Prière du Soir : Bivouac de Choisel

Un soir à Port Etienne, ou Villa Cisneros...

Nous sommes près du Ras Nouadhibou, ou Cap blanc, sur la côte de Mauritanie, en Afrique.

Nous sommes au début du 20° siècle, au temps des colonies.

La France étend alors au-delà des mers sa technique, son progrès. Mais aussi l'esprit des Lumières. Une certaine fierté d'homme sans Dieu.

Un officier français et un maure contemplent un symbole de progrès et de fierté française de l'époque ; le poste de télégraphe sans fil récemment installé.

Sous le ciel immense, dans le soir qui descend, ils écoutent en silence le moteur qui ronfle puissamment ; puis l'officier dit simplement ;

« Tu vois, les maures sont fous de vouloir résister à des gens aussi riches et aussi puissants que les français.

  • Oui, répond le soldat de l'Adrar... Puis après un silence ; vous, les français, vous avez le royaume de la terre, mais nous nous avons le royaume du ciel. »

 

Cet officier, c'était Ernest Psichari, qui devait plus tard revenir au Christ.

En attendant, pour lui le choc était rude, reçu en plein cœur.

 

Le poète sacré a chanté pour nous cette prière du soir ;

« Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains,

La lune et les étoiles que vous avez créées, alors je me dis: 

4Qu'est-ce que l'homme, pour que vous vous souveniez de lui?

Et le fils de l'homme, pour que vous preniez garde à lui? 

5 Vous l'avez fait de peu inférieur à Dieu,

Et vous l'avez couronné de gloire et de magnificence.…  » (Ps 8).

 

 Seigneur, vous avez fait l'homme roi de votre création visible, mais c'était un roi intendant. Tout lui était soumis, mais lui-même devait rester soumis à Dieu.

Seigneur, vous avez disposé pour lui le royaume de la terre, votre création. Mais vous l'avez fait pour le royaume du ciel, et la terre ne devait être pour lui que l'escabeau du ciel.

 Seigneur, voici revenir vers vous ces rois déchus, ces intendants trop souvent malhonnêtes que nous sommes, ces serviteurs qui voudraient cependant être fidèles.

 Nous voici déjà un peu usés par cette première journée de marche, sous le grand manteau de votre nuit.

 Votre nature épurée, vêtue de silence et de recueillement, est le grand cloître qui nous rassemble.

Les cieux immenses sous lesquels nous avons marché nous ont dégagé un espace favorable ; maintenant nos cœurs sont humbles, nos pensées sont hautes, près de vous.

 

La lumière douce de ce feu qui décline dévoile à nos yeux les complaisances mondaines, les lâchetés, les expédients qui ont tant fait souffrir votre Fils à Gethsemani. Un soir comme celui-ci, le Roi des rois a pleuré les infidélités de son Eglise, de notre pays, de nos cœurs. Mais ce même soir, le Roi des rois a aussi été réconforté et consolé, lorsque l'ange lui a présenté nos humbles fidélités et nos actes d'amour, de repentir, nos prières, nos sacrifices, nos pénitences, avec les prières et les mérites des saints.

Seigneur, que l'Ange de Gethsemani vous porte en cet instant notre ultime prière de ce jour, avant d'aller dormir sous les étoiles. Nous voici bientôt à genoux, la position normale de la créature qui veut se tenir devant son Créateur.

 

O Christ, tout est à nous comme intendants et gardiens.

Mais nous sommes à vous, et vous êtes à Dieu.

 

Nous voulons donner une dernière fois à votre Création muette une voix ;

la voix du regret,

la voix de la gratitude,

la voix de la louange et de l'adoration

la voix enfin de la confiance en vous.

 

Seigneur, pardon, merci, Alleluia et Fiat.

 

Avant d'aller dormir sous les étoiles...