’y trouver à propos de Charette. Le panache, l’honneur, la fidélité, le courage, l’amour de sa terre, le regard narquois sur les idées nouvelles de la Révolution, puis le constat horrifié de la sauvagerie de la Terreur d’Etat, jusqu’aux défauts du personnage qui en apparaît meurtri.
En quelques mots, d’ailleurs, “Charette”, où Villiers s’est coulé pour le laisser parler à la première personne, assassine l’effervescence révolutionnaire qu’il rencontre à Brest, son port d’attache : « On ne s’oblige plus seulement à vivre mais à penser. Et comme la société “ne pense plus rien”, il y a dorénavant des sociétés qui pensent pour elle : des sociétés de pensée. C’est rassurant. »
L’écriture est riche, colorée et vivante comme la Cinéscénie du Puy du Fou. Exacte aussi : l’amour des mots, des mots d’autrefois, et des mots de la mer et de la guerre transparaît dans chaque page. Ces mots font vivre le passé, l’actualisent dans tous ses bruits, ses senteurs, ses détails : un foisonnement d’images et de vie.
Jacques Trémolet de Villers a vu dans ce roman qui est une histoire vraie une « rencontre d’âmes » (Présent de mardi). Avec grâce, Philippe de Villiers nous a parlé de son héros : non pas un double, mais un modèle, si français et tellement enraciné. On ne s’en lasse pas. La première partie de ce long entretien en deux temps est en page 4, la suite paraîtra demain.

JEANNE SMITS


Philippe de Villiers répond à “Présent” - Propos recueillis par Jeanne Smits et Olivier Figueras


Votre Charette se lit avec passion. Quand je l’ai commencé, je me suis dit : « Mais quelle imagination extraordinaire ! » Mais je vous ai entendu dire : « Je ne dis pas avoir fait œuvre d’historien. » J’ai évidemment compris que vous aviez bien fait œuvre d’historien, d’autant que je me suis laissé dire que vous travailliez sur ce livre avec dix mètres de piles de documentation autour de vous. Quelle est donc l’historicité de ce livre ? Comment êtes-vous parvenu à avoir autant de détails extraordinaires sur un personnage absolument hors du commun ?

— Le roman de Charette n’est pas un roman, en effet : c’est la vie de Charette qui est un roman ! Pour l’écrire, j’ai puisé dans les archives les plus diverses, les archives locales et régionales, de Vendée, de Bretagne, de Brest… et les archives nationales. J’ai eu le concours précieux du directeur des Archives nationales, comme celui du directeur des Archives diplomatiques, mais j’ai aussi puisé dans les archives familiales privées qui m’ont été confiées par des familles bretonnes et vendéennes. Fort de ces documents et de nombre de détails inédits, j’ai pu combler beaucoup de lacunes de la vie de Charette, et surtout reconstituer, sans doute pour la première fois, la vie du Charette marin, qui prépare le Charette terrien ; du Charette breton, qui prépare le Charette vendéen. Ce sont les onze années entre 1779, date de son arrivée à l’Ecole des gardes marines, et 1790, date de sa démission de la marine. Charette a été un marin – garde marine d’abord, ensuite lieutenant de vaisseau – qui est allé sur tous les théâtres d’opération.
J’avais l’intuition que le Charette marin préparait le Charette terrien, et que la deuxième partie de sa vie était toute contenue dans la première. Tous les traits de son caractère, qui se sont affirmés au fil du temps, étaient là, dans la première partie de sa vie. C’est là que se forge sa stratégie de la liberté, dans la guerre d’Amérique, ou le contact avec les Grecs. Et sa tactique militaire de la « pêche à la bouteille » et de la guérilla était là toute contenue, toute prête dans les débats auxquels il assistait à l’Académie de marine.

