Denis Tillinac : "Chrétiens, réveillez-vous !"

Valeurs actuelles, 3 novembre 2016

20161103DenisTillinac.jpgNous pouvons proclamer nos" racines chrétiennes" en vain, s'il n'y a pas de renouveau de la foi dans une frange significative du peuple français.

Plusieurs millions de nos compatriotes sont musulmans, ou répertoriés comme tels, mais l'islam n'a pas de racines dans notre culture, pas de résonance dans notre imaginaire. Nos racines sont gréco-latines et judéo-chrétiennes. Nos gouvernants ont occulté cette évidence en refusant de l'inscrire dans le préambule des textes institutionnels encadrant leur construction européenne. Ils se sont abrités frileusement derrière le principe de laïcité, qui n'est plus l'apanage des peuples européens et donc ne saurait définir leur identité. Résultat: l'Europe des Vingt-Huit n'a pas d'identité. À supposer qu'elle soit acculée à s'opposer frontalement à l'islam, elle sera totalement désarmée car, face à des djihadistes résolus au sacrifice suprême, aucun cœur vaillant ne donnera sa vie pour sauver le barnum bruxellois et sa laïcité. En effet, les tentatives récurrentes depuis les attentats terroristes d'ériger la laïcité en une religion tournent au fiasco: il y a loin d'un principe à une religion.
Mais oublions l'Europe, qui ne sera jamais une patrie susceptible d'être défendue. Notre patrie s'appelle la France et sa personnalité à facettes multiples s'est forgée au sein du catholicisme romain. Là sont ses racines, de plus en plus explicitement revendiquées par les Français "ordinaires", comme dirait Hollande, dont les amis politiques n'ont aucune sympathie pour la haute mémoire de notre pays. Tant pis pour eux. Les clochers de nos églises, les flèches de nos cathédrales, les innombrables calvaires, chapelles, sanctuaires et noms de lieu composent un paysage intérieur que l'on semble redécouvrir. C'est mieux que rien.

Cependant, quand tel intervenant dans le débat public proclame haut et fort que nous sommes en terre de chrétienté et non d'islam, et qu'il importe de renouer avec nos ancrages j'ai envie de lui demander depuis quand il n'a pas assisté à une messe dominicale. Soyons lucides: est-ce la faute des Français musulmans si nos églises se vident et si se raréfient les vocations sacerdotales ? Entre 3 et 5% de Français sont considérés comme des cathos pratiquants. C'est trop peu pour que nos gouvernants se croient tenus de prendre les fidèles et le clergé en considération.

Si nous étions plus nombreux, la donne psychologique changerait du tout au tout et plus personne n'aurait peur de l'islam. Les racines sont là, grâce au ciel! Mais leur vocation est de donner des arbres, des feuilles, des fleurs, des fruits. Sinon elles risquent de devenir des rhizomes, et les cathos d'être perçus comme les ultimes sectateurs d'un culte frappé de désuétude. Que le défi lancé par la présence sur notre sol de musulmans nombreux, souvent revendicatifs et parfois franchement agressifs, n'ait pas suscité une relance de la ferveur chrétienne ne laisse pas d'étonner. Les "manifs pour tous" ont révélé une France des profondeurs attachée à la religion de nos pères et l'activisme des Veilleurs a levé une espérance dans la jeunesse. Honneur à ces résistants! Pour autant, la culture catholique élémentaire ne cesse de passer à pertes et profits, les aspirations spirituelles de s'égarer dans le new age, le zen et autres bimbeloteries exotiques.

Or un renouveau de la foi dans une frange significative du peuple français lui permettrait d'affronter l'avenir sans l'angoisse qui le tétanise. Je sais bien, hélas, cela ne se décrète pas. Reste qu'invoquer nos "racines chrétiennes" et continuer de boboïser dans le confort fallacieux d'un scepticisme vaguement compassionnel n'a pas beaucoup de sens. C'est dans l'Orient proche, moyen ou extrême, que les chrétiens vont à la messe le dimanche, et Dieu sait qu'ils le payent cher en monnaie de sang et de larmes.