Troisième partie de l'Université d'Automne 2018 - Conférence de Bruno de St Chamas, Président d'Ichtus

La politique

Quelle est la source du droit ? Benoît XVI nous dit dans son discours au Bunderstag le 22 septembre 2013 : « « Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’État et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit ».

Il n’y a pas de charia catholique : le règne du Christ-Roi n’est pas un enseignement de l’Eglise qui nous a inventé ce qu’il fallait faire. Pour fonder le droit, l’Eglise en a toujours appelé à la nature et à la raison. On comprend mieux pourquoi les gens que l’on a en face de nous tiennent à ce point à ce que ce soit nos émotions et notre affectivité qui nous gouvernent.

 Jean-Jacques Rousseau disait « ce que je sens être bien est bien, ce que je sens être mal est mal ». Il a ainsi fait croire que la grandeur de l’homme était d’agir comme un animal soumis à ses émotions. Or nous devons agir en politique en fonction de la nature et de la raison. Aujourd’hui certains sont contre la nature et contre la raison, pour le primat de l’émotion et de l’affectivité.

Autre fondamental pour le fondement de la vie en société : lorsque nous sommes en société, il ya deux rois, deux personnes dont la dignité est à l’image de celle de Dieu, qui discutent ensemble, qui ont besoin l’un de l’autre…. comment va être possible la coopération, la relation entre deux rois, entre deux hommes qui se gouvernent ? Aristote, Saint Thomas, Jean-Paul II ont repris le même enseignement en disant que la qualité de la relation entre deux personnes dépend des biens qui relient les deux personnes. Il existe deux types de biens pour lesquels la recherche de l’intérêt prime : le bien agréable, bonum delectabile et le bien utile ;  le moteur de ces biens est en général l’eros, amour de possession. La grandeur de l’homme fait qu’il est aussi capable de fonder une relation sur des biens honnêtes, des biens justes. Ces biens honnêtes et justes ont souvent été éliminés de la politique qui se réduit à l’optimisation de l’utile et de l’agréable pour le plus grand nombre d’électeurs et de consommateurs : c’est l’utilitarisme.

Un homme qui n’a pas que des passions de possession, qui est capable de grandeur, de vouloir le bien des autres… est capable d’amitié, fondement de la vie politique. L’Histoire de l’humanité n’est pas celle de la lutte des classes. Comme le dit Jean-Paul II, toute l’histoire de l’humanité est l’histoire du besoin d’aimer et d’être aimé. Les pèlerins de Chartres ne sont pas mus par l’intérêt, l’utile, l’agréable, ils cherchent un bien plus grand qu’ils vont partager, qui va se multiplier contrairement à l’utile et l’agréable, qui, une fois partagés, fait qu’on en a moins. Dans notre monde matérialiste qui a réduit la politique à l’enjeu de l’utile et de l’agréable, le fondement de la vision politique est la lutte ; l’homme est un loup pour l’homme, l’important est d’être le plus fort. La vision chrétienne de la politique est celle de la justice, du bien commun qui va passer, pour l’accomplissement de la personne humaine, par le don de soi. L’homme est capable de se donner, c’est la réalité anthropologique fondamentale ; l’Evangile nous rappelle qu’il fait s’aimer et aimer les autres comme Dieu nous aime. Or Dieu ne nous aime pas seulement pour l’utile et l’agréable, il nous donne le seul bien qui puisse répondre à notre vocation.

L’autorité, être un chef, gouverner, être passeur, leader d’hommes : la marque chrétienne est celle du service (lorsque Jésus lave les pieds, il dit « ne m’appelez plus maître, mais ami »). Ce qui fonde notre relation au Christ, c’est une amitié :  le bonheur de l’homme est l’intimité avec le Christ, le moteur de toutes nos actions est la recherche de cette intimité avec le Christ. Le chef se met à genoux pour laver les pieds des gens de son équipe pour que ça marche : voilà la grandeur de l’autorité et du chef dans une vision chrétienne. Le mauvais chef, c’est Pilate ; il sait le bien et le mal avec son intelligence, il a une conscience qui luit dit ce qui est juste, il agit en fonction de la foule, instrumentalise le Christ, en fait un argument politique, il se lave les mains du sort de l’homme. Le bon chef lave les pieds, le mauvais chef s’en lave les mains.

Lorsque Saint Louis va donner à manger aux pauvres et visiter les lépreux, Joinville raconte qu’il avait décidé de vouvoyer ses sujets : le vouvoiement en France nous vient de Saint Louis, pour bien marquer qu’ils n’étaient pas des objets, des instruments de son pouvoir, mais des sujets, des personnes, à l’image de Dieu « en eux, Jésus a fait sa demeure ».

Jean-Paul II a réussi à retourner par son enseignement une situation politique que l’on croyait irréversible : c’est la libération de la Pologne via des pèlerinages qui a permis la diffusion de l’enseignement de Jean-Paul II. La mobilisation commence là, comme à Chartres.