C’est une vie d’héroïcité à son corps défendant…

— Ah oui, absolument ! Charette est un petit hérisson breton, de Couffé, dans l’actuelle Loire-Atlantique, où il est né. Je dis hérisson, parce qu’on l’appelle ainsi ; il passe le plus clair de son temps à composer des armées de grillons, en la compagnie desquels il décrit le cercle de ses amitiés exclusives ; il ne sort pas, il ne parle pas ; il a peur de la société quand on l’interroge, parce qu’il ne sait pas quoi répondre ; et il constitue pour ses parents et ses frères et sœurs, ainsi que son oncle le doyen du parlement de Bretagne, un vrai problème. On pense qu’en l’envoyant à Brest comme garde marine la chrysalide va peut-être devenir papillon. Mais rien n’y fait. Il découvre très vite qu’il a le mal de mer, le mal des haubans, le mal de Siam, c’est-à-dire la fièvre jaune, et plus tard le scorbut. Là, il va devoir faire face à des naufrages et à une mutinerie. Il lui faudra beaucoup de temps pour dominer sa peur, sa timidité – et maîtriser son mal de mer. A Brest, on l’appelle le marin de gravure. Le docteur Robillard, chirurgien de la marine, note sur son journal de bord, auquel j’ai eu accès : « François Athanase Charette de la Contrie, d’une complexion délicate, inapte à la mer, inapte à la guerre. » Tel est le petit Charette qui arrive chez Madame Dubois, sa logeuse. Celui qui va retrouver à Brest les grands noms de la marine, ceux qu’on appelle les enfants du corps, marins de père en fils, avec des noms célèbres comme Bayard, Montcalm, Boberil, Basterot, Las Cases, Châteaubriand… Pour Charette, tout va basculer avec la guerre d’Amérique. Il s’y comportera d’une manière héroïque, aux côtés de la Motte-Picquet. Il y participera à une bataille de prise contre l’amiral Rodney, le plus redouté des Anglais.

De cette bataille vous donnez des détails foisonnants, extraordinaires !

— J’ai rencontré tous les grands amiraux de la marine royale, ceux qui en sont les spécialistes aujourd’hui, et les grands professeurs d’histoire de cette période, et j’ai énormément travaillé sur les documents de l’époque. J’ai passé plusieurs mois sur le seul convoi de Saint-Eustache.

Un travail colossal.

— Oui, parce que, n’étant pas historien, je savais qu’on ne me pardonnerait pas l’approximation. Chaque ligne est étayée par des centaines et des centaines de documents. J’espère que les historiens vérifieront tous ces détails, parce que chaque détail correspond à une réalité historique. J’ai eu ainsi la chance de rencontrer l’amiral Caron, auteur d’un livre de mille pages, La Victoire volée, sur la bataille des Saintes – or Charette était à la bataille des Saintes. Parmi ces mille pages, j’ai trouvé des bribes sur Charette à la bataille des Saintes, et notamment cette chose très importante : il était sur une frégate répétitrice, c’est-à-dire qu’il était chargé de répéter les signaux de l’amiral de Grasse qui commandait Le Ville de Paris. Cela m’a permis de reconstituer la bataille de Charette dans la bataille des Saintes, et grâce à l’amiral Caron j’ai réussi à dessiner tous les mouvements du bateau de Charette, et le contact entre Charette et l’amiral de La Pérouse. C’est par Charette que l’amiral de Grasse fait dire à l’amiral de La Pérouse de ne pas rompre la ligne par rapport à Bougainville… Bref ! l’intérêt de cette première partie, c’est que non seulement elle prépare la seconde, mais elle montre que le Charette qui est sous son lit lorsque les paysans viennent le chercher en mars 1793 est un officier de marine qui connaît la guerre, qui connaît le monde, qui a fait le tour du monde ; qu’en homme réfléchi, il a connu les Grands de ce monde, les ambassadeurs, les grands chefs militaires, il a appris la géopolitique, il a participé à la marine savante, celle-là même qui a fait faire à l’humanité les plus grands progrès. Pendant que les écrivains des Lumières parlaient, ce sont les marins qui faisaient progresser la botanique, l’hydrographie, la géographie, la cartographie, l’ensemble des sciences.
Charette a vécu les quatre grandes fractures de son temps : la guerre d’Amérique, l’insurrection grecque, le déclin de l’empire ottoman, et la fin des Barbaresques, et j’ajouterai même une cinquième : les convoitises des Russes dans les mers chaudes. Il est un homme très informé de son temps.
La « porte d’entrée » des guerres de Vendée ne peut plus être, comme on le prétend aujourd’hui, la forêt de Grasla, avec ses mangeurs de glands accroupis comme des demi-sauvages, aux mœurs de taupes. Non : la « porte d’entrée », ce sont des gens – en tout cas leurs chefs – qui connaissent la vie, qui connaissent le monde. Ils ont une vision très précise de ce qu’est le progrès moral, spirituel, et le progrès intellectuel. Et donc dans la trame de mon livre il y a un filigrane, qui est une question : et si c’était la marine savante qui était la pointe diamantée de la France de cette époque ? Tant au sens de la tradition que du progrès…

Quand les Vendéens vont chercher Charette, ils savent parfaitement à qui ils ont à faire. Ce qui indique deux choses : il est très proche de la population, des gens simples et ordinaires ; et puis on reconnaît chez lui une dimension qui est hors du commun pour son temps, et pour tous les temps.

