1ère méditation sur la primauté du bien commun : Frédéric Ozanam

Chers pèlerins, savez-vous que le bienheureux Frédéric Ozanam est le fondateur de la Société de Saint-Vincent de- Paul? Et que cette société présente sur les 5 continents compte

aujourd’hui 800 000 bénévoles ? Frédéric Ozanam n’a pas seulement été au service des plus pauvres, il s’est aussi battu pour défendre ses convictions catholiques au service de la Cité. Le Pape Jean Paul II l’a proclamé bienheureux le 22 août 1997 et a déclaré alors : « On peut voir en Frédéric Ozanam un précurseur de la doctrine sociale de l’Église, que le pape Léon XIII développera quelques années plus tard dans l’encyclique Rerum Novarum. »

Une enfance marquée par la souffrance

Frédéric Ozanam naît le 23 avril 1813 à Milan, cinquième d’une famille nombreuse. Son enfance est marquée par la mort de onze de ses quatorze frères et soeurs. Le chagrin de ses parents marquera fortement sa sensibilité, en le rendant particulièrement attentif à la vie et aux douleurs de ses semblables. Il fonde, le 23 avril 1833, une « Société de charité » dont les

membres rendent visite à domicile à des familles pauvres et établissent ainsi une relation directe avec ceux qui souffrent. Il a alors tout juste 20 ans.

Cette société deviendra, en 1835, la Société de Saint-Vincent-de-Paul. En juin 1841, Frédéric se marie avec Amélie Soulacroix. De leur union naîtra « petite Marie » en août 1845. Malgré leur désir, ce sera leur seul enfant. Le couple Ozanam est rayonnant d’amour, et le restera jusqu’au bout.

La sensibilité et le charisme de Frédéric impressionneront beaucoup ses contemporains. Toute sa vie, familiale, professionnelle et civique, sera tournée vers le profond désir de se mettre au service de la vérité et « d’enserrer le monde d’un réseau de charité ».

Mort à 40 ans, il laisse une oeuvre qu’il considérait comme inachevée et qui, pourtant, correspond en plénitude au désir qu’il exprimait à 18 ans, « prouver la vérité du christianisme par la beauté » de ses réalisations temporelles.

Un fervent catholique qui s’affirme comme tel

Connu surtout pour ses initiatives de charité matérielle, Ozanam a eu aussi un apostolat intellectuel souvent méconnu. Or, à la Faculté de droit de Lyon, puis en Sorbonne à Paris, et jusque dans les Confréries Saint-Vincent-de-Paul, ce qui hante Fréderic Ozanam c’est de faire voir et aimer cette alliance de la Foi et de la Raison qui est comme l’essence du christianisme.

La Raison conduit à la Foi et la Foi accomplit la Raison. Dans ce combat intellectuel mené dans une Sorbonne acquise au laïcisme, au scientisme, et à toutes les folies dites modernes, Ozanam conduit son engagement comme une véritable reconquête. Les idées qu’on oppose alors à l’Église – la liberté, le progrès, la science, la raison, l’histoire – sont, en fait, des biens de l’Église. C’est l’Église qui les a enseignées, et hors de l’Église elles deviennent folles. Mais le pire, pour lui, est dans l’ignorance des chrétiens, et surtout des étudiants chrétiens, à l’égard de l’histoire de l’Église et de la civilisation. C’est donc un enseignement qu’il veut donner.

Rappeler l’enseignement de l’Église sans négliger l’Histoire

Cette volonté, il l’exprimait ainsi : « La Providence, par des moyens imprévus et dont j’admire maintenant l’économie, a tout disposé pour m’arracher aux affaires et m’attacher au travail d’esprit. Le concours des circonstances m’a fait étudier surtout la religion, le droit et les lettres, c’est-à-dire les trois choses les plus nécessaires à mon dessein. » « Car pendant que les catholiques s’arrêtaient à la défense de la doctrine, les incroyants s’emparaient de l’histoire. Ils mettaient la main sur le Moyen-Âge, ils jugeaient l’Église quelquefois avec inimitié, quelquefois avec les respects dus à une grande ruine, souvent avec une légèreté qu’ils n’auraient pas portée dans des sujets profanes. Il faut reconquérir ce domaine qui est à nous... »

« Je veux montrer le bienfait christianisme dans ces siècles même dont on lui impute les malheurs. »

Ce regard sur l’histoire lui faisait enseigner des vérités qui sonnent aujourd’hui, pour nous, de façon très forte et très actuelle. « Il faut voir le mal, le voir tel qu’il fut, c’est-à-dire formidable, précisément afin de mieux connaître les services de l’Église dont la gloire, dans ces siècles mal étudiés, n’est pas d’avoir régné, mais d’avoir combattu. »

« J’apprends à ne pas désespérer de mon siècle en voyant quels périls a traversés cette société chrétienne dont nous sommes des disciples, dont nous saurons au besoin être les soldats. Je ne ferme point les yeux sur les orages du temps présent ; je sais que j’y peux périr, et avec moi cette oeuvre à laquelle je ne promets pas de durée. »

« J’écris cependant. J’écris comme travaillaient les ouvriers des premiers siècles, qui tournaient les vases d’argile ou de verre pour les besoins journaliers de l’Église et qui, d’un dessin grossier, y figuraient le Bon Pasteur ou la Vierge avec des saints. Ces pauvres gens ne songeaient pas à l’avenir ; cependant quelques débris de leurs vases trouvés dans les cimetières sont venus, quinze cents ans après, rendre témoignage et prouver l’antiquité d’un dogme contesté. »

Accomplir la volonté de la Providence

« Nous sommes tous des serviteurs inutiles mais nous servons un maître souverainement économe, et qui ne laisse rien perdre, pas plus une goutte de nos sueurs qu’une goutte de ses rosées. » Il avait écrit à 20 ans ce texte qui annonçait son acceptation de la mort, à 40 ans :

« Nous ne sommes ici-bas que pour accomplir la volonté de la Providence. Cette volonté s’accomplit chaque jour, et celui qui meurt laissant sa tâche inachevée est aussi avancé aux yeux de la suprême justice que celui qui a le loisir de l’achever tout entière. ».