Pèlerinage 2018 : sermon de la messe d'action de grâce

Sermon prononcé par l'abbé Garnier, aumônier du pèlerinage, lors de la messe d'action de grâce en l'église Sainte Odile le 31 mai 2018.

NDC2018-abbe-garnier2.jpgChers amis pèlerins,

L'année liturgique est centrée sur le Christ, en particulier sur l'Eucharistie. Elle est source et sommet de la vie de l'Eglise.
Source et sommet aussi de notre vie intérieure.
Tous les autres sacrements lui sont ordonnés.

Mais certaines fêtes accentuent et redisent plus fortement ce message.
Le Jeudi Saint accentue le sacrifice eucharistique; mémorial de la Passion, la Messe renouvelle le sacrifice de la Croix, avec le même prêtre principal, et la même victime sainte. Elle diffère dans la manière d'offrir et les effets. Le spectacle des nombreuses messes basses célébrées chaque matin de pèlerinage, celui des grand'messes pour les pèlerins souligne fortement cette vérité pour nous.
La Fête Dieu apporte un deuxième accent, elle comble un manque exprimé par Notre Seigneur à Ste Julienne; une fête publique de la Présence Réelle, de la jonction de l'âme et de Dieu dans la communion, du culte d'adoration envers Jésus Hostie. Voyez ce Gethsemani au soir de Pentecôte... ces pèlerins prosternés le dimanche soir, enfants d'abord, adultes ensuite… aimantés par la présence aimante, ils rassemblent en ultime hommage d'adoration courbatures et fatigues de fin de journée... Veilleurs perdus dans l'obscurité, pauvres sentinelles enveloppées de silence au-dedans et au-dehors, ils sont lampes ardentes et vivantes d'adoration.

L'Eucharistie nous provoque à l'émerveillement. Quel ami, quelle aumône (1) !
Réalité substantielle, elle contient le Christ lui-même passé par la mort – l'Agneau de Dieu immolé, figuré par le sacrifice d'expiation de l'agneau pascal.
Sacrement nourrissant et efficace, étonnant aliment spirituel, elle est préfigurée par la manne qui nourrit en s'adaptant à la faim et au goût de chacun. « Mannu » - « Qu'est-ce que c'est ? » Dans la foi, notre étonnement rejoint celui des hébreux devant la nourriture corporelle donnée miraculeusement dans les terres stériles du désert. « Frumenti adipe cibavit et satiavit,... il a nourri, rassasié et comblé de la fine fleur de froment (2) ». Quelle aumône !
Elle ne contient pas seulement la grâce sanctifiante et les secours dont nous avons besoin, mais l'Auteur, la Source même de la grâce. La foi nous donne la certitude de cette présence de Dieu, sans éteindre l'émerveillement. Quel ami!
Oui... car si l'hospitalité sacrée de l'ami, le repas pris ensemble sont un lieu et un moyen de communion d'esprit et de cœur – combien plus l'hospitalité de Dieu au désert ! Mais combien plus encore l'hospitalité eucharistique de Dieu dans son Eglise au fil des temps et des lieux !
Ce n'est plus seulement la nourriture de Dieu, mais Dieu qui se donne en nourriture.
Ce n'est plus seulement faim corporelle, mais faim spirituelle. Dieu l'allume, il la comble, il l'augmente.
L'assimilation de l'aliment augmente et fortifie notre être et notre vie.
La communion eucharistique augmente et fortifie en nous l'être et la vie surnaturelle.

L'Eucharistie, bien commun de l'Eglise.
« J'ai reçu du Seigneur ce qu'à mon tour je vous ai transmis (3) ».
« La sanctification de l'homme relève de Dieu, qui seul a le pouvoir de sanctifier. Voilà pourquoi il n'appartient pas à l'homme de fixer à son choix les éléments par lesquels il pourra être sanctifié. Ils sont déterminés par institution divine (4) ».
Nous recevons donc de l'Eglise et dans l'Eglise ce sacrifice et sacrement de l'Eucharistie. C'est à elle en effet que le Christ confie ce trésor. Ce n'est pas notre fabrication, notre invention. Nous en sommes, de manière différenciée, bénéficiaires, dépositaires, gardiens transmetteurs. Il en va de même de l'ordonnance de la liturgie, écrin de la Messe, du culte eucharistique.