— Pour répondre à votre question, il faut se replacer dans le contexte. Quand Charette quitte la marine, il démissionne. On a dit qu’il était parti en retraite comme s’il y avait la retraite et les RTT. Non, il n’y avait pas de retraite : il a bien démissionné. Il a épousé alors une femme très lancée dans les milieux nantais de la bourgeoisie négrière. Elle a essayé de l’entraîner dans les dîners nantais. Très vite, il perçoit les quolibets qui circulent à son propos : on l’appelle « le petit cadet de marine ».
Les marins de cette époque qui étaient allés aux Iles du vent, les marins de la marine royale, n’acceptaient ni l’esclavage ni le chabouk. Las Cases, qui était l’ami de Charette, se réclamait du grand Las Cases qui s’était battu contre les excès coloniaux frappant les populations indigènes. Charette prononce quelque part la phrase : « Il n’y a plus ni juifs ni grecs, ni homme ni femme ni esclave ni homme libre, mais nous sommes tous un dans le Christ. » Charette ne supporte pas cette bourgeoisie négrière nantaise, et donc, il quitte Nantes. Il s’installe dans une propriété de sa femme à la Fonteclause, au bord du marais breton. Et là, il passe ses journées de ferme en ferme, de pêche en chasse au bord du lac de Grandlieu, et tous les soirs il participe aux veillées. Il y avait une très grande proximité à l’époque entre celui qui commande l’amenage et toutes les fermes alentour, puisqu’il est le parrain, et sa femme est la marraine des enfants des voisins du village des Etoubles, etc. Et aux veillées, on lui demande de raconter sa vie. On l’appelle l’amiral. Aux veillées il raconte sa guerre d’Amérique. Il l’a racontée cent fois. Et donc quand les paysans vont chercher Charette, ils savent qui ils vont chercher. Ils vont chercher un officier qui leur a raconté la guerre d’Amérique. Et l’un d’entre eux dit à Charette : « Machecoul, c’est quand même pas Boston, et la Chesapeake. » Et Charette répond : « Oui, mais on ne se bat pas contre des canons avec des bâtons. »
Si Charette est si réticent pour cette guerre à venir c’est parce que lui, il sait : « Vous êtes des gens d’ouvrage, pas des gens de guerre. » « Nous quitterons notre ouvrage pour faire la guerre », répondent-ils. Lui il sait, puisqu’il dit à sa sœur en revêtant sa tenue de bal, comme on dit dans la marine, c’est-à-dire son uniforme : « Dans la marine, quand un homme tombe dans l’eau glacée, il dure trois minutes. Je vais donc durer trois minutes. » Il sait qu’il choisit la mort dans l’honneur.

Donc c’est un sacrifice qu’il fait…

— Oui !

Mais il a voulu l’éviter. Il se cache. Son principal combat, dans la marine ou en Vendée, c’est contre lui-même.

— Charette exprime la tension de tout homme qui lutte contre lui-même : le courage est une peur dominée. Le réflexe de Charette, connaissant la vie comme il la connaît, connaissant la guerre comme il la connaît, connaissant les troupes de la République comme il les connaît, comme il les subodore, tout cela le conduit à une attitude raisonnable. Et en même temps, il comprend ce qui se passe. J’ai retranscrit avec les mots d’aujourd’hui ce que Charette ressent, et dit à sa sœur Marie-Anne : « Les nouvelles autorités ont touché à la maison en son cœur, là où se trouve sous la poutre maîtresse cette petite demeure invisible, immémoriale, inviolable et sacrée, où se nouent la coutume, la parole, les visages oubliés et les croyances ancestrales. » A l’occasion du baptême de son fils, il rencontre le curé de La Garnache, qui prépare son ostensoir en carton, avant de disparaître dans la forêt de Touvois, et il l’entend dire : « Je refuse de prêter le serment cynique. » Le curé a ce mot poétique : « Si j’avais deux âmes, j’accepterais d’en donner une à la République, pour garder l’autre pour mon Dieu ; mais je n’en ai qu’une, et je ne veux pas la sacrifier. » Et donc le serment civique devient le serment cynique. Charette, qui n’est ni un méditatif, ni un mystique, a en lui toute la force de la tradition, d’où ce mot pour son beau-frère, Boursier, le procureur de Challans : « Ces hommes que vous massacrez, ils ont mille ans. » Boursier ne comprend pas ; Charette explique : « Parce que, depuis mille ans, ils pratiquent le même mode de vie que leurs pères il y a mille ans. »

Et pourtant, il y a un moment où il est intéressé par ces idées nouvelles.

