3ème méditation : travailler pour rendre possible et aisée une vie digne de l'homme et du chrétien

« Créer des conditions sociales capables de rendre à tous possible et aisée une vie digne de l’homme et du chrétien. » Pie XII (discours du 1er juin 1941 – CEC § 1942)

Est-ce bien le moment de parler « politique » ? Nous sommes en pèlerinage, pour prier, pour nous convertir. En fait, en pèlerinage comme ailleurs, l’homme reste un animal politique, un être intelligent vivant en société. C’est « dans notre ADN », si l’on peut dire... Dans notre nature. Cela concerne même notre salut, puisque, comme le disait Charles Péguy, « on ne se sauve pas tout seul, on ne va pas au ciel tout seul, il ne faut pas arriver là-haut tout seul ».

Peut-on parler politique en pèlerinage, comment, pourquoi?

« Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d’unité qui dépasse chacune d’elles. […] Par elle, chaque homme est constitué “héritier”, reçoit des “talents” qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits (cf. Lc 19, 16. 19). À juste titre, chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun. »

L’homme vit dans des sociétés. C’est un peu une réalité en cercles concentriques, si vous voulez : famille - école - travail - relations de voisinage - associations - région - pays. Il fait aussi des lois.

À l’inverse, les sociétés dans lesquels il vit font l’homme. Elles influencent son comportement. Elles le modèlent. Elles sont une aide (ou un frein !) pour que l’homme atteigne sa fin (son but). Le but ultime de l’homme est de louer, honorer, aimer et servir Dieu. Le Pape Pie XII a repris cette vérité de façon particulièrement frappante : « De la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes. » Regardez ces champs de blés aperçus en Beauce. Si leur culture a pour but ultime le blé et la nourriture des hommes, néanmoins la terre féconde et propice en est une condition nécessaire.

Nous le constatons aussi en voyant l’état actuel de notre société. Les « structures de péché », lois, pratiques, poussent souvent au mal et empêchent le bien. La liste est longue : lois contre la vie promulguées sous prétexte d’aide aux cas de détresse... Dénaturation du mariage, devenu « union interchangeable à 2 ou 3 », entre hommes ou entre femmes... Manipulation de l’enfant à naître, conçu artificiellement (PMA)... grandi hors du sein maternel (GPA)... Terrorisme de la finance au motif du « profit à tout prix », y compris au prix de la santé, de l’intégrité physique et morale de nombreux professionnels et de familles. Le légalisme froid accélère cette perte de repères, cet affaiblissement du bon sens moral.

 

Alors que faire ?

Il ne suffit pas d’être lucide là-dessus... Et encore moins de se lamenter.

L’objectif : la chrétienté, c’est « créer les conditions… » Mais il n’y a pas de société parfaite ici-bas. La chrétienté n’est pas un rêve, une utopie, un club de happy few ! Ce n’est pas le Paradis sur terre... C’est un effort humble et sans cesse recommencé. Une action qui réunit tous les hommes de bonne volonté Cet effort n’est pas réservé aux seuls catholiques ou chrétiens. Faisons donc « cause commune » sur ce sujet ! Car tout homme de bonne volonté, ayant le souci du bien commun et poussé par le bon sens, peut rejoindre cette cause. Elle concerne la loi naturelle, inscrite dans le coeur de tout homme.

Retrouver une juste hiérarchie des valeurs

Le Catéchisme nous donne des pistes : retrouver « la juste hiérarchie des valeurs » - ne pas « chosifier les personnes humaines » - favoriser partout l’exercice des vertus. Un terrain d’action concerne le rapport du chrétien à l’argent. Aujourd’hui l’enrichissement est vu comme fin en soi (inversion fin-moyens) par quelques grandes sociétés imposant leur vue aux États-Nations. Alors l’être humain est « reprogrammé » pour devenir un producteur consommateur, une valeur relative. « Moraliser » ce domaine d’activité par une vue juste des biens, de leur valeur, de leur ordre d’importance est un possible terrain d’action.

Retrouver les règles du jeu de la vie en société : Nos sociétés humaines, grandes ou petites, ont des « règles du jeu ». Là encore, les bonnes intentions ne suffisent pas ! Il faut connaître ces règles pour (re)bâtir avec efficacité dans la durée.

Le principe de subsidiarité : la responsabilité d’une action publique, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont concernés. Aux associations éducatives et parentales l’initiative de fonder des écoles pour la transmission du savoir... puisque ce sont leurs enfants qui sont concernés ! En cas de limite de compétence, on passera à l’échelon supérieur. Bel équilibre entre compétence et autorité d’une part, initiatives bienfaisantes d’autre part ! Chacun peut ainsi exercer sa responsabilité, et prendre part au bien commun à son niveau. C’est un principe naturel, de bon sens, mis en valeur par la Doctrine sociale de l’Église, applicable à toute société grande ou petite !

Travailler à remplacer les lois mauvaises

La conversion prioritaire du coeur ne supprime pas l’obligation d’apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent le péché, les assainissements convenables. (CEC 1888) Cette action porte en priorité sur « les points non négociables » (Benoît XVI), fondations d’une société : 1) le respect de la vie de la naissance à la mort naturelle ; 2) la promotion de la structure naturelle de la famille comme union entre un homme et une femme ; 3) le droit des parents d’éduquer leurs enfants.

Nous pouvons et devons tous nous engager

Nous ne sommes pas tous appelés à devenir maire, député, ou patron d’une grande entreprise … Mais nous sommes (ou serons) tous appelés à exercer des responsabilités concrètes... responsabilités familiales, scolaires, professionnelles, associatives et politiques.

Que choisir, que viser ? Ces conditions favorables pour « bien vivre », conformément à la dignité humaine, et faciliter le salut des âmes.

Cela demande 3 qualités : 1) le réalisme : « Dieu demande plus de nous la fidélité aux petites choses qu’Il met en notre pouvoir que l’ardeur aux grandes qui ne dépendent pas de nous. », 2) la conversion personnelle : « Sans moi vous ne pouvez rien faire », dit le Christ (Jean 15, 5). Seule la vie d’amitié et d’union avec Celui qui peut tout inscrira notre action dans la durée 3) le travail et la persévérance : les principes de Doctrine sociale de l’Église

nous donneront alors les directions sûres pour adapter notre action aux réalités changeantes et l’inscrire dans la durée.

C’est la vocation des fidèles laïcs, « appelés par Dieu à travailler comme du dedans à la sanctification du monde... en exerçant leurs propres charges... » Là donc, nous pouvons « chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles mises en ordre selon Dieu