2ème méditation sur la primauté du bien commun : connaître et agir en vue du bien commun

Amis pèlerins, quel est le terme de notre marche ? C’est la cathédrale de Chartres. Mais ce terme de notre marche nous pose une autre question : quel est le terme de notre vie ? C’est la pleine possession du bien suprême, le Bon Dieu.

Tout le reste doit nous y conduire, nous en rapprocher. Ainsi la recherche de la vérité et l’agir droit doivent nous rapprocher « pas à pas » de ce but ultime. Réfléchissons un peu à partir d’un ancien adage : « Pense clair, marche droit » ! Voyons comment connaître et agir en vue du bien.

Pour être heureux il faut agir en vue du bien

Dans La Vie heureuse, saint Augustin demande : « Suffit-il d’avoir ce que l’on veut pour être heureux ? » Sainte Monique, sa mère lui répond : « Si c’est le bien que l’on veut et que l’on a, on est heureux ; mais si c’est le mal, on a beau l’avoir, on est malheureux. » Dieu a créé l’homme à son image et l’a constitué dans son amitié. Créature spirituelle, l’homme ne peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre soumission à Dieu. C’est ce qu’exprime la défense faite à l’homme de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, « car

le jour où tu en mangeras, tu mourras » (CEC 396).

Dieu veut notre bien. Quel bien ?

Tout amour vrai implique la bienveillance ; vouloir le bien vrai de l’être aimé. Donc quand nous disons que Dieu nous aime, nous disons que Dieu veut notre bien. Or le bien, nous dit Saint Thomas, c’est ce qui convient. Le bien est la recherche d’une conformité de tout ce qui constitue l’action avec la raison. Si quelque chose n’y est pas selon la raison, alors ce n’est pas complètement bon. Le bien c’est l’être comme bon à posséder... comblant... enrichissant. Le mal est une privation de bien. Plus précisément, la privation de perfection requise à l’intégrité de l’être. Ne pas être en bonne santé c’est souffrir d’un manque ou d’un excès. Le moindre petit défaut crée un handicap et nous fait mal. La maladie est un désordre. La maladie rompt l’harmonie d’un fonctionnement où chaque organe est à sa place et joue pleinement son rôle. Qu’un organe soit défaillant et la santé (le bien-être) est ruinée. Le bien de chaque organe est ordonné au bien du corps tout entier.

Par « analogie » (c’est-à-dire par ressemblance), nous pouvons comprendre la santé morale de l’homme. Tout acte humain, au moins pour une part, est bon parce qu’il existe. Ce qui est, est bon, du fait même que cela possède l’existence. L’acte humain va être plus ou moins bon, en tant qu’il est porteur de plus ou moins de bien, d’adéquation à sa nature. Ce qui nous fait souffrir dans le mal subi, c’est le manque de bien. On peut dire, d’une manière qui semble brutale, que le mal n’existe pas, car il n’a pas d’existence. Ce qui existe, c’est la trace qu’il laisse en creux. Ce qui nous fait souffrir, c’est l’absence, le manque de bien là où nous l’attendions

Posséder Dieu

C’est donc Dieu qu’il faut posséder pour être heureux nous dit saint Augustin. Et il précise : « Celui-là possède Dieu qui vit bien… Celui-là possède Dieu qui fait ce que Dieu veut que l’on fasse. » Posséder Dieu, le Souverain Bien, est le seul moyen pour l’homme d’ÊTRE en plénitude car « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, Notre-Seigneur et, par ce moyen, obtenir la béatitude éternelle ». Quand l’homme se détourne de la volonté de Dieu, cette privation du bien voulu par Dieu pour nous, est le mal qui le fait souffrir. Puisque Dieu veut notre bien, puisqu’il nous aime, saint Thomas ira jusqu’à dire : « Nous n’offensons Dieu que dans la mesure où nous agissons contre notre bien. »

À la racine du péché, il y a donc ce refus de Dieu dans son principe et la prétention de l’homme de décider lui-même de ce qui est bien et de ce qui est mal. Croyons-nous vraiment que Dieu veuille notre bien ?