— Oui, comme un marin : moqueur, ironique, et en même temps dubitatif, interrogatif. Chez lui l’intuition le dispute à la jeunesse. Son intuition le porte à penser que la mer est une monarchie absolue commandée par le vent. Losqu’il voit toute cette agitation, les jeunes de Brest qui partent jouer les Peaux-Rouges dans la forêt de Brocéliande pour ressembler aux premiers Américains et retrouver la nature brute des premiers élans et des premiers vagissements, quand il assiste aux bagarres entre les cythériens et les terriens, l’épée et la plume, son intuition le porte vers la tradition et l’autorité, mais sa jeunesse l’expose, candide, à la nouveauté. Et de la même manière qu’il va adopter la contredanse et la contre-marche, il est sensible aux paradoxes de son temps. On lui explique qu’il faut refaire la société ? Il n’y voit pas d’inconvénient à ce moment-là. Pour lui c’est une enflure – les mots sont des enflures à l’époque, on fonctionne par embardées – mais son opinion n’est pas fixée. C’est seulement lorsqu’on lui arrache sa cocarde noire, la cocarde de la marine royale, qu’il comprend : on a basculé dans un autre monde, et ce monde n’est pas le sien. Charette ne peut pas accepter qu’on arrache la cocarde de la première marine du monde, qui a gagné la guerre d’Amérique. Il ne faut pas oublier qu’il fait partie de l’ordre des Cincinnati, c’est-à-dire qu’il a reçu de George Washington la médaille des héros de la guerre d’Amérique. Pour récompense de cet héroïsme-là, pour lequel il a tout donné, tout risqué, sa vie et sa jeunesse, on lui arrache sa cocarde ? La colère se lève en lui, une rébellion intérieure, et il l’exprime d’une manière très simple : « Je m’en vais ! »

Charette a-t-il compris que la liberté, l’égalité et la fraternité n’étaient pas là où on le prétendait ?

— Il a compris plus que cela encore. Il a compris l’imposture d’un mouvement révolutionnaire qui prétendait faire le bonheur du Peuple avec un grand P, tout en faisant le malheur du peuple avec un petit p, le peuple de ceux qui ne voulaient pas abandonner leurs croyances. La liberté de leur foi. On lui lance, en arrachant sa cocarde : « Nous, on travaille pour la liberté. » Il répond : « Mais j’en viens, de la liberté. » La liberté du peuple américain. De la même manière, on lui dira : « On travaille pour le peuple. » Il répondra : « Mais le peuple, c’est le peuple des pauvres, des petits paysans. Pas des gourdes armoriées, mais des vessies de porc. Mon armée a des piques. Ils sont le peuple. Vous défendez un peuple abstrait, moi je défends un peuple concret. » Et à partir de là, il sent l’imposture, et sa conviction est faite. C’est là qu’il demande à sa sœur de déchirer un bout de drap de son lit, pour confectionner un drapeau de fortune, un drapeau blanc, et il va chercher son sabre, il va saluer le drapeau blanc au sommet d’un petit ormeau maigrichon qui tient lieu de mat d’artimon, il fait le tour du mat, on lève les couleurs, et il dit : « Je ne reviendrai ici que mort ou victorieux. » Il a décidé de ne pas accepter l’inacceptable.

Vous l’écrivez à la première personne. J’ai pensé que vous vous identifiez très fortement à ce personnage, et que vous y trouvez beaucoup de vous-même, voire que vous y avez mis de vous-même. Est-ce exact ?

— La chronologie répond pour moi. Je me suis nourri de la vie de Charette, depuis toujours…

Pour préciser la question, pourquoi Charette ? Il y a d’autres géants dans la Vendée. Pourquoi Villiers et Charette ?

