La vertu du vrai mariage

Réflexion de Jacques Trémolet de Villers

Nouvelles de la France qui vient

Jacques Trémolet de Villers


Le propre des périodes de décadence, on le sait, c’est l’extrême confusion. Comme dans la chanson de Brel « plus rien ne ressemblait à rien ». Ainsi le mariage, institution ridiculisée, voire honnie par tout ce que l’intelligence auto-proclamée compte d’esprits qui se disent avancés, revient en force, mobilise toutes les chaînes de télévision françaises, européennes, voire mondiales, mais c’est pour célébrer le mariage de deux hommes.

Montpellier (mons puellarum… le mont des jeunes filles) la ville où s’élaboraient à l’époque médiévale la médecine et le droit, où Louis le Quatorzième édifia un arc de triomphe ouvrant les jardins du Peyrou, où Frédéric Mistral, devant une foule autrement nombreuse et plus civilisée, déclama, pour la première fois, la magnifique « Ode à la race latine » : « raço latino, en remembranço, Du toun destin sempre courous… » (race latine, en souvenance de ton destin toujours courageux, redresse-toi vers l’espérance/et fraternise sous la Croix…). Montpellier donc, revient dans l’actualité, et selon son maire, entre dans l’histoire avec le premier mariage homosexuel.

A Paris, un million de Français ont marché contre ce « mariage » contre-nature, revivifiant de façon étonnante, un mariage civil bien tombé en désuétude. Que reste-t-il de ces événements confus et contrastés ? Une évidence, qui place le mariage au centre des préoccupations et rappelle à tous qu’il est la véritable institution sociale.

C’est difficile à avaler, pour beaucoup, à cause de leur situation personnelle qui les paralyse, mais c’est ainsi « De la forme donnée à la société découle le bien ou le mal des âmes » disait Pie XII. La première forme donnée à la société est le mariage. « Dis-moi comment tu te maries, je te dirais qui tu es… ». Personnellement, humainement, socialement, économiquement, et donc politiquement, le mariage est la grande affaire.

Et la seule institution au monde qui, dans l’histoire, ait promu, élevé et défendu le mariage, c’est l’Église catholique, Apostolique et Romaine.

Toutes les autres religions, sans parler des philosophies ou des systèmes de droit, ont erré sur le mariage. Incertitude des définitions, médiocrité des sentiments, méconnaissance de la nature profonde… Il n’est pas jusqu’à la loi de Moïse (pourtant, ce n’est pas rien que la loi de Moïse) qui ait été obligée de méconnaître la haute noblesse du mariage en permettant sa dissolution « à cause de l’endurcissement de nos cœurs ».

Seul Dieu, lui-même, en la personne de son Fils, est venu rappeler « qu’au commencement, il n’en était pas ainsi » et, replaçant l’amour humain dans la beauté de ce commencement en a fait, par le mariage, une chose sacrée donnant aux époux la grâce d’être l’un pour l’autre et les deux ensemble, instruments conscients de la divinité, ministres de leur propre sacrement, accomplissant en vérité la fausse promesse de Satan, ridiculisant le diable en nous disant non pas « vous serez comme des dieux », mais bien « vous êtes comme des dieux ».

Le diable ne supporte pas le mariage. N’ayant pas réussi à le détruire, il le salit et, via Taubira, il pense le pervertir par la loi des hommes. Mais il ne parvient, comme toujours, qu’à l’inverse de ce qu’il cherchait. Par lui « ce diable qui, toujours, porte sa pierre » (ainsi dit un dicton, de langue d’oc, à Mount-Pelié) le mariage est hissé à la hauteur où nous avions oublié de le placer, la première.

Nous récitions, parfois comme des perroquets, qu’il fallait bâtir « la civilisation de l’amour », mais cette civilisation, pour se construire, veut un socle, une base immuable, universelle, accessible à tous, une et pourtant multiple. Cette merveille, incroyable, cette pierre philosophale qui change la boue en or, c’est le mariage.

Voie commune, dit l’Eglise, par rapport aux voies plus hautes, comme l’ordination sacerdotale, la vocation religieuse, le célibat consacré mais, par un paradoxe auquel l’Evangile nous a habitués, cette voie commune, ce chemin de l’ordinaire, est aussi une voie royale.

Ce que les mécaniciens de l’esprit et du corps appellent instinct sexuel, instinct de reproduction, désir animal, devient ici famille, procréation, collaboration au plan divin. L’œuvre de chair se fait œuvre de Dieu – opus Dei – et comme le disait, paraphrasant Shakespeare, mon maître et ami Jean Ousset, « Il y a plus dans le baiser des amants de la terre, pour peu qu’ils soient sincèrement épris, que dans tous les systèmes de philosophie. »

Ce que les philosophes appellent instinct social, animal social, besoin de l’autre, exploitation de l’homme par l’homme, devient sociabilité de jour et de nuit. La nécessité de vivre ensemble devient plaisir de se sentir unis… la lutte contre le froid devient chaleur du foyer et l’entrée sous le toit ouvre la porte d’une maison. Ce que les économistes enseignent doctoralement comme la science de la production et de la distribution des richesses commence ici, dans la maison : économie, oikos nomos, la loi de la maison.

C’est, rappelait Jacques Bainville, « l’honorable maison capétienne » qui a fait, au fil des siècles et de combien de mariages, plus importants encore que le fil de l’épée, ce qui s’appelle encore la France. Fallait-il Hollande et Taubira pour que nous prenions conscience, jusqu’au fond de notre être, de la place fondamentale du mariage en matière sociale, économique et politique ?

Amour humain, amour divin… amour du prochain, amour de la patrie, amour de Dieu, amour de la France, tout y est lié. Nous ne bâtirons pas autrement que nos aïeux, il y a plus de mille ans, ont bâti la maison. La France qui vient, je l’ai vue de mes yeux, comme nous tous, dans les rues de Paris. C’est la France des familles qui savent, maintenant, pour se l’être dit entr’elles et avoir marché ensemble, sur le pavé de notre ville-capitale - « La ville démocrate et pourtant feudataire » - que c’est chacune d’elles, pour sa part, en même temps que toutes ensemble, qui font « la Famille de France ».

JACQUES TREMOLET DE VILLERS

"Présent" - n° 7866 du 5 juin 2013