Ordonner tous les biens au bien souverain

Nous agissons en effet en vue de différentes sortes de biens.

Nos actes sont ordonnés à des biens utiles (apprendre, faire vivre sa famille, servir ses clients, diriger une équipe, gagner sa vie…), des biens agréables (jouer, faire du sport, se détendre, savourer un bon vin…) et des biens dits honnêtes auxquels on peut ajouter les biens justes ou nobles (le mariage, l’éducation de ses enfants, rendre service, donner et se donner…).

Tous les biens doivent être ordonnés à la finalité de l’homme. Ce que saint Ignace explique en disant : « Les autres choses qui sont sur la terre sont créées à cause de l’homme et pour l’aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. D’où il suit qu’il doit en faire usage autant qu’elles le conduisent vers sa fin et qu’il doit s’en dégager autant qu’elles l’en détournent. »

L’amour de Dieu se manifeste dans cet ordre inscrit dans la nature-même de l’homme. Cette intelligence du monde ou Loi naturelle est une loi inscrite par Dieu au coeur de l’homme. Elle est accessible à la raison et doit être recherchée avec une conscience droite. La dignité de l’homme est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera.

Nous comprenons mieux alors le catéchisme : le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable envers Dieu et le prochain à cause d’un attachement pervers à certains biens (CEC 1849).

Conséquences pratiques

En venant au monde, l’homme ne dispose pas de tout ce qui est nécessaire au développement de sa vie, corporelle et spirituelle. Il a besoin des autres. (CEC 1936). Chacun est appelé à donner la pleine mesure de ses talents. Ce que l’on a, on le doit. On le doit à Dieu qui est créateur de toutes choses mais on le doit aussi aux autres. Je n’ai pas voulu, dit Jésus à Catherine de Sienne, que chacun possédât tout ce qui lui est nécessaire pour que les hommes aient ainsi l’occasion, par nécessité, de pratiquer la charité les uns envers les autres34. C’est la raison pour laquelle l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même. Nous serons jugés sur le bien que nous n’aurons pas fait. J’avais faim... et tu ne m’as pas donné à manger...

Chacun est donc appelé à exercer ses talents là où il vit dans sa famille, dans son école, dans son travail, dans l’oeuvre où il sert, dans sa commune, dans son pays.

Actions et demandes à Dieu

Pour agir en vue du bien il faut donc demander à Dieu 3 choses : un coeur droit, un agir juste et sa miséricorde.

1. Un coeur droit. C’est la demande de Salomon qui fut comblé de tous les autres dons de Dieu. Il est donc nécessaire de se former et d’avoir un accompagnement spirituel exigeant et bienveillant (qui cherche vraiment notre bien). Ne pas rester seul. Constituer un groupe qui se réunit fréquemment pour connaître et aimer l’intelligence et la volonté de Dieu pour nous et penser son action pour le servir. Jésus-Christ est Seigneur de tout... et de ma propre vie.

Alors, Seigneur que dois-je penser et que dois-je faire ?

2. Un agir juste. Il faut travailler au règne du Christ dans la société et pas seulement dans sa vie spirituelle. Quels sont mes talents ? Je dois rendre grâce pour tant de talents reçus et ne pas les enfouir. Je dois agir pour conformer les lois et les institutions à la volonté de Dieu c’est-à-dire la loi naturelle. Je dois rechercher la justice par l’ordination des biens au souverain bien. Cet engagement pour le règne du Christ passe par le service du bien commun dans la famille, au travail, etc. Seigneur que dois-je penser et que dois-je faire pour votre règne ?

3. Et enfin, la miséricorde. Il faut demander la grâce de Dieu et sa miséricorde. La grâce suffisante nous est promise pour être sauvé. Mais nous sommes pécheurs. Nous avons besoin de la miséricorde de Dieu. Sans Lui nous ne pouvons rien faire.

Seigneur, j’ai péché contre vous.

Ce qui est mal à vos yeux je l’ai fait.

Rendez-moi la grâce d’être sauvé ! (Ps 51)