— Je me suis nourri de Charette, j’ai appris à connaître sa vie. On a besoin de modèles dans la vie, et pour moi Charette est un modèle de héros, qui se sauve de sa médiocrité humaine, quotidienne, parce qu’il s’abîme dans le quotidien. Il est trop grand pour cela : pour ne pas s’abîmer dans le quotidien, il se sauve de la médiocrité par son panache, par son élégance. Voyez ses devises : « Battu souvent, combattu parfois, abattu jamais. » Ou encore : « Mon âme est à Dieu, ma vie est au roi, mon cœur est aux dames, seul mon honneur est à moi. » « Tant que la Charette aura une roue, la Charette roulera. » Il sait faire claquer les mots, et il sait faire de chaque mot un pavillon.
Il y a aussi une raison personnelle : mon arrière-arrière-grand-mère, Bénigne de Monsorbier, était une de ses amazones. Elle a transformé sa maison en hôpital blanc, elle a été fidèle à Charette jusqu’au bout, jusqu’au dernier combat. Les papiers de famille m’ont permis d’écrire certaines choses qu’elle avait transmises à ses propres enfants.
Et puis enfin une troisième raison, qui répond directement à votre question : eh bien, les autres durent moins d’un an, ou un peu plus d’un an, Charette, lui, dure trois ans. Charette a deux vies, héros de la guerre d’Amérique, héros de la guerre de Vendée. Onze ans plus trois ans… Et dans les trois dernières années, c’est quand même lui qui a la vie la plus romanesque. C’est quand même lui qui conclut le traité de la Jaunaye, avec la promesse, contenue dans la clause secrète, de se voir remettre le petit enfant-roi du Temple.
Tout, au cours de ces trois ans, est hors norme, dans la vie de Charette. Tout ! C’est lui qui commande lui-même le feu de son exécution, c’est du jamais vu… et il a trente-trois ans. C’est lui qui invente ce qu’il appelle la « pêche à la bouteille », c’est-à-dire la guérilla moderne. Il dit aux autres officiers vendéens : « Votre guerre n’est pas la mienne. Votre manière de batailler vient des manuels militaires, elle nous conduit à l’échec. Je ne crois pas à la bataille rangée. On ne gagnera pas cette guerre, mais il faut la faire durer. Et il faut fatiguer nos adversaires, et faire en sorte qu’un jour ils n’aient plus envie de venir jusqu’à nous. Donc leur faire quitter les routes royales, et les enfermer dans le goulot de nos chemins creux, là où l’artillerie ne peut plus agir, là où la cavalerie ne peut plus s’en sortir. Les haies des deux bords des chemins creux sont des herses, et il faut transformer nos chemins creux en guet-apens, selon la vieille pratique de la marine : abordage-décrochage. On aborde, on décroche. Et on disparaît. On ne vient pas chercher son reste. On prend un peu de butin au passage, mais on ne vient pas crier victoire. Non ! c’est une guerre de coups de main… » Charette est l’insaisissable, et c’est ainsi qu’on l’appellera. Travot dira : « Ne laissez pas respirer votre proie. » On le croit sous une saline du marais à Bouin, il est dans un chêne têtard dans la forêt de Grasla ; on le croit dans une cosse de frêne, il surgit dans la plaine de Luçon… Il y a chez lui la durée, le génie militaire, et ce côté bondissant, surprenant, qui en fait un chef imprenable. Et d’ailleurs lorsque Napoléon écrit ses Mémoires, il dicte à Las Cases la phrase suivante : « J’aurais voulu l’avoir à mes côtés. Il a montré un grand caractère ; il laisse percer du génie. Il était d’une audace peu commune. »

Voulez-vous dire d’une certaine façon qu’il y aurait deux Vendée, celle de Lescure, Bonchamps, Cathelineau, La Rochejacquelein… et celle de Charette ?

— Non… parce que le combat est le même. Et qu’on ne peut pas faire une bourse de l’héroïsme, avec des valeurs relatives. Ce sont tous des héros, et parfois des saints. Mais Charette apporte une note supplémentaire, puisque c’est lui qu’on retient aujourd’hui comme le grand résistant. Les autres ont une tout autre pratique de la guerre. Ceux qui ont résolu de traverser la Loire ont fait une faute stratégique fatale. Charette le dit, et s’en explique avec La Rochejacquelein, lui-même hostile à cette folie qui consiste à quitter son propre terrain pour aller sur le terrain de l’adversaire. Quand Charette se fâche avec les autres chefs, ce n’est pas seulement un problème de susceptibilités. C’est beaucoup plus grave, beaucoup plus important que cela. Il pense qu’il faut un port de mer, pour que les émigrés puissent venir donner de l’aide. Et pour y faire venir le roi de France. Charette est un politique. Quand sa sœur vient lui dire que les Bleus sont prêts à traiter avec lui, il met une condition : « Qu’on me remette le petit roi. » Pourquoi ? Parce qu’il pense qu’il faut faire de Belleville un corps de nation, avec une garde territoriale, un petit royaume en quelque sorte, qui permettra ensuite la conquête du grand royaume. Parce que Charette pense que la liberté du culte dans un pays qui ne serait plus une monarchie enracinée dans le sacré ne serait pas durable.

Il n’a pas tort d’ailleurs…

— Bien sûr. C’est une vision géniale de la part de Charette : il fait construire le palais royal à Belleville. Dès qu’il apprendra la mort du petit roi, il reprendra les armes. Voilà. Quand Bonchamps fait le pardon de Bonchamps, c’est un geste moral, mais sur le plan stratégique c’est une folie, puisqu’il relâche 5 000 hommes qui vont venir se battre le lendemain contre les Blancs.

… et qui ne leur pardonneront jamais cet énorme bienfait.

— Bien sûr ! Cela est admirable, les autres sont admirables, mais Charette est génial.

Quand vous écrivez ce livre, faites-vous un acte politique ? Vous dites quantité de choses qui sont aujourd’hui insupportables… Le fait que vous preniez cette position forte annonce-t-il quelque chose de votre part ? Est-ce que cela va remuer enfin des idées qui ne se remuent plus ?

