Joseph Thouvenel : « Les dirigeants de la CFTC trahissent quand ils ignorent la doctrine sociale chrétienne »

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Alors que la CFTC célèbre son centenaire à Marseille lors de son congrès confédéral, du 5 au 8 novembre, Joseph Thouvenel publie une histoire épique des combats de la CFTC. Il refuse que les sources du syndicalisme chrétien soient mises de côté.

100 ans après sa fondation, la CFTC revendique-t-elle toujours la doctrine sociale de l’Église de Léon XIII et tous ses développements ultérieurs ?

L’article premier des statuts de la CFTC est clair « la Confédération se réclame et s’inspire, dans son action, des principes de la morale chrétienne », de là découlent normalement nos réflexions et nos actions. D’où notre vigilance sur les conséquences des pratiques syndicales, comme la grève par exemple, celle-ci doit être le dernier recours à utiliser lorsque les autres moyens du dialogue social ont échoué, et après avoir mesuré si l’action et ses conséquences sont proportionnées aux objectifs, notamment concernant les usagers du service public, cela est dans notre ADN.

La formation est-elle au niveau pour mieux connaître cet ADN ?

Malheureusement cette formation « identitaire », socle de la connaissance des valeurs que nous devons porter, a été petit à petit réduite et a disparu au sein de certaines fédérations CFTC. Comment s’inspirer de ce que l’on ne connaît pas ? Comment s’appuyer sur ce que l’on ignore ? Aujourd’hui à tous les niveaux de la confédération, des responsables méconnaissent tout ou presque de la doctrine sociale chrétienne. J’ai tendance à considérer que c’est pire qu’une faute, c’est une trahison. Que cela soit par indifférence, mollesse d’esprit ou indolence intellectuelle c’est être infidèle à tous ceux qui se sont battu pour le syndicalisme chrétien que de ne point vivre et faire vivre « la morale sociale chrétienne » quand on exerce des responsabilités au sein de la CFTC.

Que retenez-vous des combats de la CFTC sur un siècle ?

De l’interdiction du travail des enfants, au repos dominical, en passant par la durée du travail, les retraites, ou les conventions collectives qui couvrent aujourd’hui 98% des salariés au-delà du code du travail. Que de belles choses, de nobles engagements, et de magnifiques réussites ! Je pourrai également citer la défense de l’enseignement libre ou plus récemment la reconnaissance par le MEDEF, qui jusqu’ici s’y refusait, de l’existence de pénibilités psychiques liés au travail. Notre histoire est faite d’engagement, de dévouement, de sacrifices pouvant aller jusqu’à donner sa vie comme sous l’occupation, elle est forte, elle est enthousiasmante, souvent admirable et malheureusement trop méconnue y compris en interne.

 

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A quoi peut servir la CFTC dans un univers syndical ou elle pèse seulement 10% ?

10%, c’est plus d’un demi-million de voix aux élections professionnelles, c’est 130 000 adhérents, c’est une implantation nationale et internationale.

10% ce n’est pas rien. C’est également des entreprises ou nous sommes majoritaires, des secteurs en forte progression comme le commerce, les services, la sécurité, les nouvelles technologies, l’agriculture et d’autres encore.

10% bien employés, c’est un formidable effet de levier, c’est souvent ce qui permet de former une majorité de signature ou non.

10% portant concrètement les valeurs sociales chrétiennes, c’est une clarté dans l’obscurité du matérialisme.

Mais si la CFTC abandonne son dernier C de chrétien pour être comme d’autres, se référant à un vague humanisme sans structure, sans profondeur, sans appel à la transcendance, nous n’avons aucune utilité dans le paysage social.C’est notre spécificité sociale chrétienne qui justifie notre existence, sans celle-ci, autant rejoindre plus gros, plutôt que d’encombrer le champ syndical pour des intérêts de personne.

Quel est le principal défi du syndicalisme chrétien dans la France du XXIsiècle ?

Comme tous les syndicats notre mode d’organisation, nos structures se justifiaient au XIXet au XXsiècle, plus aujourd’hui.

Les temps ont changé. La notion de subordination est de plus en plus floue, quand elle n’est pas vidée de sens. Combien de ces « indépendants » façon chauffeurs UBER ou autres prestataires de service sont-ils réellement indépendants ?

Comme les autres organisations syndicales, nous devons répondre à ces nouveaux enjeux.

Plus spécifiquement pour la CFTC le défi est simple. Être fidèle à nos valeurs ou disparaître.

Porteur des valeurs chrétiennes, nous sommes en capacité d’apporter des réponses aux défis de la numérisation, de la robotisation et des biotechnologies qui impacteront de plus en plus le monde du travail. La doctrine sociale chrétienne apporte des réponses sur ce qu’est l’Homme, il possède une conscience, il a le sens du bien et du mal, contrairement à la machine aussi sophistiquée soit-elle. L’approche matérialiste qui, structurellement, ne peut reconnaître le caractère sacré de chaque être humain n’a qu’une réponse, si c’est techniquement possible on peut le faire. Je veux un enfant, la technique le permet, le marché se met en place. Je prive volontairement cet enfant de père ou j’en fais un objet de commerce en exploitant la misère de femmes du bout du monde, c’est sans importance. Le marché est là pour répondre à cette demande et les syndicats, ONG et autres ligues de vertu sans repères, négocieront la longueur de la chaîne des nouveaux esclaves.

 

Source : Famille Chrétienne