Le loup et l'agneau

« La raison du plus fort est toujours la meilleure », dit le fabuliste. Si La Fontaine revenait aujourd'hui, il constaterait sans doute que la déraison du plus violent l'emporte parfois, au moins à l'échelle de la terre.

Pourquoi ce préambule litteraire ?

 

Une pétition circule en ce moment sur Internet, plaidant la cause du loup. En l'occurence, un loup en liberté en Meurthe et Moselle, qui cause des ravages parmi les troupeaux de la région. Le pétitionnaire écrit, textuellement ; « Qui sommes-nous pour nous arroger le droit de vie et de mort sur un animal ? »

 

Il ne m'appartient pas de donner un avis sur ledit animal. Je suis frappé néanmoins de la coincidence avec la mort de Vincent Lambert, ce matin. Ou devrais-je dire, la mise à mort orchestrée du plus haut de l'échelle des décideurs de notre pays.

 

Un loup est protégé au nom de la biodiversité, un être humain est éliminé au nom du confort de vie et de la dignité humaine.

« Force reste à la loi ? »... Ou bien « Violence persiste et signe entre les mains de l'arbitraire ? »

 

Mourir de faim et de soif...

Pour illustrer cela à nos yeux, un lecteur racontait à un journal sa propre situation au tunnel de Dora sous l'Allemagne nazie. Il avait été contraint de travailler plusieurs jours, privé volontairement d'eau et de nourriture, dans quelles souffrances ! Cette souffrance silencieusement endurée par Vincent est l'écho d'une sentence du dernier jour que nous connaissons bien ; « j'avais faim et vous ne m'avez pas donné à manger,  j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire» (Matth 25, 31-46). Nous savons quelle signature porte ce qui commence dans le mensonge et finit dans la mort de l'innocent.

 

Le degré de civilisation d'un pays se mesure, entre autre, à sa capacité à protéger les plus faibles, les plus vulnerables de ses membres. Vincent Lambert en est devenu, bien malgré lui, le porte drapeau. S'adressant à lui une dernière fois à distance, depuis le parvis de Saint Sulpice, son courageux défenseur, Maître Jérôme Triomphe déclarait “Tu n’es qu’un symbole pour faire avancer le débat sur l’euthanasie”, donc “tu dois mourir au nom de la loi, maintenant c’est fini”. Et Maître Jean Paillot, autre courageux défenseur, constatait « une régression dramatique des droits » ; « C'est une cathédrale d'humanité qui brûle sous nos yeux » !

 

Combien de Vincent Lambert ?

Combien peuvent aujourd'hui craindre pour leur premier droit humain fondamental, celui de vivre ? Et conjointement, celui de recevoir nourriture et hydratation, même lorsque leur état de santé est dégradé mais stable ?

Combien de personnes handicapées ou diminuées mais conscientes vont assister à leur propre exécution si, comme on peut le prévoir, le « cas » de Vincent fait jurisprudence ?

Où sont les apôtres zélés des droits de la personne, les défenseurs de l'humanité, les pourfendeurs de crime contre l'humanité ?

 

Ces questions se posent sérieusement.

 

Mais ce temps est d'abord celui de la prière, du recueillement. Comme l'a souligné Maître Triomphe, il y a quelquechose de christique dans la mise à mort de Vincent Lambert, victime muette de l'arbitraire. « Comme une brebis menée à l'abattoir, comme un agneau devant celui qui le tond, il se tait, il n'ouvre pas la bouche » (Isaïe, 53, 7).

 

Alors nous nous associons de tout cœur à la demande de plusieurs évêques, que des messes soient célébrées pour le repos de l'âme de Vincent Lambert.

Si nous dénonçons l'injustice de la violence, nous reconnaissons aussi la fécondité de la souffrance d'un innocent. Surtout lorsque celle-ci est déposée sur la patène, à côté de l'hostie immaculée, le Christ mort et ressuscité.

 

Stabat Mater...

Et parce qu'au pied de la croix se tenait Marie, debout dans les larmes, majestueuse de foi et d'esperance jusque dans sa peine, nous lui confions aussi les proches de Vincent. Eux aussi sont au pied de la Croix, en ces heures. Que Notre Dame les prenne sous son voile de tendresse, de miséricorde et de pitié !

 

Une messe sera célébrée au nom de Notre Dame de Chrétienté, à cette intention, le samedi 13 juillet, à 11 heures.

 

Abbé Alexis Garnier, Aumônier Général de Notre-Dame de Chrétienté

Jean de Tauriers, Président de Notre-Dame de Chrétienté