— Les choses sont très simples : à 18 ans, j’ai appris à méditer l’apostrophe fondatrice de Robespierre, qui était de très loin le plus intelligent de tous les révolutionnaires terroristes. Il s’adresse à ses collègues, et il leur dit : « Mes chers collègues, nous sommes devant un terrible dilemme. Ou bien la Vendée est déclarée coupable, alors tout ce que nous ferons est légitime. Ou bien la Vendée est déclarée innocente, alors pèsera sur nous pour la suite des siècles et sur la Révolution tout entière un terrible soupçon. » J’ai décidé de consacrer ma vie à une œuvre de justice, pour rendre aux Vendéens leur fierté, la fierté de ce passé glorieux, et pour que la Vendée soit reconnue comme un point précieux sur la carte métaphysique du monde. Je ne savais pas, lorsque j’ai fait le Puy du Fou, qu’un jour j’aurais la chance d’accueillir en Vendée, aux Lucs-sur-Boulogne, le plus grand dissident du XXe siècle, Alexandre Soljenitsyne. Je ne savais pas que Soljenitsyne me confierait que, selon lui, c’est en Vendée que la Roue rouge a fait ses premiers tours ; que la matrice qui a servi à Lénine et à Staline avait été expérimentée – ce sont ses termes – pour la première fois en Vendée. Depuis la chute du mur de Berlin, on ne peut que jeter sur la Révolution française un regard rétrospectif différent. D’ailleurs, les historiens ont commencé à le faire : François Furet, Pierre Chaunu, et d’autres courageux comme Reynald Secher, ou l’historien du centre de recherches de la Vendée, Alain Gérard, élève de François Furet. Je vous dis donc le plus naturellement du monde qu’un jour la Vendée sera reconnue. Ça ne sera pas sans conséquences. Qu’un jour le nom de Turreau sera effacé de l’Arc de Triomphe, et qu’un jour on dira de Robespierre que c’est un des plus grands criminels de toute l’histoire de l’humanité, l’homme qui a dit, je cite : « Quand je vois à quel point l’espèce humaine est dégradée, je me convaincs moi-même de la nécessité de créer un nouveau peuple. »
Dans ce livre, je dis les choses ; d’ailleurs je renvoie à des documents. Il y a eu un génocide en Vendée. Les trois caractéristiques du génocide au sens de Lemkin sont réunies. Premièrement, un plan d’extermination, c’est-à-dire des ordres de l’Etat, c’est la première caractéristique. Et non pas un dérapage secondaire de je ne sais quelle milice hirsute qui désobéit aux ordres de Paris. La chaîne de commandement est parfaite, de la Convention jusqu’à Turreau. Donc un plan d’Etat. Deuxième caractéristique, ce plan vise un groupe ethnique et religieux, ethnique ou religieux, les ordres sont donnés d’exterminer, je cite : « la race impure, la race maudite ». Donc ce plan vise à exterminer un groupe en raison de sa foi. On est bien dans la deuxième caractéristique du génocide. Et la troisième caractéristique du génocide, ce sont les moyens utilisés, les moyens de masse. Les colonnes de feu, les colonnes infernales. Puis la Convention voit que c’est insuffisant. Elle ordonne la déportation horizontale, la déportation verticale, avec Carrier, ce qu’on appelle le baptême républicain, on met les gens dans les bateaux et on coule les bateaux. Puis les tanneries de peaux humaines. On fait fondre la graisse des femmes pour l’hôpital de Clisson. Il y a des témoignages là-dessus qui sont très nets, et que je reproduis dans les annexes de mon livre. L’arsenic dans les puits. On sollicite même le chimiste Fourcroy pour qu’il invente des boules soporatives pour empoisonner l’atmosphère et produire des gaz asphyxiants. On multiplie les procédés qui visent à dépeupler la Vendée et à la « repopulationner ».
Mon combat pour la Vendée ne cessera que lorsque le chef d’Etat, celui-ci ou un autre, viendra demander pardon au nom de la République. Comme l’avait fait Alain Decaux en tant qu’historien républicain, qui est venu aux Lucs-sur-Boulogne, le 25 septembre 1993, en disant : « Au nom de tous les historiens républicains, je demande pardon pour ce qui a été écrit sur la Vendée. » Parce que la Vendée a été oblitérée. Reynald Secher a raison de dire qu’on a ajouté au génocide un mémoricide : non seulement on n’a pas le droit de dire qu’ils ont été martyrisés, mais en outre, on n’a pas le droit d’évoquer leur martyre. C’est le stade suprême, qu’on retrouve d’ailleurs pour l’Arménie.
La cause est magnifique et le panache avec lequel Charette s’est battu l’est tout autant. Le panache, il l’a sur lui. Quand le général Duthil dans la prison du Bouffay lui demande : « Pourquoi cette plume d’oie que vous portez à votre chapeau ? » Il répond : « C’est une tradition de la marine royale : un officier de marine n’abdique pas l’honneur d’être une cible. » A la fin de son procès, qui dure quelques minutes, il se sait condamné à mort, mais il soigne sa manière de partir. Il prévient sa sœur : « Un officier français ne s’effondre pas. » Et il va étudier la manière de fléchir son corps, pour ne pas s’abandonner. Et lorsque l’assesseur lui dit : « Il y a une coutume d’accorder une dernière faveur », il répond : « Me raser. » Alors l’assesseur lui dit : « Mais la fosse commune, ce n’est pas un bal. » Il répond : « Oui, mais un officier de tradition part soigné. » Cela fait quatre ou cinq jours qu’il n’est pas rasé, depuis qu’il a été pris dans le bois de la Chabotterie. Il y a chez Charette ce va-et-vient entre le fonds et la forme. Il a toujours son mouchoir des Indes. Quand il est traîné dans la ville de Nantes au quai de la Fosse, où il reçoit tous les crachats de ceux qui, un an avant, lui avait fait une fête des Rameaux, il y a chez lui toujours ce geste, cette élégance, qui est caractéristique d’une civilisation.
Si vous voulez me faire dire que la France n’a pas commencé en 1789, je vous le dis bien volontiers ; et je souhaite que ce livre soit lu parce que le fait de ne pas dire la vérité est le début du mensonge. Dire la vérité, c’est dire : oui, il y a eu des héros qui se sont comportés de manière magnifique, et qui aimaient la France. Et Charette en fait partie.