Cette transmission eucharistique est d'abord réiteration; celle du sacrifice renouvelé quotidiennement jusqu'au terme de l'histoire. « Faites ceci, chaque fois que vous le ferez ».
Elle est permanence ; celle de la Présence Réelle. « Ceci est mon corps, ceci est mon sang .. Ainsi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde».
Elle est enfin communion, ou pourrait-on dire, immersion, fusion. « Communion... où Dieu lui-même est reçu (5) » - « Celui qui communie se perd en Dieu comme une goutte d’eau dans l’océan (6) » - « Dieu et l’âme sont comme deux morceaux de cire fondus ensemble, qu’on ne peut plus séparer (7) ».

Et puis il y a la transmission de la foi eucharistique.
C'est un marqueur, un curseur déterminant de l'âme catholique, de la pleine unité de foi avec l'Eglise. Notre Seigneur, si pédagogue, si patient, si nuancé dans son enseignement de verité, parle ici sans ambage, clairement, nettement. Il insiste à temps et à contretemps. Il affirme malgré l'incompréhension, puis le refus et l'éloignement d'une part de l'auditoire. « Travaillez pour une nourriture, non celle qui passe mais celle qui demeure pour la vie éternelle. Je suis le pain vivant descendu du ciel. Le pain que je donnerai, c'est mon corps pour la vie du monde. Ma chair est vraiment une nourriture, mon sang est vraiment un breuvage. Le Père qui m'a envoyé est vivant. Je vis par le Père. Quiconque me mange vivra par moi ».

Chers amis, que ce sacrement de l'Eucharistie réalise toujours plus en nous l'unité d'âme avec le Christ lui-même, et aussi avec notre prochain. Et cela par le lien de la charité théologale puisée dans la communion. Que ce « pain des anges devenu nourriture des pèlerins et voyageurs » soit toujours notre joie, notre lumière, notre force, en attendant d'aller, contempler Jésus au ciel, au terme, non plus voilé mais face à face,
Amen !

(1) Bx Charles de Jésus.
(2) Idem, 5° antienne de vêpres. Cf aussi Missel Romain, même fête, Introït.
(3) 1Co 11, 23 et 15, 3.
(4) Somme théologique, IIIa, qu 60, a5.
(5) Bréviaire Romain, idem, antienne des Matines.
(6) Pensées du saint Curé d'Ars.
(7) Idem.


Méditation devant le Saint Sacrement.


Seigneur Jésus, nous croyons et nous adorons votre présence vraie, réelle, substantielle. « Je suis ». C'est votre divin Nom, et c'est encore celui que vous nous dites ici.
Nous vous regardons dans les bras de Saint Joseph. Après le sein très pur et les mains de la Vierge Marie, c'est votre premier ostensoir. Vous n'y êtes pas prisonnier ou diminué. Mais présent tout entier, protégé, donné, comme « condensé ».
nous Vous regardons dans l'Eucharistie. Vous êtes là, non pas rétréci, mais présent et débordant.
Nous vous recevons et possédons « tout autant et pas moins (8) » que la Vierge Marie, Saint Joseph, les mages et les bergers, les apôtres, saintes femmes et pauvres de l'Evangile.
Voyez nos cœurs tantôt comblés de joie, tantôt déchirés d'épreuves. Ce visage intérieur est votre secret et le nôtre. Voyez nos âmes lourdes de poids ; poids de peine ou de souffrance, rejoignant celles de l'Eglise et de notre pays. Poids de grâce, de joie spirituelle, de paix, vraies celles-là, et que vous seul savez donner ou rendre.
Seigneur, que notre émerveillement dans la foi rejoigne et dépasse celui de vos enfants d'hier au désert.

« Seigneur Jésus, donnez nous, non l'orgueil de la suffisance, mais la simplicité du petit enfant, pour vous dire comme St Thomas ; Mon Seigneur et mon Dieu.
Parce que vous nous avez aimé, nous sommes devenus capables de vous aimer, et d'aimer les autres.
Prenez notre adoration en réparation de tout ce mal, ce mal qui nous stupéfait.
Nous voulons avoir cet esprit d'enfance, apprenez nous à le découvrir, à le laisser grandir.
Nous rendons grâce pour tant d'années de pèlerinage, tant de grâce, tant de conversions, tant d'amitié chrétienne et française, tant de rencontres merveilleuses.
Nous rendons grâce surtout parce que nous ne sommes rien, que vous êtes tout, et que c'est en connaissant notre humaine faiblesse que nous découvrirons l'honneur que vous nous faites d'être avec nous (9) ».

(8) Bx Charles de Jésus, méditations devant le St Sacrement.
(9) Abbé Denis Coëffet, méditation au salut du St Sacrement, Gas, pèlerinage 2014.