Peut-on vous faire dire aussi que votre combat est la suite du combat de Charette ?

— Chaque lecteur prolonge sa lecture comme il l’entend. Et moi, je prolonge ma vie comme je l’entends aussi. Je fais ce que j’ai à faire. J’ai fait quatre choses dans ma vie pour la Vendée, parce que je sais que la Vendée est l’œil de Caïn de l’histoire de France. « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. » Tout pendant que l’histoire officielle commande qu’on dise du bien de Robespierre et des conventionnels et du fait révolutionnaire lui-même, qui porte la Terreur dans son ADN, eh bien, il faudra des gens pour dire la vérité. Moi, j’ai fait quatre choses qui disent la vérité, et la Vendée, c’est un cri de vérité. C’est le cri de l’iniquité. Celui d’un petit peuple, le petit peuple de la Vendée, qui a été massacré au nom du grand peuple. J’ai fait quatre choses dans ma vie pour la Vendée. La première, pour qu’elle ne soit pas oubliée : le Puy du Fou. La deuxième, pour qu’elle porte le symbole du double cœur vendéen sur les mers du monde : le Vendée Globe. La troisième, pour qu’elle soit comprise : j’ai fait venir Soljenitsyne. Et enfin, pour qu’elle soit aimée, j’ai fait le roman de Charette.

En lisant ce livre, j’ai presque eu l’impression d’être au Puy du Fou, d’y retrouver ce foisonnement d’images, de couleur, de détails… Voyez-vous toute la vie comme ça ?

— Je suis à mes heures scénariste. Je vais vous dire pourquoi j’ai écrit ce livre. Parce que je voulais faire un spectacle sur Charette au grand parc du Puy du Fou. Et là nous nous sommes dit qu’il fallait faire un film en même temps. Comme font les Américains dans les parcs américains. Nous faisons donc un projet de spectacle sur Charette avec la plus grande salle du monde, où nous reconstituerons son bateau… Et en même temps, pour le film, il faut un scénario. Je cherche un scénariste. Jusqu’au jour où mon entourage me dit : « Il y a un scénariste qui s’ignore, c’est toi. » Je me suis donc attaqué à la montagne, à l’Everest, et je me suis dit : « Je vais faire un scénario. » Sur Charette. Et puis finalement, à un moment donné, ayant vu les premières pages, mon éditeur, Albin Michel, m’a dit : « Ce scénario, c’est un livre. » Et j’ai donc écrit un livre-scénario. J’ai écrit en images. Voilà…

Est-ce pour cela que c’est écrit à la première personne ?

— Non, ça c’est autre chose. C’est parce que ce sont les mémoires imaginaires de Charette.

Imaginaires… mais réelles.

— Les mémoires imaginaires : cela veut dire que si Charette avait eu à écrire sa vie, il l’aurait écrite comme cela. Je connais assez Charette maintenant – j’ai lu toutes ses lettres, je connais son style, je connais tous les chemins creux où il est allé, je sais au mètre carré près où il a été blessé – pour pouvoir l’affirmer. Charette, c’est toute mon enfance. Et pour moi, ce livre est un hommage. Depuis toujours, je voulais rendre cet hommage. Et donc je suis heureux de l’avoir fait. Et je me suis appliqué… et nous avons souvent dialogué. C’est-à-dire que souvent, je me suis dit : « Là, est-ce que c’est moi, ou lui ? Il faut ce que soit lui. Il ne faut pas que ce soit moi. » J’essaye de ne jamais, jamais, jamais, imposer l’auteur au héros du livre. Rien de ce que j’ai écrit ne s’éloigne de ce qu’il aurait pu écrire. Même quand je parle des tout petits détails, la pierre de Logona, la pierre de Kersauton… Et je suis allé des heures et des heures sur les lieux où il a vécu, et je me suis laissé imprégner. Quand j’écris pour le Puy du Fou – en ce moment j’écris un spectacle sur le séjour de François Ier au Puy du Fou – j’emmagasine, j’emmagasine, j’emmagasine… Cela fait trois mois, j’y travaille à temps plein… Je ne suis pas un professionnel de l’écriture, et encore moins de l’histoire, j’ai besoin de beaucoup travailler pour compenser. Mais comme j’aime bien scénariser, lorsque je suis complètement imprégné de mon sujet, la plume part toute seule.
Ce livre est un hommage à la grandeur, au panache, à l’élégance française, incarnés par cet homme, et donc, je l’ai écrit avec une plume de feu. Et j’ajoute une chose : je termine rarement les livres que je lis. Parce que je m’ennuie. Je veux que les gens comme moi terminent ce livre. Et qu’il leur brûle les mains. J’ai énormément coupé, raboté… Par exemple, il y a une scène que j’ai écrite, et qui finalement n’est pas mon livre : c’est toute la scène où Charette met la main sur un espion anglais à Brest, une scène fantastique !

Elle est fantastique, et elle n’est pas dans le livre…

— Non !

Parce que vous faites un scénario.

— Parce qu’il faut couper !

Alors, si vous avez supprimé ce qui était fantastique, que reste-t-il ? Le plus que fantastique ?

— Non ! C’est simplement que l’éditeur trouvait que c’était trop long. Il avait raison.

Votre livre est pourtant difficile à poser… Mais il y a un personnage qui s’évapore, c’est Angélique, la femme de Charette.

— Oui. Elle le mérite. Angélique enlève Charette à sa fille, qu’il voulait épouser. Quand on fait une chose pareille, il faut le mériter après. Et on ne retrouve quasiment plus sa trace. Elle est à Nantes, couverte de beaux-frères, de son premier mariage, qui donnent dans les idées nouvelles.

Les femmes, les Amazones jouent un grand rôle dans la vie « vendéenne » de Charette. Vous n’évoquez pas d’amours… Et votre livre peut être mis entre toutes les mains.

— Je n’ai pas évoqué d’amours parce que je n’en ai trouvé aucune trace, et même plutôt le contraire. Pourquoi ces femmes ? Parce que Charette leur fait davantage confiance qu’aux hommes : à leur fidélité, à leur courage. Ainsi Marie Lourdais, qu’il envoie à Nantes chercher les journaux : cela lui permettra d’être au courant de tout, et notamment des massacres… D’ailleurs ce sont les femmes qui restent jusqu’au bout ; les hommes partent.

Parce que ce n’est pas une guerre de conquête, mais un combat pour défendre ce qu’il y a de plus essentiel ?

— Oui, la petite demeure invisible…

Charette était au courant des massacres, mais évidemment on ne parlait pas de génocide. Vous évoquez pourtant cette réalité dans la dernière partie de votre livre.

— Je n’ai pas grand mérite, parce que Reynald Secher a fait le travail depuis longtemps. Pendant des décennies et des décennies, on a dit l’horreur des colonnes infernales. Mais on n’a pas, peut-être parce que manquait la sémantique, dit ce qui s’est passé, ce que Gracchus Babeuf avait pourtant nommé : un populicide. J’ai écrit la manière dont la Vendée a été terrorisée, torturée, piétinée, martyrisée, éradiquée. Victime d’un crime contre l’humanité. Si l’on ne veut pas faire d’anachronisme, il ne faut pas utiliser le mot génocide, nous dit-on. Dans ce cas-là, il y a un autre mot, c’est populicide. Moi, ça me va très bien…

Le livre de Reynald Secher, Du génocide au populicide, est un livre savant, ardu. Il fallait le traduire en images. C’est ce que vous avez fait.

— Oui. Mais n’empêche que celui qui a ouvert la voie, c’est Reynald Secher, il y a trente ans, avec Le génocide franco-français. C’est lui le premier qui a osé caractériser tout cela avec une sémantique. Je lui donne un visage.

Le roman de Charette, Philippe de Villiers, Albin Michel, 480 pages, 22 euros